Les Tombales
emme blonde pleure atrocement sur la tombe voisine.
Ce qui est intéressant ici : la délégation du récit à un personnage permet d'exprimer un avis sur les cimetières peu dans le courant des moeurs, de peindre des comportements immoraux (l'immoralité première se fait dépasser par la seconde). Si l'on devine tout de suite la légèreté de la fille, la surprise reste entière… le tombeur s'est fait tombé près des tombes et des pierres tombales !
p. 1245 : « Était-ce une simple fille, une prostituée inspirée qui allait cueillir sur les tombes les hommes tristes, hantés par une femme, épouse ou maîtresse, et troublés encore du souvenir des caresses disparues ? Était-elle unique ? Sont-elles plusieurs ? Est-ce une profession ? Fait-on le cimetière comme on fait le trottoir ? Les Tombales ? Ou bien avait-elle eu seule cette idée admirable, d'une philosophie profonde, d'exploiter les regrets d'amour qu'on ranime en ces lieux funèbres ? »
Sur l'eau (la nouvelle)
Un canotier décide un soir qu'il glissait sur la Seine, de s'arrêter fumer une pipe sur un petit coin de terre, au milieu des roseaux. Mais voilà que l'ancre est retenue par quelque chose et condamne le canotier à passer la nuit sur la berge parmi les brumes et les bruits inquiétants.
Le style ferme et concis s'exprime peut-être ici pour la première fois dans ce conte. L'anecdote n'est pas simplement racontée mais vécue dans son intériorité par un « je », qui s'inspire du vécu de canotier
De Maupassant. La peinture et la poétique de cette inquiétante nuit l'emportent sur les éventuels rebondissements de l'action qui auraient été superflus. On peut imaginer que c'est à partir de ces moments qu'il devait goûter, moments mêlant isolement introspectif nocturne avec le ciel étoilé et mystère de la proximité avec l'univers englouti de l'eau vive, excitation délicieuse des sens et de la pensée qui s'y rapportent, frayeur du moindre bruit ou mouvement, que
Maupassant a notamment pu préciser et développer son esthétique du fantastique. le titre de cette nouvelle sera repris pour le premier récit de voyage
De Maupassant, comme si celui-ci faisait un lien entre son voyage de guérison, avec les expériences limites de sa jeunesse de canotier. L'eau devient bien un lieu de passage entre les mondes, ce
lui du surnaturel, ce
lui de la raison, comme dans certaines sociétés anciennes
p. 58 : « J'essayai de me raisonner. Je me sentais la volonté bien ferme de ne point avoir peur, mais il y avait en moi autre chose que ma volonté, et cette autre chose avait peur. Je me demandais ce que je pouvais redouter ; mon moi brave railla mon moi poltron, et jamais aussi bien que ce jour-là je ne saisis l'opposition des deux êtres qui sont en nous, l'un voulant, l'autre résistant, et chacun l'emportant tour à tour. »
Histoire d'une fille de ferme :
Rose travaille bien à la ferme. Mais Jacques, un valet qui
lui avait promis le mariage, s'est enfuit, la laissant grosse.
Le tableau des campagnes est superbe, plein de soleil. Les êtres en accord avec cette nature simple, semblent vivre au gré du vent. Mais à l'intérieur des corps, tout n'est qu'angoisse, peur et néant.
Tolstoï reprochait à
Maupassant de décrire les paysans comme des rustres, des bêtes. Mais si la vérité du trait est parfois dure, si les hommes et les femmes semblent incapables de contrôler ni même de comprendre leur existence, il se dégage de leurs caractères une complexité douloureuse, si touchante qu'on la reconnaît comme étant commune à tous les hommes.
Tous sont jouets du destin sous la plume
De Maupassant, comme dans les tragédies antiques. Les figures paysannes sont grossières, certes, mais aussi magnifiques. Leur inconscience les rend bien plus admirables que toute la haute société pleine d'affections, de codes et de vices.
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