Deux parents, Marthe et Jean, un fils désoeuvré, Luc, 25 ans. Une cousine, Céline, un oncle et une tante, Gilbert et Geneviève. du jour au lendemain, Luc décide de partir, monter à Paris où il a trouvé un travail de serveur. Abruptement, c'est la distance qui s'instaure entre le fils et les parents, le silence qu'impose l'éloignement. L'espace de ce silence est-il le gage de l'autonomie conquise de Luc ? Quand ses parents, son oncle et sa tante veulent y croire, Céline, elle, doute….
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Loin d'eux » est un superbe roman de
Laurent Mauvignier, auteur doté d'un style très particulier qui vient donner un contour et un relief encore plus poignants au contenu.
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Loin d'eux » conte l'histoire d'une tentative d'autonomie d'un fils qu'il s'efforce de conquérir dans l'éloignement d'avec sa famille. Tour à tour, chacun des protagonistes de ce drame prend la parole. Quelques indices aident le lecteur à deviner de qui il s'agit. L'intrigue est construite comme un dédale, avec le noeud central de l'événement dramatique, à la fois fin et commencement. La structure d'ensemble est complexe, constituée de nombreux sauts et reculs dans le temps et changements de voix narrative. Les phrases sont longues, maintenant le lecteur en apnée, l'incitant à accélérer son rythme pour se mettre au diapason de chaque conteur.
Et l'histoire s'écrit, progressivement, dans cette tentative de donner sens à l'existence. Elle s'écrit en creux des mots, dans ces silences qui forgent une famille, rapprochent ou éloignent chacun de ses membres, les inscrivant parfois dans des trajectoires parallèles.
L'auteur questionne la solitude dans le rapport à soi et aux autres. La distance à consentir pour exister peut être synonyme de solitude. D'ailleurs, l'un des protagonistes souligne combien : « Ce qu'on dit, la solitude toujours comme un grand mot qui contiendrait toute la vérité des choses qu'on ressent en soi et qui ne peuvent pas émerger de soi, et retombent toujours alors plus profondes en soi quand les autres ne veulent pas les entendre, ou ne peuvent pas, jamais, malgré tout l'effort qu'il a fallu pour les remonter jusqu'à eux » (p. 80-81). Paradoxalement, être seul peut éloigner de la solitude. C'est Luc qui le pense, se disant : « Car on rentre toujours à pied. Pas parce que passé une heure il n'y a plus de métro et que ça obligerait à ça, la marche, mais parce qu'il faut ce moment où être seul un peu éloigne de la solitude, et vous ramène profond en vous, là où à creuser vous trouvez un espace de repos » (p. 17.)
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Loin d'eux » est une oeuvre sensible, douloureusement humaine, superbement écrite. Pour peu qu'on consente à se laisser entraîner dans le dédale des temps et des voix narratives, on arrive au terme du roman bouleversé par l'énigme de l'humain dans sa démesure.