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Citations sur Danseur (71)

Bien sûr, il dansa parfaitement, léger et vif, souple, contrôlé, composé, mais plus encore que cela, il exploitait une chose qui dépassait son corps - ce n'était pas seulement son visage, ses doigts, son cou haut, ses hanches, mais une force intangible, au-delà de la pensée, une sorte de cinétique, violente et spirituelle. Je ressentis comme un peu de haine à son égard quand les applaudissements éclatèrent.
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Je n'avais pas grandi auprès de mes parents. A la vérité, même, le fil de notre vie commune aurait tenu sur une maigre quenouille. On les avait exilés à Oufa, cependant le ciment de leur existence était toujours ce qu'ils nommaient Pétersbourg - palais et maisons nobles, duels à l'épée, favoris aux joues, encriers, verre de Bohême, fauteuils d'orchestre au Mariinski -, tout ce dont la Révolution les aura à jamais privés. D'année en année, mon père a miraculeusement survécu aux purges: arrêté sans cesse, interné d'un camp sibérien à un autre, finalement déporté avec ma mère à Oufa, où les autorités lui fichaient plus ou moins la paix. Oufa est une ville barrée - industrie, sylviculture, fabriques d'armes. Elle est ignorée par les cartes, et c'est la croix et la bannière pour obtenir un visa.
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Je vais de pays en pays. Je n'existe plus là où j'ai vécu, et je suis apatride où je vis. C'est ainsi. Et cela a toujours été, même je suppose, lorsque nous grandissions ensemble à Oufa. C'est la danse, et elle seule qui me garde en vie.
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Il y avait à l’intérieur une minuscule soucoupe de porcelaine, de la taille d’un le cendrier. Très fine, d’un bleu pâle, avec un décor bucolique sur le bord, de paysans et de chevaux de trait. Je fus d’abord déçue, c’était une petite chose légère, fragile, qui semblait sans aucun rapport avec l’un ou l’autre de mes parents.
Elle a cent ans, me dit-il. Elle appartenait à ton arrière grand-mère maternelle. Ta mère l’a récupérée à Pétersbourg, après la révolution lui dans la cave où elle était cachée. Il y avait de nombreuses autres pièces. Elle voulait garder ce service.
Qu’est-ce qu’il est devenu ?
Il s’est cassé au fil de nos voyages.
C’est tout ce qu’il en reste ?
Hochant la tête il dit misère luxure maladie jalousie espoir.
Pardon ?
Il répéta la misère la luxure la maladie la jalousie l’espoir. Elle a survécu à tout ça.
Je gardais dans mes mains le minuscule objet de porcelaine et me mis à pleurer jusqu’à ce que mon père déclare, souriant, qu’il était temps que je grandisse.
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Dehors, le soir, dans le square Ekaterina, dans la poussière antique de Leningrad, une fois la ville et les réverbères éteint, nous arrivions, épars, silencieux et furtifs, des différents quartiers pour longer les arbres alignés du côté du théâtre. En cas d’interpellation par la milice, nous avions nos papier, un motif de travail, l’insomnie, nos épouse, et nos enfants chez nous. Parfois des inconnus nous faisait signe, mais nous n’étions pas fous et disparaissions vite. Les voitures de la perspective Nevski nous prenaient dans leurs phares, oblitéraient nos ombres, et il nous semblait un instant que celles-ci partaient à l’interrogatoire. nous nous imaginions déjà sur le strapontin du panier à salade, puis dépêchés dans les camps, car nous étions des « goluboy », des « bleu clair » des pervers. Toute arrestation serait forcément rapide et brutale. Nous gardions chez nous, au cas où, un petit sac prêt, caché.
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’avais pour voisins, dans la chambre à côté, un vieux couple de Leningrad. Elle avait été danseuse, et lui venait d’une famille aisée – c’était des exilés, je les évitais. Seulement, un après-midi, cette femme a frappé à ma porte et m’a dit que les volontaires faisaient honneur au pays, pas étonnant qu’on gagne la guerre. Elle m’a demandé si elle pouvait aider. Je l’ai remercié en déclinant, nous avions bien assez de volontaires. J’ai menti, et elle parut embarrassée, mais qu’étais-je censé faire ? C’était après tout une indésirables. Elle a baissé les yeux. Le lendemain matin, j’ai trouvé quatre miches de pain devant ma porte : « S’il vous plaît donnez les aux soldats ». J’ai jeté ça aux oiseaux du square Lénine, tiens. pas question de frayer avec ces gens-là.
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Dans les bâtiments éventrés à la périphérie des villes, ils trouvaient d’autres morts dans des ravages de sang. Ils voyaient leurs camarades pendus aux réverbères, décoration grotesque, la langue noircie par le gel. Lorsqu’ils coupaient les cordes, des poteaux gémissaient, se courbaient, et la lumière changeait d’empreinte au sol. Ils tentaient de capturer un Fritz, vivant, pour l’envoyer au NKVD. On lui trouerait les dents à la chignole, on l’attacherait au pieu dans les congères, ou on le laisserait simplement mourir de faim, dans un camp, comme on faisait chez les Chleuhs.
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(...) la vie pour lui n'est qu'une succession d'échecs, le seul moyen de continuer, c'est de croire qu'on na jamais donné le meilleur de soi-même, et d'ailleurs il l'a dit un jour : ça n'est pas vraiment moi qui aime la difficulté, c'est plutôt elle qui m'aime.
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Malgré les insomnies épouvantables qui le poursuivaient, il conservait une bonne humeur provocante, manière de dire, peut-être, Vous ne m'avez pas brisé.
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Une dernière pirouette dans l'entrée et il était parti.
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