Il avait toujours su que, s’il survivait à toute une vie de combats, les choses finiraient ainsi. Il s’effacerait pour céder la place à son élève. Le monde pour lui cesserait d’exister, il n’en entendrait plus jamais le vacarme. Il n’y aurait plus que le silence et la paix. Il se sentait comme un voyageur éreinté qui avait trop marché et qui posait son sac pour se reposer, une fois de plus, mais qui savait au fond de lui que ce serait la dernière fois, que s’il s’asseyait, il ne trouverait plus jamais la force de se relever.
La maîtrise véritable d’un sort demandait des années de travail et rares étaient les magiciens qui avaient réussi à en maîtriser parfaitement plusieurs. Aussi les Askells n’en travaillaient-ils qu’un, qu’ils mettaient toute leur énergie à maîtriser. Quand son maître l’estimait prêt, l’élève accédait à son tour au grade de maître askell. Alors l’ordre l’envoyait parcourir le monde pour qu’il accomplisse ce à quoi il s’était destiné, une vie de combats. Plus tard, si la vie l’épargnait, il arriverait un âge où, usé par les épreuves, il choisirait de se retirer du monde. Il reviendrait à la forêt sacrée de Mon pour ne plus la quitter. Il ne lui resterait alors plus qu’à passer le flambeau.