« Et jette un coup d’œil en bas de la page où sont regroupées les publicités pour le téléphone rose.
« Femme mariée recherche plan sexe discret. Contacte ANGEL par SMS au 69998 pour photos ».
Ce sont les tarifs exorbitants des SMS qui me font tiquer plus que le service proposé. Qui suis-je pour juger des mœurs des autres ? Je m’apprête à tourner la page, résignée à lire le compte-rendu du match de foot d’hier soir, quand l’annonce au-dessous de celle d’Angel attire mon attention.
L’espace d’un instant, je me dis que doit avoir la vue fatiguée : je cligne fort des paupières sans que cela change quoi que ce soit.
Je suis si absorbée par ce que j’ai sous les yeux que je ne remarque pas que le train redémarre. Il repart brusquement et, projetée de côté, je tends la main par réflexe, touchant la cuisse de mon voisin.
- Excusez-moi !
- Ce n’est rien, pas de souci.
Il m’adresse un sourire et je me force à lui rendre, même si mon cœur bat la chamade et que je ne peux pas détacher les yeux de l’annonce. Elle comporte les mêmes mises en garde à propos des tarifs d’appel que les autres encarts publicitaires et, en haut, se détache un numéro en 0809 et une adresse Internet : www.trouvel-amesoeur.com. Mais c’est la photo qui m’interpelle. Cadrée tout près d’un visage féminin, elle permet pourtant de voir distinctement des cheveux blonds et de deviner un haut noir à bretelles. Plus âgée que les autres femmes qui étalent leurs charmes sur la page, il est difficile de lui donner un âge précis tant la photo est médiocre.
Mais il se trouve que je connais son âge. Je sais qu’elle a quarante ans.
Parce que c’est une photo de moi. »
Je rêve de pouvoir me rendre à mon travail à pied , même si c'est un voeu pieux : les seuls emplois dignes d'être acceptés se trouvent en zone une alors que les seuls loyers accessibles sont en zone quatre .
Tu as ce truc greffé à la main. Voilà le problème avec les smartphones : autant se balader avec son bureau dans sa poche.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que ce n'est pas le grand amour entre la police britannique et les îles Caïmans : inutile d'espérer qu'ils nous livrent des informations.
Vous me trouvez morbide. Excusez-moi. C’est la malédiction du metteur en scène, hélas. Toujours en train d’imaginer ce qu’une scène pourrait donner, et, à vrai dire, celle-ci serait vraiment extraordinaire.
Du sable humide crisse sous mon mon poids et je reprends mon souffle, m’ attendant à avoir mal quelque part. Mais je n’ ai rien. Je me demande un bref instant si je suis immunisée contre la douleur physique : si le corps humain est conçu pour gérer à la fois la souffrance physique et morale.
Je me tais. Que pourrais-je bien dire ?
Je suis désolée ?
Ce serait mentir. Je suis remplie de haine.
[masquer] Assez de haine pour poignarder la femme que je prenais pour mon amie. Pour la voir suffoquer sans que cela me touche. Pour ne pas intervenir quand ses lèvres bleuissent et que les battements effrénés de son coeur ralentissent jusqu'à devenir imperceptibles.[/masquer]
On ne surmonte pas un traumatisme en feignant qu'il ne s'est rien passé.
Quand on est acculé, il n'y a qu'une solution.
Se battre jusqu'au bout.