Citations sur Jamais je n'aurai 20 ans (18)
"C'est en Espagne que ma génération a appris que l'on peut avoir raison et être vaincu, que la force peut détruire l'âme et que, parfois, le courage n'obtient pas de récompense."
Albert Camus
- Nous n'avons pas encore vu de voiture.
- Ce n'est pas facile, pour en avoir une, il faut être très, très riche.
- Ça s'appelle un millionnaire.
- Comment on fait pour être millionnaire ?
- Tu dois naître riche. Ensuite, une fois grand, tu deviens millionnaire.
Nous n'avions eu besoin de rien dire. À cet instant, nous avons compris que la guerre était perdue... que les démocraties nous avaient abandonnés, sur le capitalisme s'était allié au fascisme, parce que ce sont deux faces d'une même pièce.
- Une grève des locataires ? C'est possible ?
- Mes parents m'ont raconté qu'ils avaient failli la faire en 1917.
- Alors pourquoi pas maintenant ? Les loyers sont toujours beaucoup trop chers, et beaucoup d'appartements n'ont pas d'eau courante. Rien n'a changé depuis lors.
- Les propriétaires sont toujours représentés dans les assemblées d'arbitrage, jamais les locataires. C'est pour ça qu'on ne résout jamais leurs problèmes.
- Quand nous sommes au chômage, nous n'avons pas droit à une prorogation avant l'expulsion...
- Et les propriétaires ne se chargent toujours pas de l'assainissement des logements...
- ... Et il n'y a toujours aucune taxe pour ceux qui laissent leurs logements vides...
- Ma fille, la dame t'a-t-elle payée ? Le propriétaire est passé ce matin...
- Tiens. Elle a moins de scrupules à donner des leçons de vie que de l'argent...
1939
9 FÉVRIER.
Les franquistes promulguent un décret sur la « conduite à l’égard des malfaiteurs politiques », qui vise, de manière rétroactive, les activités considérées par Franco comme subversives ; légalisant ainsi plusieurs centaines de milliers d’assassinats perpétrés par la suite.
p.108-10.
Jaime : Ne dis pas ça. Toi seule sais les sacrifices que nous avons dû faire pour qu’elles ne manquent de rien. Tu aurais donné ta vie pour qu’aucune d’elles n’ait à vivre la moitié de ce que tu as enduré.
Isabel : Laisse, Jaime.
Encarnita : Mais de quoi est-ce que vous parlez ? Nous ne vous avons jamais rien demandé ! Moi je veux juste décider quoi faire de ma vie !
Jaime : Bien sûr, que tu ne sais pas de quoi je parle ! Et tes sœurs non plus ! Vous n’avez jamais rien su parce que nous ne voulions pas que vous découvriez dans quel monde de merde nous vivons. Vous ne savez pas que votre mère...
Isabel : Jaime, arrête, s’il te plaît.
Jaime : Votre mère a dû abandonner sa famille au milieu de la nuit parce qu’ils venaient la chercher pour l’assassiner.
Elvira : Maman ! Tu ne nous as jamais raconté...
Jaime : Bien sûr que vous ne comprenez pas de quoi je parle, Encarnita !
Isabel : Elle savent qu’il y a eu une guerre, Jaime. Qu’est-ce que ça a à voir avec la petite ?
Jaime : Tout !
Encarnita : ?
Jaime : Je parle d’assassins. De personnes qui se sont consacrées à pourchasser des gens. À nous pourchasser, nous. Ta mère et moi... comme si nous étions des animaux. Tu veux savoir pourquoi je ne supporte pas de te voir avec ce gamin ? Moi aussi ils sont venus me chercher à la maison pour me fusiller. Votre mère le sait bien. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que c’est le boulanger qui m’a dénoncé. Ce phalangiste était dans la voiture qui est venue me chercher. Il m’a montré du doigt.
Encarnita : Mais pourquoi a-t-il fait ça ?
Jaime : Parce qu’il en avait le pouvoir... juste pour ça.
Isabel : Pourquoi n’as-tu jamais dit ... ? Je ne comprends pas... Toutes ces années à acheter du pain à ce criminel...
Jaime : Je ne voulais pas t’accabler avec ma haine, avec ma peur... Je voulais que tu te sentes en sécurité. Mais je ne peux pas oublier... comment faire si chaque jour où le pain entre à la maison, chaque bouchée a le goût de la mort ? Juste imaginer ce bourreau faire partie de notre famille me rend malade...
p.92.
- Selon le décret du 10 janvier 1937, la commission provinciale de saisie peut vider votre compte courant ou s’approprier n’importe quel bien...
Isabel : Pourquoi feraient-ils quelque chose comme ça ?
- C’est un décret promulgué par le camp insurgé pendant la guerre civile. Votre mari, en tant qu’ancien combattant Républicain, pourrait être accusé d’être "responsable de dégâts et préjudices à l’encontre de l’Espagne". Ce n’est rien d’autre qu’une stratégie de répression qui, petit à petit, rempli les caisses. Même s’ils ont arrêté de l’appliquer depuis peu, ce qui est sûr c’est qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent... je suis désolé.
p.84.
policier franquiste : Je vais vous donner 50 pesetas d’amende pour scandale public... cependant si vous payez une partie maintenant, la plainte sera classée.
Jaime : Combien devons-nous ... ?
Isabel : Nous regrettons beaucoup, monsieur l’agent. Mais nous n’avons rien sur nous.
policier franquiste : Toutefois, je vois que vous avez un bon cheval... et vous êtes loin de la ville. Quelle est votre profession ?
Isabel : Le cheval ne...
policier franquiste : Laissez parler votre mari !
Jaime : Le cheval nous a été donné par mon frère, monsieur l’agent, nous voulions ramasser des pommes de pin. Les pignons se vendent bien...
policier franquiste : La prochaine fois, ce sera le double !
Jaime : Nous aurions pu lui payer ce qu’il demandait, nous aurions économisé un...
Isabel : Ces fumiers reconnaissent parfaitement ceux qui ne communient pas avec leur régime. C’est physique, ils sentent notre peur. S’ils voient l’argent, ils nous plument.
p.73.
- Nous amenons la cargaison dans la cour et nous trions tout.
- Alors rien n’est brulé, ni enterré ?
- Brû-brûler ? Nous ne jetons rien, tout vaut de l’argent ! Nous le trions et le vendons.
- Les os aussi ?
- Les gens achètent jusqu’aux animaux morts, entiers ou les restes. Ils les cuisent et en font de l’engrais. Mais ils payent plus pour les bouteilles en verre ou la ferraille. Regardez, maintenant que nous avons séparé tout ce qui était utile, nous lâchons les animaux pour qu’ils mangent les restes organiques. Ce que les animaux ne mangent pas s’entasse et va se décomposer, jusqu’à devenir de l’engrais que nous vendons aux agriculteurs. Ici rien ne se perd.