Citations sur M pour Mabel (112)
(...) mon père avait inventé un projet fabuleusement original pour occuper nos week-ends. Il avait résolu de photographier tous les ponts qui franchissent la Tamise. (...) Mon père était non seulement mon père, mais aussi un ami, et le complice rêvé de ce genre d'aventures. (p. 29)
Je réfléchis à ce que sont les animaux sauvages dans notre imagination et à la façon dont ils disparaissent, non seulement de la nature mais de la vie quotidienne, pour être remplacés par des images d'eux-mêmes imprimées ou projetées sur un écran. Plus ils deviennent rares, moins les animaux ont de signification. Et en fin de compte, leur rareté, c'est tout ce qu'il en reste.
L'autour avait empli la maison de sauvagerie comme un vase de lys l'emplit de son parfum.
Nous portons les vies que nous avons imaginées de même que celles que nous vivons, et parfois, nous faisons le compte de celles que nous avons perdues.
(...) j'ai eu l'impression que mon père était assis à côté de moi, dans le train ou dans un café. Tout cela me réconfortait, parce qu'il s'agissait des folies normales de la douleur. C'est ce que j'apprenais dans les livres. J'avais acheté des livres sur la douleur, la perte, le deuil. Des piles de livres instables qui envahissaient mon bureau. En bonne universitaire, je pensais qu'un livre, cela sert à donner des réponses. (p. 31)
Le simple fait qu'il y ait des autours en Grande-Bretagne m'emplit de bonheur. Leur existence dément l'idée que la nature sauvage doive nécessairement être quelque chose qui n'a jamais été touché par le coeur ou la main de l'homme. La nature peut être l'oeuvre de l'homme. (p. 21)
L'autour est le rapace des forêts profondes, et non celui des jardins, il est le Graal obscur des ornithologues. (p. 15)
Aujoud'hui, on dénombre environ quatre cent cinquante couples en Angleterre. Furtifs, spectaculaires, parfaitement acclimatés. Le simple fait qu'il y ait des autours en Grande-Bretagne m'emplit de bonheur. Leur existence dément l'idée que la nature sauvage doive nécessairement être quelque chose qui n'a jamais été touché par l'homme. La nature peut être l'oeuvre de l'homme.
Il est un temps dans la vie où vous vous attendez à ce que le monde soit toujours rempli de nouveautés. Puis vient le jour où vous comprenez qu'il n'en va pas du tout ainsi. Vous voyez que la vie va devenir une chose faite de trous. D'absences. De pertes. Des choses qui ont été là, mais qui ne le sont plus. Et vous réalisez également que vous devez vous développer autour de ces manques, entre ces creux, même si vous pouvez tendre la main à l'endroit où ces choses ont existé et sentir le terne éclat et la tension des lieux où les souvenirs se logent.
J'étais certaine que c'était l'alcool qui renforçait son comportement autodestructeur, car c'est un trait courant chez les alcooliques que de faire des projets et des promesses, à eux-mêmes et aux autres, avec ferveur et sincérité, dans l'espoir d'une rédemption.
Des promesses qui sont systématiquement rompues par la peur, le découragement, par toute une série de raisons qui dissimulent un désir très profond d'anéantir leur personnalité brisée.