Citations sur Infanticides et néonaticides (31)
... notre esprit, malmené par d'impossibles mises en images de l'événement meurtrier, devient la proie d'une pensée blanche. L'impensé des mères provoque l'impensable. Les effets du déni deviennent palpables. Nous sommes sidérés, ralentis dans notre capacité de raisonnement, tandis qu'elles sont figées émotionnellement, privées de toute représentation.
Le déni de grossesse est reconnu comme un symptôme assez fréquent, y compris chez des femmes qui ne présentent aucun trouble psychiatrique. Cette observation est tout à fait fondamentale et rappelle que le phénomène du déni, bien qu'il soit habituellement pathologique par sa défense massive envers la réalité, prend une allure névrotique dans le cas de la grossesse.
Répétons-le : la non-intégration des interdits qui sous-tendent la parentalité se rencontre dans tous les milieux sociaux, et c'est elle qui mène à la mort de l'enfant ou bien à son annulation psychique.
L'adulte parent est en réalité un enfant non construit, qui a pris un corps d'adulte, une vie d'adulte, mais n'a pas les moyens de l'assumer. L'enfant qui va naître de ce corps adulte fertile n'est pas un enfant à part entière et reconnu comme tel. Il est un enfant-réparation, un enfant dont la présence corporelle est addictive pour le parent. Il est sans être. Il existe sans existence réelle.
... donner la vie, mettre au monde, n'est pas simplement permettre à l'enfant de sortir du corps de la mère qui le porte. C'est un acte qui s'étend dans le temps au point de devenir intemporel. Le parent en naissant parent, doit pouvoir être prêt à renoncer à l'enfant. Là est le paradoxe qui définit l"être parent".
L'enfance escamotée des mères néonaticides
La question de la vie est omniprésente, lancinante chez les mères néonaticides, elles dont l'existence sociale peut être décrite comme sans heurts, sans particularités, sans difficultés, alors que d'un point de vue psychique elles présentent un affectilogramme plat. C'est ce que des psychosomaticiens de Boston (Sifnéos et Nemiah) ont appelé l'alexithymie - l'impossibilité pour individu de nommer ses états affectifs et même de les distinguer.
Ces mères néonaticides sont porteuses du doute de leur vie et de leur propre réalité, qu'elles ne cesseront de questionner, transformant leur vie psychique en symptômes tandis que leur vie sociale creusera le fossé de leur être.
N'oublions jamais qu'une femme qui accouche est toujours en danger de mort, et ce quelles que soient les conditions de la naissance. Et cette réalité doit nous accompagner quand nous jugeons ces femmes. Chaque mère néonaticide mal jugée participe à la non-reconnaissance de la spécificité des femmes qui risquent leur vie pour faire naître nos enfants.
Une peine est nécessaire mais elle doit être adaptée, à savoir courte, correspondant aux deux trois années qui portent la levée du déni.
L'incarcération, intervenant brutalement dans le réel, joue il est vrai un rôle dans le processus de la prise de conscience de la réalité. Mais elle n'a de sens que si elle vient engager une rupture avec ce qui se vivait jusque-là et si elle ouvre sur autre chose. L'autre chose est un soin psychique, un retour dans une vie sociale où, le plus souvent, d'autres enfants attendent la mère néonaticide.
Le néonaticide n'est pas un crime comme les autres, et nous regrettons qu'il ne soit pas jugé comme un crime d'enfant particulier, où la folie éphémère agit. Le néonaticide n'est pas l'infanticide. Tout distingue ces deux types de meurtre, dans leur réalité tant psychique que sociale, matérielle, événementielle.