Citations sur Yeruldelgger (225)
Yeruldegger devina d'abord le parfum roux de l'écorce des mélèzes, puis celui plus poudreux de la terre grise chauffée par un soleil blond sous une herbe rare et jaune. Il reconnut ensuite la pointe fraîche et bleutée des senteurs d'ombre dans les sous-bois. L'odeur aigrelette des jeunes bouleaux...
Solongo croyait aux esprits. A ces liens qui se tissent entre des êtres distants. Elle ne croyait ni aux superstitions ni aux sciences divinatoires. Juste aux mystères de ces connexions encore inexpliquées entre ce qui est en nous et ce que nous ignorons.
- Les deux autres victimes sont émasculées, par un droitier selon les premières constatations [...]
- Tu te doutes de ma question, coupa Yeruldelgger.
- Bien sûr : où sont passés leurs bazars ?
- Exact. Et on sait ?
- Non, mais regarde les murs. Là tu vois les éclaboussures probablement provoquées par les exécutions. [...] Mais là, là ou encore là, qu'est-ce que tu vois ?
Yerruldelgger remarqua des taches de sang de la largeur d'une main, avec des giclures en étoile tout autour et quelques longues dégoulinures en dessous.
- Oh non, soupira-t-il. Ne me dis pas que...
- Si. Les enfants de salaud qui ont fait ça se sont amusés à jeter le bazar des Chinois contre les murs.
- Tu lui manques de respect encore une fois et je t'attache par la queue à son cheval au galop, tu as bien compris ?
- Oui, commissaire; s'excusa le policier, penaud.
- Et la tienne, pas celle du cheval !
- De quoi, commissaire ?
- De queue !
- Compris, commissaire.
- Moi ? Je n'ai appelé personne, Nerguii. Surtout pas vous : ça fait des lustres que je vous ai oubliés.
- C'est ce que tu crois , Yeruldelgger, mais ta colère et ta douleur sont si criantes qu'elles bruissent dans les feuilles de chaque arbre de ce pays. Ton désarroi court les steppes dans la complainte du vent chaque jour et chaque nuit depuis la mort de ta petite fille.
" - (...) Si tu as de l'amour à donner, il y a des enfants abandonnés partout, et des hommes seuls aussi. Pourquoi faut-il que nous finissions tous brisés par ces vies sans but ! Nous avions des espaces immenses, des coutumes et des légendes séculaires, et regarde ce que nous sommes devenus !
- C'est ce que la vie a fait de nous ! soupira la femme.
- Non c'est faux, la vie ne fait rien de nous. La vie, c'est nous qui la faisons, à coups de renoncements, peurs, abandons, tricheries, colères ! C'est nous qui nous empêchons d'en faire autre chose que ce qu'elle est. "
"Au moment de se précipiter à son tour à la suite de Mickey, elle devina sur elle le tegard de la secrétaire. Tu lui en parles, et je reviens te découper les tétons au cutter ! "
Mickey, quel nom à la con, pensa-t-il en levant les yeux au plafond. Pourquoi pas Bambi, tant qu'il y était !
Solongo avait jeté le thé dans l'eau frémissante. Au premier bouillon elle avait versé le lait et retiré la théière du feu, puis avait ajouté une pincée de sel. Oyun l'avait regardé avec bonheur faire en silence et avec élégance chaque geste de la tradition. Solongo avait ensuite aéré le thé salé au lait à l'aide d'une petite louche qu'elle gardait pour ce seul usage, puis avait ajouté une cuillerée de farine comme elles avaient toutes les deux vu faire leur mère, toutes petites, dans la steppe.
Yeruldellger se tourna vers lui et ne put masquer son étonnement. Ce môme et ce pays et même le monde entier n'avaient pas fini de l'étonner. Voilà maintenant que tout le monde, jusque dans son pays de steppes et de forêts parsemées de yourtes, parlait comme des experts de la police scientifique de Las Vegas ou de Miami.