J'ai apprécié le style, on ne peut qu'être admiratif ! Mais la lecture m'a été très difficile du fait de l'idéologie que véhicule cette oeuvre, idéologie qui est celle de l'auteur et non celle de
la petite barbare. Nous connaissons tous des personnes qui prônent cette idéologie, nous-mêmes, dans la société française en sommes tous fortement imprégnés. C'est une manière de penser commune à beaucoup de gens de gauche, surtout ceux qui sont des gauchistes de salon, qui se réunissent et refont le monde en buvant du champagne ou de la bière(mais qui boivent toujours quelque chose !). Tous les clichés de cette gauche bien pensante sont présents dans le livre.
• Cette héroïne qui n'a pas de nom, mais tout le monde la reconnait aisément, c'est Emma de l'affaire Ilan Halimi. Là, j'avoue avoir été dégouté par le choix de Madame Manfredi. Ce n'était pas un fait divers, c'était un sacrifice rituel qui a secoué tout le pays. Je sais que l'art a ses propres critères de jugement, que la fiction est de la fiction, mais je sais aussi que l'auteure n'aurait pas écrit de livre sur certains faits d'actualité parce que dans son monde cela ne se fait pas. Je gage que A. Manfredi n'aurait pas écrit de livre sur le passeur responsable de la mort du petit Aylan Kurdi, dans lequel ledit passeur aurait découvert les vertus et les beautés de la poésie et de la littérature en prison. Non, cela ne se fait pas ! Alors pourquoi choisir le personnage d'Emma. Je pose la question !
• Au cours de l'entretien avec F.
Busnel, dans « La Grande Librairie » A. Manfredi répète que son héroïne est née du mauvais côté du « périph' ». Ici encore il s'agit d'un cliché fondé sur une pseudo analyse marxiste, souvent érigé en mantra ; le bourreau est né du mauvais côté de la barrière, c'est ce qui explique sa barbarie. le problème est que dans les banlieues, il y a des millions de personnes qui naissent, grandissent, travaillent, ont une vie de famille, aiment et haïssent, en un mot vivent sans pour autant devenir obligatoirement des barbares. La plus grande majorité est composée de gens paisibles.
• Un autre indicateur de l'idéologie qui sous-tend cet ouvrage est la hiérarchie des personnages. Il y a d'abord l'ego d'une femme, une vraie, qui méprise le monde entier et qui fait payer au monde ce que le monde a fait aux femmes depuis des millénaires. Tout ce qu'elle fait est à la fois grandiose et subversif ! Puis le prince noir (là on a droit à tous les clichés sur les Africains, clichés qui viennent compenser les méfaits de la colonisation), puis le psychologue (curieux, A.M aurait elle fait un transfert qu'elle attribue à son héroïne ? Puis il y a les hommes de main du gang, enfants d'immigrés ou des petits-blancs. Ce n'est qu'ensuite qu'arrivent tous les loosers, pères indignes et mères malheureuse en doudoune rose (qui n'ont pas, eux, droit à la pitié ou la commisération bien qu'ils soient nés du mauvais côté du périph') ! Ensuite, il y a les mecs, tous répugnants avec leur libido en bandoulière. Et enfin au bas de l'échelle, il y a David, prénom typé s'il en est ! Personnage à deux faces, l'une aimable et l'autre repoussante, qualifié de « bourge » donc représentant tout ce la gauche bien-pensante abhorre, l'argent, la finance….On est toujours dans les préjugés anciens et tenaces. Il aura une mort atroce, un chemin de croix, même si la barbare lui met un sein dans la bouche pendant que ses comparses le tuent à coups de poings. Stabat Mater Dolorosa.
• Je pourrais continuer encore longtemps à trouver des éléments montrant l'idéologie de l'auteure, mais je n'en peux plus, je préfère passer à autre chose. Ce qui me peine, c'est le ramdam fait autour de ce livre, les superlatifs etc…Il est vrai que l'écriture est belle, mais je l'ai appréciée comme un homme peut apprécier le décolleté d'une prostituée!