A peine âgé de seize ans, Chassériau envoya, pour ses débuts, au Salon de 1836, le portrait de son jeune frère, Ernest, et deux autres toiles qui, malgré leurs mérites, laissent à peine entrevoir la personnalité de l’artiste.
Le Retour de l’Enfant prodigue, dont le sujet convenait si bien à la sensibilité du jeune peintre, a été donné par sa famille à la ville de La Rochelle, dont elle est originaire. C’est là que naquirent Jean Chassériau, notaire et conseiller perpétuel à l’Hôtel de Ville, et son fils Benoît, père de l’artiste.
Le Caïn Maudit, qui appartenait récemment à la Collection Emmanuel Arago, obtint du Jury, à l’issue du Salon, une Médaille de troisième classe.
Dans la Revue des Deux-Mondes, Roger de Beauvoir signala en passant cette « oeuvre de débutant pleine d’avenir ».
Marie de Flavigny (1805-1876) qui épousa le Comte d'Agoult en 1827, était née à Francfort-sur-le-Mein. Sous le pseudonyme de Daniel Stern, elle a publié de nombreux écrits; les plus connus, imprégnés d'esprit républicain et même socialiste, virent le jour au moment de la révolution de 1848, dont elle a écrit l'histoire. On sait qu'elle a laissé aussi des romans et des ouvrages pour les enfants. En relations suivies avec quelques hommes célèbres de son temps, amie de Liszt, puis d'Emile de Girardin, la Comtesse d'Agoult fut aussi une des admiratrices de la première heure de Chassériau. Nous l'avons vue analyser avec beaucoup de clairvoyance les couvres du jeune homme, qu'elle proclamait « grand peintre et artiste d'avenir ».
Une conception aussi plastique de la vie sollicitait naturellement l’artiste à la peinture décorative. Sa bonne fortune lui donna de bonne heure l’occasion de s’y exercer. En 1843, à vingt-quatre ans, il était chargé par la Ville de Paris de décorer, à Saint- Merry, la chapelle de Sainte-Marie-l’Égyptienne. Les thèmes donnés à Chassériau mettaient à l’aise les goûts pittoresques de l’artiste. Il y déploya un sens de la légende, et suivant les sujets, une élégance profane ou une onction mystique du plus heureux effet.
Théodore Chassériau avait un grand air de distinction — nous apprend Aglaüs Bouvenne. Il était d’une taille élevée. Il portait toute sa barbe, qui était noire et extrêmement soignée. Le timbre de sa voix était plein d’harmonieuses sonorités. Il s’exprimait dans un langage choisi, très pur. Instruit, correct dans sa mise, élégant sans affectation, cavalier infatigable, il obtint tous les succès qu’accorde le monde à ses favoris. Habillé dès le matin, il travaillait dans sa tenue de visite.