À plusieurs reprises, ils abordèrent le sujet du vieillissement ... de l’alourdissement de leur corps qui avait cessé d’être une machine autorégulatrice qu’on pouvait ignorer pour devenir au contraire un objet de surveillance et de soins constants qu’il fallait faire fonctionner consciemment et consciencieusement.
Tout voyage est une agression. Il vous contraint à faire confiance à des inconnus et à perdre de vue le confort familier du foyer et des amis. On est en perpétuel déséquilibre. On ne possède rien en dehors de l’essentiel — l’air, le sommeil, les rêves, la mer, le ciel —, toutes choses qui tendent à l’éternité ou du moins à ce que nous en imaginons.
Cesare Pavese
... ils se connaissaient l’un l’autre aussi bien qu’eux-mêmes, et cette intimité, comme un trop grand nombre de valises, les embarrassaient perpétuellement ; ensemble leurs déplacements étaient lents, maladroits, parsemés de compromis lugubres, attentifs au moindre changement d’humeur, au colmatage des brèches. Individuellement, ils n’étaient pas susceptibles ; mais ensemble, ils s’arrangeaient pour s’agacer de mille manières inattendues ; puis le coupable — cela s’était déjà produit deux fois depuis leur arrivée — en venait à s’irriter de l’écœurante hypersensibilité de l’autre et ils poursuivaient l'exploration des ruelles tortueuses coupées de places soudaines en silence, et à chacun de leur pas la ville se dérobait tandis qu’ils s’enfermaient de plus en plus dans la présence l’un de l’autre.
... c’était en prenant le contrepied de l’opinion exprimée par l’autre que l’on avait le plus de chances de faire le tour d’un sujet donné, même si cela ne faisait pas tout à fait justice à sa propre opinion ; la contradiction elle-même avait plus d’importance que le fait de présenter une opinion réfléchie.
Ce qu'il y a avec les vacances, quand elles sont réussies, c'est qu'elles donnent envie de rentrer chez soi.
C'était l'absence complète de circulation automobile dans la ville qui conférait aux visiteurs la liberté de se perdre si facilement. Ils traversaient les rues sans regarder et, sur un coup de tête, s'engageaient dans des ruelles qui les avaient attirés parce qu'elles s'incurvaient pour se perdre dans une obscurité prometteuse ou dégageaient une appétissante odeur de poisson grillé. Il n'y avait pas de panneaux indicateurs. Sans but précis, les visiteurs choisissaient un itinéraire comme ils auraient choisi une couleur, et la précision même de la manière dont ils se perdaient exprimait la somme de leurs choix successifs et dépendait de leur volonté.