Je suis un homme grenier. Je garde tout. Si on plantait une caméra au coeur de ma mémoire, on pourrait reconstituer ma vie, comme dans un studio de cinéma. De la joie sauvage à la colère noire en passant par la fréquence d'un battement de cils, tout est intact.
Ce que je voudrais que vous compreniez, c'est que je ressens quelque chose d'intense. Une vibration particulière, comme de la musique.
Le problème c'est que ma tête n'est jamais reposée. Mon cerveau est une maison de campagne pour démons. Ils y viennent souvent et de plus en plus nombreux. Ils se font des apéros à la liqueur de mes angoisses. Ils se servent de mon stress car ils savent que j'en ai besoin pour avancer. Tout est question de dosage. Trop de stress et mon corps explose. Pas assez, je me paralyse.
La réincarnation de Betty Boop.
Je pense prouver scientifiquement que tu es la réincarnation en chair et en os de Betty Boop.
Tes avant-bras ont la même gentillesse arrondie.Dodus -dynamiques.
Tes doigts sont les pinces d'un crabe très spécial qui aurait été programmé uniquement pour caresser.
Tes yeux sont trop grands, on voit ton cœur à travers quand tu ris.
Les femmes invisibles sont très difficiles à retrouver, même lorsqu'elles sentent excessivement bon, m'expliqua le détective privé à la retraite que m'avait recommandé Louisa, ma pharmacienne.
Dehors, il neigeait. En quelques heures, les floconfettis avaient recouvert le quartier. Le cirque d’hiver ressemblait à un gigantesque donut saupoudré de sucre glace et les bruits de pas s’assourdissaient sur les trottoirs.
Le plus petit baiser jamais recensé. Un millième de seconde, pulpe et duvet compris. À peine une effleure, un origami. Une esquisse de court-circuit. Un taux d’humidité incroyablement proche de zéro, quelque chose de l’ordre de la poussière d’ombre. Le plus petit baiser jamais recensé.
On ne se regardait pas vraiment. On ne se touchait pas vraiment, on se disait presque rien. Ses yeux trop grands sur sa peau de porcelaine, et cette manière étrange de s’excuser de sourire. Ses lèvres, qui voletaient façon flocon de neige perdu sur une plage en été, et moi, qui essayais de le récupérer avec ma glacière trop grande. Un cataclysme déguisé en baiser miniature. Plus puissant qu’une armée de coups de foudre. Le plus petit baiser jamais recensé. Impact de lumière et puis plus rien. Disparue.
Mi-humains mi-thermomètres au mercure fiévreux, nous regardions partout ailleurs que dans nos yeux.
Nous avions échangé le plus petit baiser jamais recensé et elle s'en était invisibilisée sur le coup, tranchante comme une coupure de courant.
Lorsque les souvenirs de la guerre mondiale de l’amour remontaient à la surface, je me concentrais sur le challenge d’inventivité amoureuse qu’il me faudrait pour la retrouver.