Je souris, pour la première fois,je crois, depuis le coup de téléphone. (**annonce du décès du père de la narratrice).
En partie parce que l'eau coule vers la mer, et que ce phénomène de physique élémentaire a encore du sens dans un monde qui n'en a plus.Et en partie parce qu'une dizaine d'années plus tôt, mon père avait inventé un projet fabuleusement original pour occuper nos week-ends.Il avait résolu de photographier tous les ponts qui franchissent la Tamise. (...)
Mon père était non seulement mon père, mais aussi un ami, et le complice rêvé de ce genre d'aventures.
( Fleuve éditions, 2016, p.28)
Mais c'est dur d'attendre quand on n'a que neuf ans.(....)
À un moment, mon père s'est retourné vers moi, mi-exaspéré, mi-amusé, pour m'expliquer quelque chose. Il m'a expliqué le mot patience. Il m'a dit que la chose la plus importante dont je devais me souvenir, c'était que, si l'on voulait vraiment voir quelque chose, il fallait parfois rester immobile, sans bouger, au même endroit, et se rappeler à quel point on voulait la voir, cette chose – en un mot, être patient. » (...)
Si tu veux voir des faucons, tu dois être patiente, toi aussi. Il n'était pas énervé, mais grave et sérieux. Ce qu'il faisait, c'était de transmettre une "vérité de grande personne".
(...) On finit toujours par comprendre.Aujourd'hui, me suis-je dit, n'ayant plus neuf ans, ne m'ennuyant plus, j'ai été patiente et les autours sont venus.
(Fleuve éditions, 2016, p. 25)
"Certains événements ne surviennent qu'une ou deux fois dans toute une vie. Le monde est rempli de signes et de merveilles qui apparaissent puis disparaissent, et si vous avez de la chance, vous serez peut-être là pour les voir."
"Au cours de ces mois en compagnie de Mabel, j'ai appris que l'on se sentait plus humain une fois que l'on avait fait l'expérience, ne serait-ce qu'en imagination, de ne pas l'être. J'ai également appris qu'il est dangereux de confondre la sauvagerie que l'on attribue à quelque chose et la sauvagerie qui l'anime. Les autours sont des être de mort, de sang et de carnage, pas des prétextes pour commettre des atrocités. Leur inhumanité doit être préservée parce que leurs actions n'ont absolument rien à voir avec les nôtres."
White reçut ainsi une lettre qu'il n'oublia jamais, qui toucha une corde extrêmement sensible. Son auteur expliquait enseigner l'ornithologie depuis trente ans et avoir observé les oiseaux toute sa vie. "Oser dire que vous aimez un oiseau après avoir soumis nos merveilleux rapaces à de telles tortures dépasse l'entendement d'un esprit normal. N'y a-t-il pas assez de cruauté dans le monde pour votre amusement ou votre passe-temps ?"
"Il n'y a a pas d'histoire à raconter, à proprement parler, mais une série d'instantanés."
"Des nuées de linottes, moitié moucherons, moitié notes de musique, rebondissent contre les haies qui entourent la maison de mon enfance - encore que le sentiment d'être ici chez moi soit ébranlé par l'absence de mon père. C'est la fin de l'hiver et je suis de retour chez ma mère. Les choses vont mieux désormais, je le sais, et je reviens ici de plus en plus souvent même si, d'une fois sur l'autre, j'oublie combien cela va être douloureux."
"En imagination, tout peut être restauré, réparé, les blessures guéries, les histoires achevées."
"Je sais désormais que je n'ai plus confiance en personne ni en quoi que ce soit. Et il est dur de vivre ainsi longtemps, car vivre sans confiance, comme vivre sans sommeil, finit par vous tuer."
"Il devrait rentrer quand il entend un bruit qu'il ne reconnaît pas, la note d'un moteur inhabituel, et oui, là, c'est le moment dont il a rêvé. Il scrute le ciel. Il voit les feux de position d'un...il ne sait pas ce que c'est. Quelque chose qui n'est dans aucun livre. Il le prend en photo. Il note le numéro dans son carnet. C'est une apparition venue du futur : un nouvel appareil de l'US Air Force. Pour un jeune garçon passionné d'aviation dans les années 1950, c'est comme de contempler le Saint-Graal."