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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Rémi Fontevrault est un jeune con. Il est riche, beau, cultivé, et fasciste comme il pourrait être communiste. Pour lui, la violence prime sur les idées.


Fasciste, premier roman de Thierry Marignac paru pour la première fois en 1988, traite intelligemment et en moins de 200 pages la question de l'adhésion à l'extrême-droite pour des raisons autres qu'idéologiques. le personnage, étudiant âgé d'une vingtaine d'années quand démarre le récit, se rapproche grâce à son ami Lieutenant, rencontré durant son service militaire, du bras armé du Front, parti montant dans lequel il va s'impliquer du service d'ordre musclé jusqu'au trafic d'armes.

Le protagoniste n'est pas raciste et est trop lucide et cynique pour ne pas voir le ridicule derrière les discours des officiels du parti. Son adhésion n'est pas un choix : pour lui, il n'existe pas d'alternative. Dans cette France pourrissante, veule, et condamnée à une mort lente par inertie, le Front et sa violence sont les seules choses qui peuvent le sauver de l'ennui. le roman, peinture réussie de son époque, touche sans peine le lecteur contemporain.

La construction du texte est probablement l'aspect qui m'a le plus séduite. L'auteur multiplie les ellipses au point que l'on ne sait plus si ce sont des jours ou des années qui s'écoulent. Seule la relation qui se noue entre Rémi et Irène, la soeur de Lieutenant, montre les personnages mûrir et vieillir et donne une idée du temps qui passe.

Ce qui m'a gênée et m'a empêchée de donner cinq étoiles à l'ouvrage sont des maladresses récurrentes dans le texte que l'on retrouve en particulier dans quelques dialogues, assez peu crédibles. J'en pardonne certaines qui fonctionnent assez bien comme révélatrices de la jeunesse et de l'arrogance du personnage. Dans l'ensemble, le style dense, lapidaire et assez brutal, m'a tout de même convaincue. Comme il s'agit d'un premier roman, ça présage d'assez bonnes choses pour les suivants.

Je m'interroge sur la nécessité d'un appareil critique aussi présent. Si la préface est assez fine et confère une aura de littérarité à l'oeuvre, l'interview de l'auteur à la fin du livre m'ennuie un peu. C'est le genre de choses qui aurait plus sa place sur le site de l'éditeur. J'ai l'impression qu'on cherche à priver le lecteur d'une interprétation personnelle du texte. Peut-être l'éditeur a-t-il préféré la prudence en prenant en compte le mauvais accueil du roman lors de sa première parution. Il me paraît tellement surréaliste qu'on puisse le lire comme une apologie du fascisme, étant donné la façon dont les partisans du Front et leurs actions y sont décrits, que je ne parviens pas à comprendre les « deux années de purgatoire » qu'a valu à l'auteur sa parution. (Mais ce qui est formidable avec la connerie, c'est qu'elle parvient toujours à me surprendre.)

Il m'a paru intéressant de lire, en parallèle de Fasciste, Seventeen de Kenzaburô Ôé. le Japonais, au contraire du Français, prend pour personnage un être répugnant, pathétique, laid, qui se laisse laver le cerveau par le premier vociférateur venu et passe brutalement de la gauche à la droite, n'ayant finalement pour idées que celles des autres. Dans chacun de ces courts romans, les protagonistes gagnent quelque chose grâce à la violence des partis politiques auxquels ils adhérent, comme s'ils acquéraient le statut d'hommes à travers elle.

Un grand merci à Actu SF et Babelio sans qui je n'aurais pas oser, et à tort, découvrir ce roman.
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Fasciste est un roman noir de Thierry Marignac, publié pour la première fois en 1988, les éditions ActuSF l'ont ressorti dans la collection Hélios en 2015.

Un contexte lourd de sens pour un premier roman
Le contexte de publication est intéressant à préciser. 1988, comme le rappelle la préface de Pierric Guittaut, signifie un moment paradoxal de la Ve République française : il y a à la fois la montée des mouvements antifascistes et antiracistes, et l'entrée depuis deux ans à l'Assemblée nationale d'un certain nombre de députés issus du Front National. Clairement, on peut comprendre l'envie de l'auteur, son besoin même, de faire sortir un premier roman à propos de ce contexte tendu. le climat est au paradoxe, il y avait besoin, par forcément d'expliquer, mais de montrer ce paradoxe.

Le récit d'un jeune d'extrême-droite
Rémi Fontevrault est un jeune homme tout ce qu'il y a de plus normal, à part peut-être qu'il est intrinsèquement fasciste. Famille aisée, envie d'en découdre et colère constante envers la société qu'il aimerait davantage nationaliste, tels sont les ingrédients de son petit destin de militant de droite. Alors que les opportunités s'ouvrent à lui, tant d'un point de vue politique que professionnel, il les saisit au fur et à mesure pour se tailler une place à sa mesure. Coup de main dans des manifestations politiques, coup de force dans quelques soirées chaudes : les occupations de Rémi deviennent un peu récurrentes à partir du moment où il comprend qu'il peut canaliser sa propre colère au service de personnes qui semblent le comprendre. Autour de lui, certains personnages sont notables : la belle Irène, figure de la jeunesse conservatrice et qui inonde les pages de sa sensualité et le rugueux Lieutenant, supérieur hiérarchique du héros ; tous deux cadrent et encouragent la montée radicale du jeune Rémi avec plus de passion et plus de violence au passage.

Un roman « coup de poing dans la gueule »
Ce roman s'organise en huit chapitres tendus, secs, tous agrémentés de phrases courts et cinglantes. le héros parle à la première personne du singulier et il est clair que le lecteur s'immerge dans sa conscience, même quand ce n'est pas beau, même quand ses paroles et ses pensées sont abjectes. Thierry Marignac multiplie les anecdotes et les péripéties pour montrer que plusieurs crans dans la violence sont franchis par le héros : sa formation militaire, ses déboires à l'étranger, ses humiliations, ses vengeances, etc. Il ingère cette violence, il s'en nourrit, s'en justifie.

En conclusion, Fasciste est une expérience intéressante, qui valait le coup d'une réédition en poche. Il y a bien sûr des aspects à améliorer, inhérents au fait que c'est un premier roman, mais il y a surtout une fin qu'on aimerait plus précise, qui donne davantage au lecteur.

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Plus que partout ailleurs, c'est en France que le polar et le roman noir sont devenus l'instrument d'une espèce de propagande politique entretenue par des militants de gauche et d'extrême gauche. Il ne s'agit en rien d'une critique mais d'un constat dont il faut prendre conscience en lisant les oeuvres de ces écrivains reconnus avec en tête de file Jean-Patrick Manchette qui créa la mouvance de la critique sociale par l'entremise du roman noir. Il est même amusant de voir ces vieux briscards de gauche s'invectiver entre eux dans les salons du livre ou par l'entremise de la tribune des hebdomadaires en se traitant de négationniste, d'antisioniste ou autres joyeusetés à l'instar d'un Didier Daeninckx qui dresse régulièrement des procès d'intention aux accents parfois staliniens en s'en prenant aux écrivains qui n'entreraient pas dans le moule. C'est beaucoup moins amusant lorsque l'on sait que certains auteurs en marge subissent les foudres d'une censure ou d'un silence médiatique parfois assourdissant comme le révèle des auteurs comme Pierric Guittaut ou Thierry Marignac. Ce dernier semble avoir fait les frais de cette censure lorsqu'il écrivit en 1988 son premier roman intitulé Fasciste qui fait l'objet d'une troisième réédition.

Qualifié de roman culte, Fasciste est désormais présenté comme un ouvrage licencieux, voire même subversif dont la seule acquisition provoquerait un certain frisson. Une bravade de l'interdit en quelque sorte. Mais que l'on soit bien clair, Fasciste n'a rien du brûlot sulfureux que l'on veut nous décrire, bien au contraire. Certes l'auteur nous dépeint la trajectoire d'un fasciste sans pour autant décrier la démarche du personnage principal. En fait tout le postulat inconvenant du roman réside dans le fait que Rémi soit un fasciste. Et alors ? Héros ou antihéros, Thierry Marignac ne nous impose aucun jugement de valeur, aucune morale et surtout aucune démarche de rédemption et c'est tant mieux. Il semblerait que l'auteur parie finalement sur l'intelligence du lecteur. Car même s'il est beau, intelligent et cultivé, nous n'avons aucune envie d'apprécier ce jeune en rupture dont on suit la trajectoire dans une succession de scènes parfois ennuyeuses. Il est indéniable que Thierry Marignac possède une maîtrise de l'écriture qui lui permet de nous délivrer un texte fluide qui tranche avec la pauvreté de l'intrigue. On appréciera toutefois l'épisode où Rémi se rend à Belfast pour rencontrer un leader unioniste ainsi que la scène finale. Mais est-ce que tout cela est suffisant pour faire de Fasciste un roman culte ? Certainement pas.

Thierry Marignac nous explique qu'il souhaitait écrire un roman dans un registre où l'on ne l'attendait pas. Cela semble un peu court pour dépeindre le milieu de l'extrême droite et on le ressent tout au long du récit. Car Fasciste manque cruellement d'ampleur et c'est bien dommage, d'autant plus que l'on se doute bien que l'auteur en a sous la pédale. On déplorera également le manque de clarté environnementale et politique qui conduit les différents personnages vers leur destinée. Cette absence de contexte motivant l'action des protagonistes est l'une des faiblesses du roman qui perd de sa substance trash.

Il n'en demeure pas moins qu'il faut lire Fasciste, qui reste un des rares romans sans complaisance évoquant le FN et ses groupuscules d'extrême droite sans pour autant tomber dans les clichés de convenance. Et si l'on se demande ce que sont devenus les différents acteurs de l'histoire il suffit d'inscrire Fasciste dans la perspective de la démarche de dédiabolisation du rassemblement bleu marine que l'on vit actuellement en France.
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