Pour être libre, pour ne pas se laisser séduire par des maîtres désireux de former des âmes et de modeler des disciples, il est nécessaire d'être intellectuellement polygame et polythéiste.
A moins d'être Balzac ou Dostoïevski, celui qui écrit ne peut pas inventer chaque semaine quelque chose d'original et de créatif, ni encore moins étudier à fond un nouveau sujet ; pour écrire vraiment, il faut de longues périodes de temps, du silence, des pauses, il faut laisser flâner sa pensée et passer des heures devant la feuille blanche. Une certaine dose d'aridité aussi est nécessaire ; ce n'est pas par hasard que tant d'écrivains parmi les plus grands ont éprouvé de la difficulté à écrire, parfois même du dégoût pour le papier, et que tant de spécialistes parmi les plus grands sont capables d'étudier un sujet pendant des années pour ensuite se taire, insatisfaits des résultats obtenus, ou rédiger tout au plus une brève communication.
Si l'auteur se met à souligner, à expliciter et à interpréter son oeuvre, faisant concurrence au critique, il en dissout l'ambiguïté et en appauvrit le sens. Le grand art est ambigu, mais pas par coquetterie à l'égard des valeurs ou pour s'amuser à en montrer l'inconsistance et l'interchangeabilité ; cette complaisance dans la futilité, c'est la voix de fausset avec laquelle celui qui ne sait pas chanter tente de faire croire qu'en réalité il est en train d'imiter les chanteurs sans voix.
Toute endogamie - toute identité prétendue pure - est asphyxiante et incestueuse.
L'Histoire dit les événements, la sociologie décrit les processus, la statistique fournit les chiffres, mais c'est la littérature qui les fait toucher du doigt, là où ils prennent corps et sang dans l'existence des hommes.
Aucune blanchisserie ne garantit une propreté authentique et absolue, mais si on lave son linge sale en famille, le risque de le retrouver encore taché est plus grand.
Comme toute idole,la frontière exige souvent un tribut de sang, et ces derniers temps la résurgence des obsessions concernant les frontières, le débridement des particularismes furibonds et viscéraux, où chacun se ferme sur lui-même en idolatrant sa spécificité et en rejetant tout contact avec l'autre, est en train de déchainer des luttes féroces.
L'histoire dit les événements, la sociologie décrit les processus, la statistique fournit les chiffres, mais c'est la littérature qui les fait toucher du doigt là où il prennent corps et sang dans l'existence des hommes.
L'utopie donne un des à la vie, parce qu'elle exige contre toute vraisemblance que la vie ait un sens.
L'ironie est une guérilla contre l'outrance viscérale et le minimalisme postmoderne ; c'est une vertu tendre et forte.