"Un chemin sans pardon" de Peter May - Présentation par l'auteur
Quand on entre dans une maison de retraite, on voit un tas de vieux, simplement assis là. Le regard dans le vide, le sourire triste... Et pourtant, derrière chacun de ces regards, il y a une vie, une histoire qu'ils pourraient nous raconter. De douleur, d'amour, d'espoir et de détresse. Toutes ces choses que nous ressentons, nous aussi. Devenir vieux ne fait pas de toi quelqu'un qui vaut moins que les autres, quelqu'un de moins réel.
C'est le privilège des femmes de commencer par tergiverser pour finir par décider toutes seules.
La tempête s’était calmée, mais le vent était encore violent et la mer, haute et furieuse, battait la côte. D’immenses nuages, déchiquetés par le vent, filaient à toute vitesse au-dessus de nos têtes, laissant passer, par endroits, les rayons du soleil qui coloraient le paysage de nuances changeantes de vert, de mauve et de brun.
Un vent léger poussait les nuages d'altitude à travers le ciel d'encre et les étoiles ressemblaient à des joyaux incrustés dans l'ébène. La clarté argentée de la lune presque pleine apparaissait par intermittence. Le son de l'océan emplissait l'atmosphère, la respiration lente et régulière de l'éternité.
- Contrairement à toi, j'ai des responsabilités.
- Ta mère ?
- Ouais, ma mère.
- Elle est encore vivante ?
- Nan, je l'ai emmenée chez le taxidermiste pour la faire empailler, comme ça on l'a assise à côté du feu et elle nous tient compagnie le soir. Evidemment qu'elle est encore en vie ! Tu penses que j'aurais moisi ici toutes ces années si ce n'était pas le cas ?
Le nord de Lewis était plat comme la paume de la main. Pas une colline, pas une montagne. Les intempéries le traversaient toujours au galop, de l’Atlantique jusqu’au Minch. Le temps changeait constamment. La lumière et l’ombre se succédaient en permanence, l’une derrière l’autre, pluie, soleil, ciel d’orage, ciel bleu. Et les arcs-en-ciel. Mon enfance en est pleine. En général, par paire. Nous en vîmes un ce jour-là, qui se formait rapidement au-dessus des tourbières. Ses couleurs éclataient contre le plus noir des ciels d’orage. Une beauté qui vous laissait muet.
Pour cacher quelque chose, le meilleur endroit était souvent le plus visible. En général, les gens ne voient pas ce qui leur crève les yeux.
Les jeunes sont trop occupés avec leur propre vie. Et il est facile d'oublier que vos parents ont une vie eux aussi. Des sentiments. Que ce n'est pas parce que l'on vieillit que cela disparaît.
Je sais maintenant ce que l'on éprouve lorsque son enfant va à l'école pour la première fois. Une sensation de perte et de changement irrémédiable. Je sais que c'est ce que ma mère a ressenti. Cela se voyait sur son visage, avec, en plus, le regret d'avoir raté cet instant.
Quand ils étaient assez secs, on venait avec un tracteur et une remorque pour les ramener à la ferme afin d’y faire notre grand tas bossu de tourbe, rangé en chevrons pour faciliter le drainage. Une fois complètement secs, les pains de tourbe devenaient imperméables et alimentaient le feu pendant toute la durée de l’hiver. La découpe était l’étape la pire, surtout si le vent tombait. Parce qu’alors, les puces vous sautaient dessus. Des bestioles minuscules, qui vous dévoraient. La malédiction écossaise. Seule, une puce est si petite qu’on la voit à peine, mais elles se rassemblent en paquets, de gros nuages noirs, qui vous envahissent les cheveux et les vêtements, et se nourrissent de votre chair. Enfermé dans une pièce remplie de puces, la folie vous gagnerait avant la fin de la journée. Et parfois, c’était un peu ce qui se passait lorsque l’on découpait la tourbe.