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Citations sur Les Larmes du Reich (29)

Le rituel est millimétré. Toujours. L’inspecteur positionne la boîte métallique sur le lit, ôte le couvercle et secoue son briquet en aluminium pour faire monter l’essence puis flambe la mèche de la bougie. Ensuite, la chaîne dorée : il la pince entre son pouce et son index. Le médaillon ovale pendule, les arabesques forment un dédale invincible et mouvant. Il éteint la lumière et s’agenouille sur le plancher. Quand le pendentif est immobile, il fixe le portrait : la femme a les yeux coupables, des paupières mi-closes qui la rendent triste. Son nez n’est pas anguleux, ses narines s’ouvrent sur une petite bouche qui voudrait dire non mais qui dit oui. Les cheveux sont noirs, frisés, peignés sur le côté. Pour elle, il a prié deux mille deux cent cinquante-deux fois. C’est une certitude. Tout le temps, il compte. Il le lui doit. Après, il fait couler trois gouttes de cire sur le sol et fixe la bougie. Il passe la chaîne autour du cierge, la flamme brille sur les pommettes et le front. Et il ferme les yeux. C’est l’incendie, le feu. Ses nerfs chauffent, ses secrets fondent jusqu’à la déflagration.
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Lorsque l'inspecteur se tourne, une silhouette est figée dans l'encadrement de la porte. C'est un homme. Il sera un allié ou un ennemi. Il n'y a jamais d'autres catégories dans le cosmos.
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Il conclut : les époux Delhomme vivaient contre le temps, sans besoin de rien ni personne. C'étaient juste des paysans.
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Les Russes ne respectent pas les règles de la guerre et préféreront toujours l'enfer à la défaite.
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’inspecteur ne mange pas. Il prie, il prie et il prie encore. La flamme frétille. La bougie fond et le visage de la femme dans le médaillon disparaît. Il s’effondre, il sue. Il dort ou il rêve. Au milieu de la nuit, ils sort sur le palier et va à la douche. Il se lave à l’eau glaciale. Il reste sous le jet jusqu’à trembler. Il retourne à sa chambre. Il s’adosse au radiateur. Il caresse la cicatrice de son biceps avec son pouce. Il voudrait nettoyer ses vêtements. Mais il pleure et il prie
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Elle faisait tourner toutes les têtes
La Russe ressemble à une Russe. Elle rince le linge au lavoir derrière la bicoque que son mari a rafistolée. Elle a un fort accent, une voix grave, elle roule les r. L’accent russe est comme l’allemand : il suffit de lui ajouter de l’amour et du chagrin. L’inspecteur n’a jamais compris ce peuple, le seul à brûler sa terre et les maisons. Les Russes ne respectent pas les règles de la guerre et préféreront toujours l’enfer à la défaite. Ils ont fait pareil avec Napoléon. Néanmoins, il doit reconnaître qu’elle est magnifique avec sa longue jupe plissée et son tablier à la dentelle grisée par les travaux domestiques, et les cheveux roux et courts. Au bal, elle ferait tourner toutes les têtes. Et en plus, elle s’appelle Natacha.
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Incipit :
Comme un bouquet de printemps
L’homme pédale sur le vélo de Fausto Coppi. C’est une façon comme une autre de se punir. Il a acheté sa bicyclette, avec dérailleur à levier unique, aux Cycles Longoni. Grâce à elle, Coppi a remporté le Paris-Roubaix l’année dernière. Le Campionissimo a bouclé 247 kilomètres à une vitesse moyenne de 39,12 kilomètres/heure. Au regard des conditions météorologiques et de l’enfer des secteurs pavés, c’est proprement prodigieux. L’homme roule depuis un peu plus de neuf heures, dont trois sous le crachin. Il est parti à 7 heures pile. Il a séché dans la descente après Hauterives, à la fin des Terres froides. Bien qu’il ne maîtrise pas encore les subtilités du rétropédalage et qu’il soit trop grand pour faire un bon cycliste, il s’entête.
Il vient de Charly, dans le Rhône. Son identité est crédible pour traquer les assassins : « inspecteur Michel ». Tous les policiers de haut rang ont une légende. La sienne est solide. Il vit avec sa mère dans la banlieue lyonnaise, n’est pas marié et n’a pas d’enfants. Il travaille à la brigade criminelle de Lyon. Il devrait être commissaire, mais il a la phobie de la paperasse et de la réussite. Accessoirement, il aime bien son patronyme. Le double prénom tient de la malédiction. Sans doute parce qu’il est d’usage de l’affecter aux enfants de l’Assistance et que ceux-là garnissent les rangs du crime dans une proportion conséquente.
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L’inspecteur le suit. Il traite les informations. Marc appelle les Delhomme par leurs prénoms. Ça veut dire ce que ça veut dire. Surtout, il connaît désormais celui de la fillette : Juliette. La gosse s’appelle Juliette. Ils dévalent l’escalier, sortent.
L’inspecteur avance sous le tilleul, vers le cheval et l’embarcation. Puis il questionne et Marc Escoffier raconte à contrecœur, en plus, il a déjà tout balancé aux gendarmes. Il est méfiant, en dit le moins possible. Il explique le fonctionnement de la ferme : le gros de la production, c’est de la céréale, parfois à perte. Cette année, ça le sera. Ça sent la flotte pour tout l’été. Il y a aussi un carré de tabac pour les cigarettes d’Henri, qui gère les vers à soie. Tout seul. Le jeune homme fait diversion. Cependant, l’inspecteur a compris comment l’amadouer. Il en a retourné des plus féroces que lui dans conditions principalement déplorables. Il administre une caresse à l’encolure du cheval et ils échangent sur la robustesse de la race.
Marc Escoffier approche et tape le flanc de la bête à tout faire. L’inspecteur dit :
– C’étaient des gens bien, les Delhomme, n’est-ce-pas ?
Voilà, c’est fait. L’inspecteur l’a déverrouillé. Et ça a été moins compliqué que prévu. Les gens de la terre font juste mine de ne pas avoir d’amour ni de peine. En vrai, ce sont des gens. Le garçon de ferme rapporte tout au présent, comme s’il n’y avait pas eu de morts dans cette ferme.
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L’homme pédale sur le vélo de Fausto Coppi. C’est une façon comme une autre de se punir. Il a acheté sa bicyclette, avec dérailleur à levier unique, aux Cycles Longoni. Grâce à elle, Coppi a remporté le Paris-Roubaix l’année dernière. Le Campionissimo a bouclé 247 kilomètres à une vitesse moyenne de 39,12 kilomètres/heure. Au regard des conditions météorologiques et de l’enfer des secteurs pavés, c’est proprement prodigieux. L’homme roule depuis un peu plus de neuf heures, dont trois sous le crachin. Il est parti à 7 heures pile. Il a séché dans la descente après Hauterives, à la fin des Terres froides. Bien qu’il ne maîtrise pas encore les subtilités du rétropédalage et qu’il soit trop grand pour faire un bon cycliste, il s’entête.
Il vient de Charly, dans le Rhône. Son identité est crédible pour traquer les assassins : « inspecteur Michel ». Tous les policiers de haut rang ont une légende. La sienne est solide. Il vit avec sa mère dans la banlieue lyonnaise, n’est pas marié et n’a pas d’enfants. Il travaille à la brigade criminelle de Lyon. Il devrait être commissaire, mais il a la phobie de la paperasse et de la réussite. Accessoirement, il aime bien son patronyme. Le double prénom tient de la malédiction. Sans doute parce qu’il est d’usage de l’affecter aux enfants de l’Assistance et que ceux-là garnissent les rangs du crime dans une proportion conséquente.
Présentement, l’inspecteur a pincé son pantalon derrière ses mollets, sa casquette en laine est tournée vers l’arrière et ses lunettes lui donnent un air à la Walter Oesau un vrai as des airs. Avant de quitter la grand-route de Montélimar pour un chemin cabossé, il relève la manche de sa redingote et déchiffre le cadran. Il dit toujours que sa mère lui a acheté la montre-bracelet aux Galeries Lafayette pour son quarantième anniversaire et qu’elle ne le dirait pas ainsi. Elle dirait : « Les Grands Magasins des Cordeliers ». Sa mère n’a d’ailleurs jamais de prénom.
À présent, il est 15 h 22. L’inspecteur se courbe sur son guidon de compétition, contracte ses biceps. Il est en apnée, la côte monte sec. Puis il se met en danseuse. Son temps est compté depuis le 17 janvier 1945. Jusqu’à présent, il a échoué. L’investigation de sa vie est un fiasco.
Il récapitule : il s’est arrangé pour faire appeler la gendarmerie de Crest il y a soixante-douze heures. Il est envoyé par la brigade à cause d’une affaire qui fait du bruit jusqu’à Lyon. Il l’a apprise par Le Progrès : « Les époux Delhomme ont été assassinés. »
Des Delhomme, il y en a beaucoup. Vingt, trente, mille, qui sait ? Il s’est mis dans l’idée de faire l’estimation et il a arrêté.
Il a aussi lu : « Une fillette a disparu. » Elle a onze ans et l’inspecteur vient pour elle. Il s’est spécialisé dans les disparitions, faute de mieux. Celle-ci est la cinquième. Les quatre première n’ont rien donné, si ce n’est le tournis.
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