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Citations sur Respire (12)

Tout le monde le sait, le sent : on manque d'oxygène, de santé, de paix, on manque de liens vrais, de justice et de joies.
C'est presque devenu notre condition naturelle, la caractéristique d'environnements à peu près partout intoxiqués ; notre condition politique aussi, traversée de violences et de mépris ; notre condition sociale (nos conditions sociales si différentes plutôt) dans un temps de sauvagerie du capital et de brutalités publiques ; notre condition psychique même : l'essoufflement qui découle de nos « si violentes fatigues», la tête dans le guidon, et de ce que cela coûte de s'ajuster à un monde en surchauffe. Un monde où les crises se succèdent, roulent en avalanche sans laisser le temps de reprendre haleine et d'ouvrir franchement la fenêtre aux poumons.
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L’histoire de la modernité est en fait celle de « l’altération continue et à grande échelle des conditions atmosphériques de la vie » (*)
Des villes entières sont nées du déni de leurs milieux naturels et se maintiennent sous perfusion de technologie, de dispositifs de refroidissement, d’artificialisation de l’atmosphère-et de pompage d’eaux lointaines ou de nappes déjà exsangues. Dans beaucoup de régions du globe (ou plutôt avec l’extension d’une forme de vie, l’« American way of life », dont George Bush avait posé qu’il n’était « pas négociable »), il est difficile d’échapper à la climatisation, qui rend malade et fait monter encore plus le thermomètre dans les rues.
(Ici, à Rome, le vent s’est évaporé : le léger vent d’ouest qui venait de la mer et savait rafraîchir la ville, a faibli dans les années 1970 puis tout à fait disparu avec l’urbanisation des périphéries ; la massification urbaine a brisé la brise, étouffé le « ponentino » qu’on attendait auparavant, le soir, sur les terrasses et dans les rues, et qui n’arrive plus en ville, perdu dans les hauteurs ; désormais il s’élève trop vite, sous la pression des masses de chaleur, et tournoie au-dessus de la capitale sans parvenir à briser le dôme cuisant qui la coiffe. « Il s’évertue jusqu’au soir à ébrécher la coupole d’ozone, sans pouvoir atteindre la ville en contrebas. Efforts vains, infinis, inlassables : invisible combat. » (**) Rome a perdu ce fil qui la reliait à la mer et à ses fraîcheurs savantes, délicates. Et comme elle a aussi rompu ses liens au fleuve, et que le Tibre s’est noyé dans le flux urbain, la voilà coupée de toutes rives, tournant le dos au large.)

P. 20
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Des volontés d'agir sur les conditions climatiques, et face à elles des luttes contre l’irrespirable, il y en a en fait depuis longtemps. La prise de conscience n’a cessé d’accompagner la marche à la modernisation… et d’être par elle mise de côté, dans une production volontaire d’ignorance. En sorte que la pollution de l’air, à grande échelle, a presque constitué un choix de civilisation : le choix d’une atmosphère contre une autre – contre une qu’on aurait pu avoir et qu’on voudrait désormais retrouver, rappeler à soi.
Certains soulignent que le capitalisme ne « subit » pas de crise climatique mais l’organise, la monnaye et en jouit. Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences et du climat, parle de la montée d’un « carbo-fascisme » pour décrire l’éloge cynique des énergies fossiles auquel se livrent régulièrement les mouvements populistes, avec les valeurs, virilistes, qu’ils drainent (on dit, par exemple, que Vladimir Poutine misait sur le réchauffement planétaire pour ouvrir la voie du passage du Nord-Est à ses bateaux gaziers).

P. 18
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Car les pollutions s'accumulent avant tout dans le corps des plus pauvres : environnements insalubres, proximité des sources de pollution, nature des métiers exercés, habitat précaire, défaut d'accès aux soins... L'histoire des pollutions est en effet aussi, et peut-être d'abord, une question d'inégalités et d'exploitation : l'inégale répartition de l'air, l'inégale exposition, selon les classes sociales et les chances de vie, à l'irrespirable et aux milieux toxiques. (Naomi Klein décrit d'ailleurs aujourd'hui le dérèglement climatique comme une traduction atmosphérique de la lutte des classes.)
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Peut-être d'ailleurs qu'on ne parle que pour respirer. Peut-être qu'on parle uniquement pour que cela soit respirable, en nous et tout autour.
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L'air que tu respires a un air de cave
Est un air qui a déjà été expiré
qui a été rejeté par des hyènes
Le fumier de cet air personne ne peut plus
le respirer
(Henri Michaux, « Je rame »)
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L' esoufflement qui découle de nos "si violentes fatigues", la tête dans le guidon, et de ce que cela coûte de s'ajuster à un monde en surchauffe. Un monde où les crises se succèdent, roulent en avalanche sans laisser le temps de reprendre haleine et d'ouvrir franchement la fenêtre au poumons.
– La respiration, en ce sens, ce serait déjà le répit : pause, pousse, on respire on s'offre des brassées de survie.
p. 11.
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Et la porte est étroite. Parce que, vous avez remarqué, le seul fait de dire notre grand besoin d'air, ou de se l'entendre dire, des fois ça nous suffoque; on s'époumone à vouloir respirer, à avoir à le demander, et le rendez-vous de la parole, comme de la pensée, avec l'état intoxiqué du monde suffit parfois à consumer les parlants.
Ici comme ailleurs, se défendre c'est prendre le risque de s'épuiser encore un peu plus?. Or trouver à rendre les coups viendra forcément d'un corps vivant, c'est-à-dire d'un corps enfin respirant, qui cesse de s'abîmer. (C'est peut-être comme ça aussi qu'on pourrait regarder le mouvement des Gilets jaunes : les gens avaient, ont à faire entendre l'évidence de quotidiens asphyxiés, et souvent ils ont perdu beaucoup juste en se défendant contre la situation économique et morale qui leur est faite; ce que beaucoup ont gagné pourtant, c'est un certain goût de l'action solidaire, de l'importance de politiser leurs épuisements, et de la parole vraie, fraternellement échangée - la parole qu'on ne prend pas forcément pour apparaître, mais pour « être vivant et le savoir ».
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Qui étouffe de respirer comme on mourrait de vivre. Comme on vivrait d'une vie chronique. - Chronic living : cette formule est récemment apparue dans les humanités médicales pour désigner les maladies de longue durée, lorsque l'enjeu du soin n'est pas la guérison mais l'aménagement de la vie malade, sa vivabilité, sa vitalité même, c'est-à-dire sa transformation en forme de vie. Mais j'y entends autre chose, quelque chose qui nous est comme soufflé par la langue : que la vie elle-même peut être éprouvée comme « chronique ». Chronic living, c'est le foyer verbal d'un monde où l'on étouffe de respirer, où l'on périt de vie limpide, emprisonné comme dans une apnée. Ce n'est pas un sous-vivre, ce n'est pas une survie, c'est une sorte d'irritation du vivre qui écorche continûment le sujet, l'expose, l'enflamme, mais l'intensifie aussi, à fleur de peau.
L'expérience allergique se comprend comme une révélation, profonde et cruelle, de la sensibilité et de l'être touchable, vivant :
[...] on se laisse aujourd'hui trop facilement histaminiser. Ce ferment de l'allergie, cette force opiniâtre qui, malgré les vaccins sous-cutanés répétés depuis des années, me porte préjudice du printemps à l'automne par son refus du vert (et qui après tout m'en laisse mieux jouir quand il pourrit dans la pluie, puisque les poussières en les pollens ne « lèvent pas), me permet parfois, à défaut d'autres structures, de dire « moi » sans moyen terme, sans aucun doute, avec une épaisseur sans égale. Un moi chien, comme en acier, et à la fois d'une substance proche de la poix; le plus effiloché qui soit, mais le plus résistant et feutré pour amortir tous les frottements. (Andrea Zanzotto, « Prémisses à l'habitation »)
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On "vit de" donc, et pour, et par, et à travers, et parmi. On vit prépositionnellement, jamais seul ni simplement de soi-même, mais dans des compositions et à force de liens, bons ou mauvais. Cette structure de dépendances appelle d'ailleurs, en face, une prise de responsabilité, à la fois hospitalité et engagement envers la vie.
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