Maud Mayeras navigue dans les zones que je ne lis pas – ou en tout cas très peu. Il y a quelques années, j'avais lu, à titre d'expérience personnelle, une anthologie de nouvelles écrites par elle et ses coreligionnaires du thriller 2.0 (oui, j'avoue, ce qualificatif est un tantinet péjoratif pour moi), en me disant que ça me permettait d'avoir un condensé sans avoir à me fader des pavés qui risqueraient de me tomber des mains, pour un budget bien trop élevé.
Cette anthologie, "Phobia", ne m'avait "pas déçu", j'entends par là que je l'avais trouvée comme je m'y attendais, c'est-à-dire mauvaise (je soupçonne aussi que certains ne s'y étaient pas foulés, puisqu'ils n'y gagnaient pas un kopeck).
Pourtant, deux ou trois auteurs surnageaient dans ce cloaque, parmi lesquels...
Maud Mayeras.
Aussi, quand j'ai vu ce roman en promo numérique, je me suis dit que c'était le moment de "tenter l'aventure".
Les bonnes nouvelles :
Ça se lit bien. Heureusement, remarquez, pour un "page turner", autre qualificatif consacré pour les thrillers 2.0. Il y a quelques petites choses que je n'ai pas vu venir et c'est une bonne nouvelle, comme le coup du chat (ah ah !) ou la disparition prématurée de tel personnage alors que je m'attendais à un roman de traque. Là, Maud, j'avoue, tu m'as bien eu. Quelques moments presque émouvants, aussi, avec ces malheureux personnages martyrisés, damnés de la terre. Et une fin certes prévisible, mais sans doute inévitable et inexorable. Un roman qui ne pouvait pas bien se finir, c'est évident, et s'il y a vraiment une idée directrice derrière, même si c'est un peu une idée "captain obvious" c'est sans doute l'aspect primordial de l'éducation qu'on donne à un enfant pour son devenir et sa santé mentale.
Et puis, il y a les mauvaises nouvelles, enfin, pas toutes si mauvaises que ça, mais qui brillent quand même au minimum par leur intention délibérée d'obéir à une recette éprouvée.
D'abord, les chapitres sont courts, très très courts. Et il y en a donc plein. Parfois, ce choix est judicieux, lorsqu'il s'agit de changer de narrateur, mais parfois c'est dans la continuité de l'action, donc totalement artificiel.
Ensuite, il y a le thème mille fois rebattu (y compris au cinoche) de la séquestration. Ça en a fait couler des tonnes d'encre, pour des choses qui n'arrivent que de façon exceptionnelle. Peut-on encore faire original sur un tel sujet ? "Moi, je dis que la question, elle est vite répondue".
Et puis, des phrases à l'emporte-pièce, un vocabulaire simple, voire simpliste, certes logique quand l'enfant sauvage est à la manoeuvre, mais moins dans les autres cas.
Ça se lit bien, d'accord, mais comment se suffire d'un texte qui aborde un thème sans originalité, sous une forme si peu littéraire ?
Sans compter que les extraits de contes écrits par Aleph, qui émaillent le bouquin, présentent souvent bien peu d'intérêt et ne font que nous éloigner de l'intrigue – même quand on en perçoit la portée symbolique.
Et pourtant, je suis sûr que
Maud Mayeras peut faire mieux, sa nouvelle de Phobia en témoigne. Je suis sûr qu'elle peut s'affranchir de ce carcan de thriller 2.0 pour produire un roman plus travaillé, sur un sujet plus original.