Au premier nuage, au moindre courant, la mer s'irise de reflets nouveaux et change de couleur. Grise ou bleue, et soudain d'un vert profond frangé d'écume. Et des parois cachées, creusées par l'assaut des vagues et du vent, jaillissent des milliers d'oiseaux qui plongent, frôlent les flots agités, puis remontent en tourbillons survoler la route.
Les marins n'aiment pas la mer. Ils aiment naviguer, mais ils n'aiment pas la mer. Pour quelques mers d'huile dociles, combien de houles fourbes, de grains, de tempêtes et de vagues scélérates. La mer est une maîtresse trompeuse qui prend les hommes et les bateaux par le ventre -- et les engloutit. Les autres marins du monde disent que le vent sème la tempête, mais les Islandais le savent : c’est du gouffre de la mer que surgit la tempête. De ses entrailles. Du fond vengeur que leurs chaluts raclent et pillent. Les tempêtes sont des vengeances. Des sursauts de bête qu’on assassine.
Sous la carlingue rivetée de l'appareil, illuminé par le soleil du Nord, doivent défiler au ralenti ces terres froissées qu'il a tant aimées. Des laves brunes, tapissées de mousses fluo, où paissent des moutons éparpillés, la toison gonflée par le vent du large. Des lacs argentés, miroirs passagers de leur approche, entre les cônes biseautés des volcans. Des maisons éparses, propres et peintes comme des jouets, rouges souvent, bleues quelquefois, sans jamais personne devant. Et peut-même qu'au loin se devinent aussi les panaches des grandes solfatares de Gunnuhver au bord de l'océan, ou le reflet mat des glaciers des hautes terres.
La mer est une maîtresse trompeuse qui prend les hommes et les bateaux par le ventre, même les plus solides, et les engloutit. Les autres marins du monde disent que le vent sème la tempête, mais les Islandais le savent: c’est du gouffre de la mer que surgit la tempête. De ses entrailles. Du fond vengeur que leurs chaluts raclent et pillent. Les tempêtes sont des vengeances. Des sursauts de bête qu’on assassine.
... - Non, c'est parce que j'ai senti chez vous la même envie que moi d'échapper à cette vie chiante comme une écharpe de laine dans un café au lait.
Kornélius sourit.
- Je n'ai jamais compris cette expression typiquement de chez nous. C'est comme dire que tu te sautes sur le nez à quelqu'un qui est en colère.
- ou qu'il y a tant de miracles dans la tête d'une vache quand on n'arrive pas à croire quelque chose.
- Je crois qu'il faut vraiment admettre que nous sommes un peuple un peu à part.
- C'est vrai, approuve Sigma. Un peuple et un pays aussi.
" Si un homme se trompe, instruis-le avec amitié ".
" La mort est un costume que tout le monde portera ".
" Ne mettez pas votre confiance dans l'argent, mais mettez votre argent en confiance ".
De petits icebergs translucides […] glissent sous un haut pont métallique et même les enfants, accroupis sur la grève de cailloux gris, admirent sans un mot ces vaisseaux de glace qui passent en silence. Ils y voient des licornes et des elfes, des trolls, des dragons. Les adultes y voient leur temps qui passe et la futilité de toute beauté qui est de flétrir, de fondre et de disparaître.
(Albin Michel, p. 374)
Mais de l'autre côté, à l'horizon, déjà la reine des montagnes, comme disent les Islandais. Le Trône de Dieu l'avaient-ils baptisé à l'époque. Puis la plaine immense roussit. Vire à l'ocre, comme si, délaissant les cendres noires, on s'approchait du feu de la Terre.