La connerie ne connaît ni frontières ni limites et semble même parfois invincible. Pour en faire le tour il n'en fallait pas moins que cet excellent recueil, qui propose différents articles sur le sujet.
Jean-François Marmion le démontre dès l'introduction, nous sommes tous potentiellement et à un moment de notre vie le con de quelqu'un, mais c'est le recours systématique à des système de pensées stéréotypés et presque mécaniques qui font le con "constant".
La psychologie a souligné un certain nombre de biais cognitifs qui peuvent nous faire tomber du côté obscur de la force : les phénomènes de scripts, routine qui fait passer notre cerveau en mode « automatique », la cécité au changement, le besoin et l'illusion de contrôle, l'influence sociale, la focalisation sur l'anecdotique, la croyance en une justice innée ou en un complot mystique, l'effacement des souvenirs négatifs. En règle générale les stratégies de sauvegarde de l'estime de soi, les faux consensus, les biais rétrospectifs, la surestimation de ses propres capacités, la méfiance cynique et les biais égocentriques, doivent nous inciter à la vigilance.
Ainsi par exemple le biais de négativité, qui fait que notre attention se porte plus facilement sur le négatif, nous permet de repérer les cons, mais pas notre propre connerie. de même, l'on a tendance à ne percevoir que l'intention au détriment du contexte, nous conduisant à émettre des jugements à l'emporte-pièce. L'erreur fondamentale d'attribution nous oriente aussi souvent dans la mauvaise direction en nous faisant omettre les circonstances extérieures lorsque l'on considère le comportement d'une personne. Autre procédé, le sentiment d'immunité qui découle directement du biais d'auto-optimisme, et qui conditionne le sentiment d'impunité que l'on éprouve tous parfois. Entre les raisonnements intuitifs et les raccourcis mentaux dits économiques le pièges sont nombreux et quotidiens.
Ces nouvelles connaissances viennent étayer la réflexion et ce d'autant mieux que nous sommes dans une ère d'avènement de la « connerie de masse ». Les réseaux sociaux sont en effet une formidable caisse de résonance, mais conduisent aussi à une certaine forme de normalisation de la bêtise : narcissisme exalté, fausses informations racoleuses qui contraignent les médias dit classiques à recourir aux mêmes procédés et à multiplier les titres outranciers, sur-représentation de photos choc accompagnées d'un minimum de texte, autant d'instruments qui donnent à la connerie une audience plus large mais surtout plus dangereuse.
Déjà Debord avait évoqué dans "La société du spectacle" les dérives liées à la domination de l'image, mais les réseaux sociaux vont plus loin. L'extension du domaine du jugement est une première conséquence d'internet, mais l'individualisme et l'égocentrisme exacerbés par les vitrines de soi conduisent aussi les utilisateurs à l'auto-aveuglement et à une certaine forme de prétention. La forte audience des bullshit news sont la preuve que la connerie se propage et se partage à grande vitesse, dans le monde entier. Les dérives populistes, les erreurs collectives en sont une autre conséquence. Enfin, de récentes élections ont démontré que les médias peuvent désormais être manipulés non plus seulement par la publicité ou par la politique, mais aussi par n'importe qui.
Cet excellent ouvrage propose ainsi un panorama à la fois complet et abordable de la connerie, en abordant ses conséquences dans la vie quotidienne ou au travail.