Le braconnier du lac perdu

Le tribunal, situé dans Lewis Street, était un bâtiment victorien en grès blond, aux pignons tachés par la pluie et surmonté de hautes cheminées.
Deux portes plus loin, se trouvait l'Eglise d'Ecosse.
L'un dispensait la justice des hommes,
l'autre vous promettait d'être jugé dans l'au-delà.

Il ferma les yeux. Combien d'âmes perdues étaient-elles passées par cette pièce ? Ivrognes, maris violents, escrocs et bagarreurs. Il était, en revanche, l'un des rares à risquer d'être accusé de meurtre.

De toute sa vie, il ne s'était jamais senti aussi petit et vulnérable. L'échelle et l'envergure du paysage, la puissance des éléments, faisaient de lui un être insignifiant.

Les meilleures amitiés sont celles où il n'est pas nécessaire de parler pour combler les silences.

« Comment se fait-il que tu n’aies rien remarqué ?
- Remarqué quoi ?
- Oh, Seigneur, Finlay. Mais ça ! » Elle désigna d’un large geste les vêtements entassés. « Ils sont juste bons à mettre à la poubelle. »
« Je ne sais pas. Je pensais que c’était juste son look.
- Avoir des trous dans ses chaussettes, ce n’est pas un look, Finlay. »

Les histoires de l'évacuation des terres avaient franchi les générations et les propriétaires terriens étaient toujours regardés avec méfiance et un peu de crainte. Bien que leurs pouvoirs aient été réduits par un acte du Parlement garantissant aux fermiers le droit de jouir de la terre, on considérait encore, à contrecœur, les propriétaires comme une classe supérieure. Une opinion que partageaient les propriétaires eux-mêmes.

Je suis très exactement celui que j'ai envie d'être. Et ils ne sont pas nombreux ceux qui peuvent dire cela.

Dans la vallée, la vue qui s’offrait à ses yeux le dérouta. Il comprenait ce qu’il voyait, mais ce qu’il voyait n’avait aucun sens. Il pivota sur lui-même et son regard courut au-delà des ruches, jusqu’au tas de rochers qui les surplombait et à la pente caillouteuse qui escaladait l’épaule de la montagne où il s’était tenu la nuit précédente et d’où il avait vu les éclairs se refléter dans le lac en contrebas. Ses yeux revinrent vers la vallée. Il n’y avait plus de lac. Juste un grand trou vide.

Désespérément, il chercha autour de lui son bâton de marche. La lueur de sa torche perçait à peine l’obscurité. Il était certain de l’avoir posé à côté de lui quand il s’était accroupi pour ouvrir son sac à dos. Mais il ne le trouva pas et, pour la première fois, il commença penser qu’il était vraiment en mauvaise posture. Il n’avait pas de boussole, ni de carte, pas de canne pour l’aider à rester debout. Il était trempé jusqu’aux os et commencer à sentir le froid lui glacer l’âme. Il n’avait aucune idée de là où il se trouvait ni de la direction dans laquelle il devait partir. [...]
Il s’accroupit, dos au vent, et essaya de faire le point sur sa situation, rationnellement. Mais toute la rationalité du monde ne pouvait évacuer les pensées qui occupaient son esprit. Des hommes était mort dans de pareilles conditions.

Sous la pluie, Fin voyait défiler les villages, les uns après les autres. Humides et sombres, ils s'étalaient tout le long de la route comme autant de petites boîtes suspendues à un fil, nus, sans arbres, livrés aux éléments. Seuls quelques arbustes suffisamment vigoureux poussaient dans le sol tourbeux où des âmes optimistes avaient vainement tenté d'arracher à la lande inflexible des jardins et des pelouses.