Difficile d'oser une critique de cet essai tellement il est dense...La question du style sort du champ de l'esthétique et des études littéraires pour se confronter aux sciences sociales...le style sans la distinction c'est-à-dire sans le jugement et le classement qui vont avec, c'est une des pistes intéressantes de ce livre...une remise en cause de la thèse bourdieusienne toute puissante...Je retiens aussi l'idée de styles qui se côtoient tout au long d'une vie...
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Traditionnellement associé aux études littéraires, le style devient une référence indispensable pour parler des pratiques contemporaines de communication. Marielle Macé propose ici d’appeler « style » certaines formes d’expérience de vie. Aux dépens de la stylistique ?
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Ce livre se penche sur cette multitude, celles des enjeux si épars du "comment". Je suis une spécialiste de littérature mais la littérature ne sera pas ici mon objet; elle sera plutôt mon allié, mon guide même, à chaque fois qu'elle s'interroge sur le sens de telle ou telle forme du vivre (elle est très bonne à cela : c'est son souci, sa vertu). Et je veux sur ces sujets la faire, d'emblée dialoguer avec les sciences sociales - la sociologie, l'anthropologie-, qui explorent justement ce terrain des "façons-de", des "manières-de", des allures et des gestes où nous nous engageons quotidiennement; car je suis convaincue que la tâche consistant à qualifier ces formes, à les décrire avec justesse et à les traiter avec justice (à les traiter avec égards, mais aussi avec colère lorsque l'on veut y changer quelque chose), cette tâche est la responsabilité véritablement commune à la littérature et aux sciences sociales (qui en ce sens sont, les unes comme es autres, des "sciences du style"*)
Le mouvement de la lecture ne va pas « seulement » ici de l’art à la vie, comme s’il fallait dissocier deux régions de l’être et de l’expressivité, mais, dans la vie, d’une dynamique d’individuation (celle d’une œuvre) à une autre (celle du sujet qui la reçoit), autrement dit d’un style à un autre style, entre lesquelles surviennent des inventions de l’être et des puissances formelles
(...) nous sommes violemment conduits, comme pris en cordée, à éprouver les formes, les directions, les contradictions de notre propre élancement, notre conscience de tendre une corde dans les choses, à notre façon, à notre rythme, et parfois de protester aussi vivement (...)
Ce que je lis, alors, n’est pas ce qui m’exprime, mais ce qui me ressemble, ce qui m’appelle vers moi et requiert de moi un effort contre moi.
Les livres ne s’appliquent pas à la vie, mais les lecteurs, dans la vie, s’approprient les formes qui les touchent pour en faire, ou pas, leurs formes propres.
C'est dans un grand tourment de formes que se disent des décennies de trouble politique, que s'accumulent les pertes et les espérances, que donc se vivent, se démènent et prennent tournure les déchirements culturels. L'apparaître n'y est pas la marque d'une place, ou d'un moi, c'est le plan mouvementé d'un travail.
[Une stylistique de l'existence] ne traite pas forcément de vies éclatantes, triomphantes, d'apparences prisées ou de corps élégants; elle dit que toute vie s'engage dans des formes, toutes sortes de formes, que l'on ne peut pas préjuger de leur sens, et qu'il faut donc s'y rendre vraiment attentif, sans savoir d'emblée ce qui s'y joue ni ce qu'elles voudront dire. Une stylistique de l'existence prend en charge [...] la question foncièrement ouverte, requérante, et toujours réengagée, du "comment" de la vie.
« Belle pensée en effet que celle qui veut voir dans la pudeur ou la discrétion non des refus de la parure ou des effets de sourdine mais simplement une autre valence de l’apparaître, une autre force de rayonnement, un autre réglage des distances et d’éclats dans le plan du visible. » P 139
Marielle Macé est venue présenter son nouvel ouvrage Respire aux éditions verdier. Ce livre parle d'aujourd'hui, de nos asphyxies et de nos grands besoins d'air. Parce qu'une atmosphère assez irrespirable est en train de devenir notre milieu ordinaire. Et l'on rêve plus que jamais de respirer: détoxiquer les sols, les ciels, les relations, le quotidien, souffler, respirer tout court. Peut-être d'ailleurs qu'on ne parle que pour respirer, pour que ce soit respirable ou que ça le devienne. Il suffit de prononcer ce mot, «respirer», et déjà le dehors accourt, attiré, aspiré, espéré à l'appel de la langue.
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