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4,06

sur 618 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  

Le Terrier et ses habitants, une mère et ses deux enfants, un Ogre qui règne en maître.

Ce roman, je l'ai lu en apnée, d'une traite.
Ce roman, je l'ai lu avec les tripes, comme une expérience sensorielle convoquant tous mes sens, exacerbés comme jamais, à l'affût de la moindre émotion qui sera convoquée jusqu'à vibrer de partout.

Terriblement immersif. J'ai humé l'air irrespirable du Terrier et l'odeur d'une libération qui n'en est pas une. J'ai écarquillé les yeux jusqu'à ce que des images imprègnent mes rétines. J'ai ressenti des textures. J'ai entendu les cris, les espoirs, la colère, la peur des habitants du Terrier. J'ai eu envie de hurler. J'ai pleuré aussi.

En seulement 300 pages d'une rare densité, Maud Mayeras plonge dans les tréfonds de la psyché humaine, dans ce qu'elle a de pire ( séquestration, viols, conditionnement mental, cruauté ) mais aussi de plus beau ( innocence, enfance ) : les passages sur l'amour filial, maternel et fraternel sont absolument magnifiques et déchirants de justesse, la plume, déjà remarquable, prend toute son ampleur alors. La façon dont elle scrute le mental d'êtres qui ont connu l'extrême est époustouflante de justesse et de singularité.

Surtout Maud Mayeras déploie un talent évident à déranger, à questionner sans chercher à cogner ou choquer en versant dans du trash facile. le cheminement de son récit est tellement subtil, même lorsqu'il lève le voile sur des thématiques tabous rarement abordées, que ce soit dans les médias ou dans la littérature, notamment sur l'après-séquestration, sur la libération des victimes qui n'est pas que joie et qui ne met pas fin à l'histoire pour soulager la société. Et son choix de décrocher de son récit en y insérant des courts extraits de contes métaphoriques terribles ne fait qu'accroître le sentiment d'étrangeté et d'oppression qui grandit depuis le début de la lecture.

Une auteure puissante que je découvre avec ce roman original et oppressant qui m'a vrillée d'émotions les plus diverses. J'entame direct la lecture de Reflex, son précédent, dont je pressens qu'il va énormément me plaire.

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LES MONSTRES

« - Vous savez pour quelle raison le grand méchant loup ne pourra jamais vous dévorer les enfants ?
- Nous l'ignorons Aleph.
- Parce que c'est vous le grand méchant loup. »

Le ton est donné. Les fauves sont lâchés et impossible pour moi, de poser ce roman avant de l'avoir terminé.

Une histoire de monstres.

Les monstres, pourtant, ça n'existe pas, non ?

Maud Mayeras t'attrape par le colbac, te saute à la gorge et ne te lâche pas, pas une seule seconde. Tu veux comprendre, tu veux savoir qui sont ces monstres, qui sont les monstres …

De l'histoire, il ne faut rien révéler. Juste évoquer un terrier dans lequel ne vit aucun lapin blanc et où Alice n'aurait jamais mis les pieds…

Chapitres courts, haletants, où chaque page hurle de tourner la suivante pour tenter de pénétrer plus profond dans le noir. J'ai lu ce livre comme on fuit en forêt, en pleine nuit, une lampe torche à la main. Tu ne sais pas où tu vas, tu flippes pas mal, tu n'y vois rien, tu te prends des branches dans la tronche mais tu avances, coûte que coûte et peu à peu l'ombre grandit, jusqu'à tout envelopper. Jusqu'à tout comprendre, dans un cri d'effroi.

Pour les amateurs de noir, ce roman est un incontournable de cette année, je lui dois ma dernière nuit blanche et ma tronche de déterré au matin. Un roman effroyable, un thriller presque gothique, comme un conte satanique, où les fées ne trouveront jamais leur chemin.

Les monstres n'existent pas mais les hommes, oui, et ils peuvent être le plus terrible des cauchemars…
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Je n'avais pas l'anthologie de Desproges à portée de main, ni même de Xanax, (clin d'oeil à @Crossroads), mais je me suis tellement immergée dans cette très sombre histoire que je n'ai pas eu le temps de prendre mes précautions.
Il faisait grand soleil à Céret, je lisais sur la terrasse d'une très vaste maison, mais j'ai tout oublié de mon environnement pour me cacher avec Eine et Jung au fond du conduit, au-dessus de la gazinière, le coeur battant, alors que les humains forçaient notre porte et allaient envahir notre terrier. Quelle angoisse ! Ils allaient certainement nous traîner dehors, là où les éléments nous empoisonneraient, la lumière nous brûlerait et leurs miasmes nous contamineraient, nous les monstres, si purs, si préservés...
J'étais Eine, je protégeais mon petit frère avec toute ma farouche détermination, mais où était donc passé Aleph, notre père si fort et si puissant ?
Cette fois Aleph ne reviendra pas à temps, et les monstres se retrouveront livrés à eux-mêmes, leur maman emmenée par les humains. Eine nous fera partager leur tribulations dans ce monde hostile où l'eau menace de tout envahir, et parallèlement nous suivrons la difficile renaissance de leur mère, et nous descendrons dans les tréfonds de l'âme torturée d'Aleph.
Vous avez sans doute déjà croisé des familles dysfonctionnelles dans vos lectures, mais des comme celle-ci certainement pas ! Et ces monstres sont tellement émouvants, tellement solidaires dans la tourmente que vous ne pourrez pas rester indifférents face à leur destin. Maud Mayeras, que je découvre ici, a su dépeindre un univers en même temps atroce et touchant, où on se laisse glisser sans résistance au bout de quelques dizaines de pages, une fois le décor planté. Les chapitres concernant le destin des monstres sont narrés par Eine au présent, ce sont les plus poignants, on vit et on ressent en même temps qu'eux. Ceux concernant la mère décrivent bien le processus très difficile de la sortie d'un traumatisme, surtout quand il s'est étendu sur une très longue période. Je ne dirai rien d'Aleph, je vous laisse le soin de le découvrir.
Au fil des pages, le lecteur est interpellé par une série de contes très symboliques, extraits des livres que les monstres ont lus tout au long de leur enfance. J'ai d'abord été un peu agacée par cette interruption de l'histoire, trouvant que cela cassait le rythme, mais ensuite j'ai trouvé que ces insertions se mariaient parfaitement avec la narration.
"Les monstres" restera une de mes lectures marquantes de cet été, et même de l'année. Amateurs de noirceur et de psychés tordues, précipitez-vous ! Ames trop sensibles, tenez-vous à l'écart du terrier...
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Dans l'immensité de la mer de livres, il y en avait quelques-uns qui surnageaient. D'autres encore plus uniques qui volaient au-dessus des flots de pages, grâce au pouvoir insufflé par leur écrivaine. LA plume (c'est bien ce qui sert à voler, non ?), rare. Et ce qui est rare est chair.

Ces histoires-là avaient réellement de la chair, vous touchaient véritablement dans votre chair. Les tripes à l'air, par l'horreur des situations et l'immense éventail de l'émoi.

Il fallait être attentif pour réussir à attraper ces écrits-là, pour avoir le privilège de s'y plonger, de se laisser emporter par les vagues de mots et d'émotions. Il fallait le bon Reflex pour avoir le Lux d'être touché d'un Hématome de l'âme aussi singulier.

A ce jour, il était quatre fois. Rare ne veut pas dire unique, et cette plume noire revenait, volait, changeait même de couleur. A travers le noir, on percevait du rouge flamboyant, du jaune aveuglant, et tant d'autres teintes qui pigmentaient vos ressentis. Une tessiture de couleurs, parce que cette autrice savait faire chanter les mots.

Il est donc jour pour laisser sortir ce quatrième de la nuit. Sortir du terreau plutôt, tant celui-ci sent la terre, l'humus, les racines mêmes de ce que sont les humains.

Dans l'obscurité peuvent se cacher des monstres. Mais qu'est-ce qu'un monstre, au juste ? Et ne sont-ils pas plutôt enfermés ? La folie des hommes peut engendrer des êtres contre-nature, façonnés à son envie.

Ce Quatre était conte autant qu'histoire vraie. Une sorte de mythe en somme, la condition humaine dévoyée, une énergie sombre mettant en scène des créatures travaillées de glaise. Des composants élémentaires dont LA plume extirpe le fondamental.

C'est le récit d'une mère et de ses deux enfants. L'instinct maternel mis en bocal, l'amour filial et de fratrie en vase clos. La quintessence de l'attachement, jusqu'au dévoiement ultime. Mais que se passe-t-il lorsque l'on ouvre le couvercle ? Une obsession pour LA plume.

Si vous vous aventurez entre ces mots, vous allez les sentir s'insinuer dans chacun de vos pores. Parce que LA plume vous fait entrer dans la tête des monstres, tous les monstres, même les plus cachés (et parfois ils sont beaux, si beaux). Ce n'est pas seulement une histoire qu'elle vous raconte, ce sont des pensées qu'elle vous fait ressentir. Des émotions qu'elle vous fait éprouver, subir, goûter, comprendre, découvrir. Pleurer.

Tant qu'on n'a pas lu LA plume, on ne sait pas ce qu'est réellement la peur, ni qu'elle est intimement liée à une palette de saisissements beaucoup plus large qu'il n'y paraît.

Quand on ressent, on s'identifie ; empathie. Face à la violence et à la puissance des ébranlements de ces êtres de papier, comment rester de marbre ? La terre n'est pas du plomb, elle vit.

LA plume est habile, elle sait qu'il ne faut pas nous démolir complètement. le Quatre entrecoupe son histoire d'intermèdes narratifs, respirations métaphoriques originales.

Mais pourquoi si court ? Trois cents pages, quand on voudrait rester encore et encore proche de ces personnalités-là. LA plume nous a appris à voler à leurs côtés. L'impression est grisante tant elle sait se transformer en démiurge, comme si elle était dans toutes les têtes. L'atterrissage est brutal, le mal de l'air reste matériel, tactile, tangible bien après l'hallucinant alunissage.

LA plume maîtrise tous les éléments, trie l'air ; thriller. Roman noir par excellence. Mais surtout, elle dompte et domine toutes les émotions, les plus puissantes, les plus vraies comme les plus déformées. Jusqu'à les lâcher ; libres. Sans brides, elles deviennent incontrôlables et vous submergent. Avec de l'amour aussi, beaucoup d'amour.

LA plume a pour nom Maud Mayeras. le Quatre s'appelle Les monstres. Et il vous appelle.
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Ce que j'ai ressenti:

Il était une fois un terrier si terrible et tellement bien caché qu'il eu une existence de plus de 20 ans. le jour ne passait pas et les jours eux-mêmes n'avaient plus d'importance. Ca sentait mauvais et des relents des années passées, une vieille affaire que personne n'a pu oublier. Il était une fois un terrier, comme une mauvaise histoire qu'on a voulu réveiller, parce que ca faisait mal à en crever. C'était un terrier où accouchaient des Monstres, et où la faim et l'attente prenaient de sombres places dans les ventres. Des horreurs et des roses défroissées aussi naissaient au creux de cette terre pourrie. Mais comme un ordre naturel préétabli, les mères aimeraient toujours leurs progénitures, peu importe leurs apparences. Peu importe celui qui rejettent, maltraitent ou éloignent l'enfant, la Mère chantera toujours des chansons pour apaiser. Peu importe la peur, peu importe le confinement, peu importe les odeurs, elle reste. Rester dans le terrier. Bien cachés, bien à l'abri, bien planqués. À moitié vivre, à moitié grignoter. le mal au ventre, permanent. Parce que c'est l'extérieur qui est mauvais, c'est les hommes, les tueurs…Et pendant ce temps, Les Monstres…

Nous sommes dehors, monstres, face à l'immensité noire du monde.

Il était une fois, un terrier. Les fées avaient du mal à s'endormir, vraiment très mal depuis ce mauvais conte d'actualité, mais que pouvaient-elles faire face à l'enfer? Et celle qui s'y est aventurée, a perdu complètement l'envie de chocolat et celle de peindre des fleurs, mais elle y est allée parce que la Reine Mayeras l'a appelé. La Reine avait une version à lui donner avec des extraits de livres, de tripes et de sang crasseux. C'était pas joyeux comme conte, pour sûr que non! Mais la fée Stelphique n'a pas reculé. Il est un chant d'ailleurs qu'elles ne peuvent pas comprendre, les fées. Un chant dysfonctionnel, un chant désaxé qui vrille à leurs oreilles. le chant des Mères-Monstres, le son profond des Monstres, et l'air infernal qui va avec. Et les cauchemars qui se ramènent encore, peuplés de violences et de peurs incontrôlées…Et puis, l'émotion. Quoiqu'il arrive l'émotion. Parce que c'est pour ça qu'on y va dans le terrier. Pour se confronter à l'émotion. Faire naître des sensations à lire l'horreur, l'incompréhensible, l'indicible.

Peut-être est-ce là l'antre des monstres.
En tout cas, c'est là que nous allons.

Si je n'avais qu'un conseil à vous donner, c'est d'aller dans ce terrier. Tout d'abord, parce que vous pourriez aimer Les Monstres après ce moment d'intimité excessive, ensuite en partageant un peu de leur air vicié vous pourriez avoir le frisson et sans doute une autre hygiène, mais toujours est-il que si vous ne craignez pas trop le confinement, l'étroitesse des lieux et que si par hasard vous aimiez le chocolat, vous passerez certainement un bon moment. Parce que ce livre est puissant, terriblement puissant. Il était une fois, une fée qui avait eu un coup de coeur Monstre, et ça ce n'est pas un mauvais conte! Dans mon monde, elle est Reine Maud Mayeras et il n'y avait qu'Elle pour me faire aimer Les Monstres. Qu'Elle…❤️

Elle se dit que c'est sans fin.
Et que sous l'horreur, il y aura toujours pire.

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement Babelio ainsi que les éditions Anne Carrière de leur confiance et l'envoi de ce livre.
Lien : https://fairystelphique.word..
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« Les Monstres » écrit par Maud Mayeras, publié aux éditions Anne Carrière le 2 octobre dernier, est son quatrième roman.
J'ai lu ses précédents livres et tous ont été d'excellentes lectures. Celui-ci n'échappe pas à la règle.
Je dirais même que c'est le meilleur pour moi. le plus fort en émotions en tout cas.
Faire un résumé de ce bouquin est impossible. La relation du lecteur à cette histoire est personnelle, presque intime, voire animale. On lit, on s'imprègne, on ressent. Pour moi cela a été une évidence. Dès les premières pages.
Maud Mayeras remue, bouscule. Autant sur le fond que sur la forme.
Les mots choisis sont bruts, incisifs, sans fioriture mais bizarrement l'association de tous ces mots est fluide, sans heurt.
L'alternance du récit principal et des extraits apporte de l'épaisseur au roman.
Les petits récits intercalés sont autant de messages cachés qui offrent au lecteur un sursis ou une rechute, cela dépend de quel point de vue on se place…
« Les monstres » est une histoire sombre, pas une once de lumière ni d'espoir à l'horizon. Pour se rassurer, on se dit « c'est une histoire, cela ne peut pas exister réellement » mais on sait pertinemment que si et c'est ça le plus terrible.
Pour ceux qui oseront s'aventurer dans le terrier, je vous souhaite une bonne lecture !
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Il y a des romans à l'atmosphère très anxiogène et il y a « Les monstres »… Anxiogène n'est pas le mot adéquat. Malaisant serait plus exact, même si j'en déteste la sonorité. Malaisant est un adjectif très laid, mais dérangeant ou déroutant n'est pas assez fort. Quatre ans que j'attendais la sortie d'un nouveau roman de Maud Mayeras… Après « Hématome » en 2006, « Reflex » en 2013 et « Lux » en 2016, « Les Monstres » sorti le 2 octobre 2020 confirme le talent d'une auteur à l'univers singulier, une femme qui semble avoir une vie intérieure fertile, naviguant au milieu de ses ogres personnels. Je referme le roman bousculée, chamboulée, à la fois soulagée de l'avoir terminé et triste d'abandonner ses personnages auxquels elle a adjugé, une fois encore, des âmes tourmentées, mais si riches d'émotions. Je crois qu'on ne peut écrire un tel livre sans vivre avec de véritables démons intérieurs, sans blessures profondes, sans un immense talent pour conférer aux mots, un embrasement et une portée si prodigieux. Une écorchée vive qui crée des protagonistes écorchés vifs, sur lesquels la fée usuellement chargée de distribuer des bontés a préféré catapulter des maléfices.

Il était une fois une femme qui vivait dans un terrier avec ses deux enfants. Une vie sous terre où le confort de notre société n'existe pas, où la crasse flirte avec la tendresse, où la peur des bactéries danse avec ce qu'une mère, aussi faillible soit-elle, procure comme petits bonheurs quotidiens. Il était une fois un ogre, chargé de maintenir cette famille en vie, qu'il distribue une nourriture réelle ou une nourriture spirituelle. On n'élève pas des monstres comme des enfants « normaux ». Si la mère les berce d'imaginaire, l'ogre, lui, les prépare à un monde post apocalyptique où l'humanité n'a plus rien d'humain.

Il y a ces personnages qui semblent aussi fantasmagoriques que réels. La mère donne naissance et nourrit. C'est elle qui implicitement navigue entre la vie et la mort. Une mère ambivalente, ambiguë, dont le comportement désarçonne autant qu'il suscite l'admiration. Douceur et violence, tendresse et cruauté, bien et mal. « Elle nous dit parfois qu'il serait si simple que nous n'existions pas, que le malheur aurait été évité si nous n'avions pas vu le jour. Elle se contredit, nous assure aussi que nous sommes son seul bonheur, et nous ne comprenons pas pourquoi elle pleure en disant ça. (…) Elle pleure et nous regarde ensuite avec tant de haine que nous nous sentons coupables de respirer. »

Les monstres poussent, bercés par les contes, par la vie dans le terrier, et par l'éducation de l'ogre. Les mots de l'ogre parlent de l'humanité, de la bêtise des hommes, des contradictions de la société, des incohérences observées, de tout ce qui fait que vivre dans un terrier c'est être, d'une certaine façon, à l'abri du monde. Et vous verrez que vous serez parfois tentés de rejoindre ce terrier silencieux, pour vous offrir une parenthèse hors du temps qui file, des idées nauséabondes du monde, des nombreux êtres humains si décevants, aux réactions incompréhensibles, et aux actes chaotiques.

Maud Mayeras dépeint une certaine vision de la société à travers les mots de l'ogre sur l'être humain. « Il nous explique que les humains ont des oreilles qui se ressemblent à peu près toutes, qu'elles ont juste un trou au milieu qui ne leur permet pas toujours d'entendre, que les hommes aboient presque tous, qu'ils ne savent pas murmurer, qu'ils crient pour s'exprimer, et qu'ils sont bêtes comme des coings. » Elle raconte la puissance de la littérature capable d'ouvrir tant de mondes pour échapper au nôtre, elle travaille sur la force des mots : « Il dit qu'on peut tout faire avec les mots, tant qu'on sait les dresser. » Elle étrille cette comédie humaine qui a de moins en moins de sens au travers de cet ogre qui affirme « Vous êtes bien plus puissants puisque vous savez réfléchir, contrairement à eux. »

Il vous faudra découvrir l'histoire de cette famille, seuls… Il vous faudra dénicher le message de Maud, localiser la lumière dans le terrier, démêler la vérité du mensonge, comprendre les mots et ce qu'ils impliquent, appréhender l'implicite, accepter de ressentir des émotions aussi terrifiantes que sublimes, prendre la mesure du mensonge véhiculé et le rapprocher des mensonges de notre société… Laisser Maud entrer en vous, la laisser vous démolir, consentir à absorber toute la noirceur qui l'habite, aimer ses monstres, admirer cette mère et la comprendre, apprivoiser cet ogre, soutenir ces enfants.

Maud a un don. Celui d'écrire peu et bien. Celui de susciter toutes sortes d'émotions. Celui de vous tordre les tripes, de vous laisser reprendre de l'air, puis de vous sonner. Rester indifférent est impossible. Sortir indemne est impensable. Croire en l'humanité est délicat, voire utopique. Ces monstres vous les aimerez. Cette mère, vous voudrez la consoler. Maud, vous ne pourrez que la placer au panthéon des conteurs d'émotions parce que sa plume est profondément authentique.

Je sais que chaque roman lui demande du temps, lui pompe toute son énergie… Je veux simplement ajouter que pour lire un roman d'une telle qualité empathique, je veux bien attendre quelques années de plus. Seulement dire « Maud, n'arrête jamais d'écrire. »

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Je découvre Maud Mayeras en même temps que Les monstres, et je sors de cette lecture salement ébranlé par une histoire aussi sordide que magistralement menée par un style fluide, et portée par des personnages divers auxquels on ne reste pas indifférent.
Une mère et ses 2 enfants vivent reclus dans le "terrier", jusqu'à ce qu'ils ne soient découverts plus ou moins par hasard.
Les événements s'enchaînent dès lors à un rythme digne d'un excellent polar, le tout dans l'ombre de la psychologie fatalement "particulière" de gens vivants hors du Monde depuis des années, voire depuis leur naissance...
Bref, une lecture prenante et facile que je conseille à grande voix!
Alex
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Une chaumière perdue dans les bois, un ogre féroce, de pauvres enfants captifs et sans défense...
Tu penses à un conte de Perrault, ou aux frères Grimm peut-être ? Détrompe-toi, malheureux ! Chez Maud Mayeras, nulle issue pour échaper au croque-mitaine, nul sauveur providentiel, nul tour de passe-passe pour briser le sortilège.
Juste l'horreur nue d'une séquestration, un terrier humide et trois créatures de l'ombre, trois monstres reclus, claquemurés, protégés du monde et des terrifiants humains qui le peuplent.

Quelle est exactement la nature de ces êtres mystérieux et inquiétants ? Qui les retient prisonniers, dans quel sinistre dessein ? de quelle abominable expérience sont-ils les cobayes ?
Difficile de répondre à ces questions sans déflorer l'intrigue de ce roman étonnant, limite dérangeant, qui explore en profondeur les territoires les plus obscurs de la psyché humaine et aborde des thématiques aussi lourdes que passionnantes (emprise psychologique, soumission morale et physique, déshumanisation des petites victimes qui paradoxalement déifient leur bourreau).

Au coeur de ce climat pour le moins pesant, alors que le lecteur se tient en équilibre face à l'abîme vertigineux de la folie, Maud Mayeras nous offre quand même - comme des respirations - quelques jolies démonstrations d'amour filial, primitif, quasi-bestial, entre les monstres et leur génitrice.
Son écriture et le ryhtme haletant de son récit m'ont plu, comme ils plairont sans aucun doute aux amateurs de thrillers horrifiques, et les agissements de l'ogre façonnant à sa guise l'esprit de ses créatures m'ont fait forte impression...

Un style percutant, une noirceur saisissante et un suspense habilement dosé : voilà de quoi faire de ce court roman une lecture monstrueusement intense !
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C'est une nouvelle dans le recueil « Ecouter le noir » qui m'a donné envie de découvrir les autres romans de Maud Mayeras. Je me suis tout d'abord jeté sur « Reflex » et l'ayant beaucoup aimé, je n'ai pas hésité une seule seconde à m'attaquer à son dernier ouvrage : « Les Monstres » !

Les monstres dont il est question vivent dans un terrier en compagnie de leur mère. Malgré l'odeur nauséabonde et le manque de nourriture, ils sont bien à l'abri, protégé de la lumière du jour qui brûlerait leur peau fragile et caché de la pire espèce qui sévit à l'extérieur : les hommes ! Heureusement qu'ils peuvent compter sur Aleph, le vieux qui les ravitaille de temps en temps, évacue leurs déchets et contribue même à leur éducation…

Maud Mayeras ne plonge pas uniquement le lecteur dans un terrier d'une noirceur profonde, mais également au coeur des pensées de ses habitants. En cette période de confinement, le sentiment d'enfermement est immédiatement partagé et l'empathie envers ces petits êtres certes différents, mais d'une fragilité et d'une sensibilité extrême, est immédiate. Cette immersion totale rend l'indifférence impossible, me donnant même régulièrement envie de crier « Non, pas ça ! » en voyant surgir le danger… poussé par le besoin de protéger leur pureté et leur innocence de l'horreur et de la cruauté du monde… et de la plume exquise d'une auteure sans pitié !

À coups de chapitres courts, ce roman se dévore à toute vitesse malgré le besoin de remonter régulièrement à la surface pour respirer un bon coup, afin de fuir les sujets forts abordés par l'auteure, puis de retourner en apnée, pour se laisser bouleverser par ce récit qui m'a fait penser à « Room », l'excellent roman d'Emma Donoghue, librement inspiré de l'affaire Josef Fritzl, psychopathe autrichien ayant séquestré sa propre fille et les enfants nés de leurs relations incestueuses.

Un roman dérangeant, voire même malsain, mais qui recèle également beaucoup de beauté, car derrière l'horreur de ces monstres se cache énormément d'amour… ouf !

Coup de coeur ! Monstrueux !
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