- Qu’est-ce que tu veux ?
- Un thé au beurre, du pain, de la crème et de la confiture de myrtille.
- Tu te crois où ?
- En Mongolie, non ?
- Je n’ai pas ça !
- Ah bon ? Et tu as quoi ?
- Des cornets de glace, des barres chocolatées, et des sodas.
- Ce n’est pas un menu pour un petit déjeuner ça !
- C’est tout ce que j’ai.
- Ça m’étonnerait. Tu as pris quoi, toi, à ton petit déjeuner ?
- Du thé salé, du pain, de la crème et de la confiture de myrtille.
- Ah ! Tu vois !
- Oui, mais ça, c’est pour moi, pas pour toi.
Les rêves n’appartiennent ni à ceux qui les font ni à ceux qui les lisent. Ils sont juste un lien invisible entre les âmes et les cœurs.
Yeruldelgger sourit sans répondre. cette vieille et ces femmes, il les avait connues dans sa jeunesse, sous d'autres cieux immenses, dans d'autres steppes infinies, mais autour du même feu et des mêmes traditions. préparer les marmottes, rouler dans leurs ventres ouverts les gros cailloux brûlants, les reconduire pour que les viandes cuisent de l'intérieur, les approcher en même temps d'un feu de bois pour les cuire de l'extérieur. Enfant, il les avait longtemps regardé les grands faire les gestes, puis il les avait appris, en se brûlant les doigts par maladresse et les lèvres par gourmandises.
Oyun cherchait les testicules du Chinois. Les testicules et le reste. Tout son bazar en fait. Pour les besoin de l'enquête, bien sûr, parce que la seule certitude à ce stade des investigations, c'était que le Chinois n'aurait plus jamais besoin de son bazar.
Elles étaient assises toutes les deux sur des petits tabourets en bois peint de couleurs vivres au soleil frais, dans le jardin devant la yourte. Solongo avait jeté le thé dans l’eau frémissante. Au premier bouillon elle avait versé le lait et retiré la théière du feu, puis elle avait ajouté une pincée de sel.
Chaque matin […] Yeruldelgger se levait mongol, héritier d’un empire vaste et vide, où les hommes restaient libres d’être pauvres pour la plus grande admiration passagère des touristes qui venaient, guide à la main, leur réapprendre leur culture.
Un bâtiment postsoviétique juste en face de la Cour suprême et mitoyen de la Commission nationale des droits de l’homme. Et dire qu’il se trouvait des Coréens et des Chinois pour prétendre que les Mongols n’ont pas le sens de l’humour !
Une bar-mitsva ! s'étonna Yeruldelgger qui continuait à observer l'entrejambe du mort, la tête légèrement penchée sur le côté comme Vincent D'Onofrio dans New York Section Criminelle. Une bar-mitsva ! Tu entends ça, Oyun, une bar-mitsva ! Mais où va-t-il chercher des mots comme ça ?
Les rêves sont un langage. Ils ne sont ni divinatoires ni prémonitoires. Ils ne font qu'essayer de te dire ce que tu n'oses encore t'avouer. Tout ce qui fait ton rêve est déjà en toi. Il est fait de détails enfouis, d'intuitions fugaces, de déductions refoulées, qu'il te restitue dans une logique autre que celle de ta pensée.
Yeruldelgger ressentit une sorte de bonheur à appartenir à ce pays où on bénissait les voyageurs aux quatre vents et où on nommait les cercueils du même mot que les berceaux. Une sorte de bonheur ...