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Critique de fbalestas


On se souvient avec bonheur du « Coeur cousu » ou du « Domaine des murmures », et un nouveau livre de Carole Martinez à l'occasion de la rentrée littéraire est toujours attendu avec impatience.
Le coeur cousu, justement, parlons-en.
Carole Martinez ne se doutait pas, après une lecture dans une librairie, qu'une lectrice viendrait lui dire que ces coeurs cousus existent bel et bien sous forme de traditions du fond de l'Espagne : avant de mourir, une femme confie ses secrets sur de fines bandelettes de papier, qu'elle cout ensuite à l'intérieur d'un tissu en forme de coeur, confiant ses récits intimes à l'éternité.
A moins que quelqu'un ne découse les liens de tissu, mais il n'est pas dans la tradition de trahir les morts.
A partir de cette découverte, Carole Martinez tisse à son tour une histoire, ou plutôt deux histoires, l'une enchâssée dans l'autre :
Nous partons donc en Bretagne, où elle imagine une postière bretonne, prénommée Lola, qui n'a « rien pour elle » et qui boite. Elle se rend tous les jours à son bureau de poste, vit seule dans le logement de fonction attenant, et n'aurait « rien de particulier à raconter » si ce n'est que son armoire recèle cinq coeurs cousus issus de sa famille espagnole.
La narratrice, qui est aussi l'autrice, va faire sa connaissance, et n'aura de cesse que de découvrir les secrets enfouis dans les coeurs. Or le premier, celui fait de tissu à paillettes, s'effiloche et laisse entrevoir quelques bandelettes de papier. Lola et la narratrice vont ensemble déchiffrer la petite écriture…
Commence alors la seconde histoire, celle de Dolores Ines, fille mal aimée par une mère qui s'est suicidée, enfermée par son père dans un jardin couvert de roses, qui décide un jour de s'échapper par le vaste monde, parce qu'un jour un cheval s'est égaré dans son jardin, et qu'elle s'est éprise du beau cavalier qui le montait …
Et voici que s'ouvre une troisième histoire, en effet miroir : Lola va progressivement s'ouvrir à la vie et au désir, elle aussi, avec un dénommé William D.H., un acteur réputé qui joue un soldat de la Première guerre mondiale, un dénommé Pierre auquel il s'identifie peu à peu et puis totalement.

On retrouve bien ici tous les thèmes chers à Carole Martinez : son goût pour la couture comme pour la nature, la présence des fleurs et leurs senteurs, la sensualité et tout ce monde à la frange du fantastique – le merveilleux - qui fait sa marque de fabrique.

Mais ici les fleurs ne sont pas sympathiques, elles sont même vénéneuses. Ici ce sont les effluves générées par ces étranges roses, dont les graines étaient dans le coeur cousu, qui mettent à mal la narratrice. On songe à Boris Vian et à « l'écume des jours » dans lequel Chloé est victime d'un « nénuphar » qui lui dévore le poumon.

Mais d'où vient alors ce sentiment que Carole Martinez ne parvient pas vraiment à entrer dans son histoire, qu'elle reste sur le seuil, observant ses personnages, sans vraiment les animer ? Et pourquoi nous abreuver de ces « Making of » d'écrivaine, quitte à nuire à la fluidité des deux histoires qu'elle nous déplie ?
La réponse vient peut-être page 220, de l'autrice elle-même : « Il me semble que je ne désire plus rien que ce livre que je n'arrive pas à écrire ». Nous y voilà.
Je ressors perplexe de cette lecture. J'ai l'impression qu'elle est partie sur une « fausse bonne idée » : celle d'imaginer le contenu de ces coeurs cousus espagnols, mêlé à l'histoire de cette Lola bretonne qui boite et qui devient subitement l'amoureuse improbable d'un acteur star de cinéma. Et ses propres errances et hésitations en tant qu'autrice n'apportent rien au récit en définitive.
Merci à Babelio et aux Editions Gallimard de m'avoir envoyé cet exemplaire via Masse critique.
Je garde un sentiment mélangé donc, avec le souvenir de quelques beaux passages, mais assorti d'une certaine déception en refermant ce « coeur décousu » où je n'ai pas retrouvé la magie du « Coeur cousu » précédent.
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