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EAN : 9782954660097
180 pages
GUYANNE (01/01/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
Née en 1924 à Czernowitz, Selma Meerbaum a composé un unique recueil de 57 poèmes avant d’être déportée et assassinée, à l'été 1942, dans le camp de Mikhaïlovka, en Ukraine occupée par les nazis, le même camp où furent déportés les parents de Paul Celan. Elle avait à peine 18 ans. Son recueil de poèmes, dédié à son amoureux, a été découvert et publié 40 ans après sa mort.
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Poème
Les arbres sont comme inondés d’une douce lueur,
Chaque feuille scintille, tremblant dans le vent.
Le ciel, bleu comme soie, est très glissant,
Goutte de rosée que le vent matinal effleure.
Les sapins sont inscrits dans une douce rougeur
Et s’inclinent devant sa majesté, le vent.
Derrière les peupliers, la lune regarde l’enfant
Qui lui répond d’un sourire trompeur.
Comme ils sont merveilleux, les buissons dans le vent :
Tantôt verts, lumineux, et tantôt d’argent,
Et tantôt clair de lune sur blonde chevelure,
Comme si des fleurs allaient être leur parure.

Je veux vivre.
Regarde, la vie, de toutes les couleurs,
Tant de beaux ballons sont en elle,
Tandis qu’attendent, souriantes, brûlantes, tant de lèvres
Qui font savoir leur bonheur.
Regarde la rue, comme elle montait :
Si large, si claire, comme si elle m’attendait.
Et au loin, quelque part, le désir râle et violone,
Il s’étire en moi et en toi, il bouillonne.
Dans la forêt le vent hurle et me hante,
Il me dit que la vie chante,
L’air est calme, tendre et froid,
Le lointain peuplier fait des signes, encore une fois.

Je veux vivre.
Je veux rire, de lourdes choses je veux porter
Je veux me battre, haïr, aimer,
Et le ciel, dans mes mains, je veux l’attraper
Je veux être libre, respirer, crier
Je ne veux pas mourir. Non !
Non.
Rouge est la vie.
Mienne est la vie.
Mienne et tienne,
Mienne.

Pourquoi les canons hurlent-ils ?
Pourquoi la vie se meurt-elle ?
Pourquoi des couronnes étincelantes ?

La lune est là-bas.
Elle est là.
Près.
Tout près.
Je dois attendre.
Attendre qui ? Attendre quoi ?
Un tas après l’autre,
Ils meurent.
Ne se relèvent jamais.
Je veux vivre.
Frère, toi aussi.
Mon haleine sort de ma bouche et de la tienne.
La vie est de toutes les couleurs.
Tu veux me tuer.
Pourquoi ?
De mille flûtes,
La forêt pleure.

La lune est de l’argent lumineux dans le bleu.
Les peupliers sont gris,
Et le vent me caresse.
La rue est claire,
Puis…
Ils arrivent
Et m’étranglent.
Moi et toi.
Morts.
La vie est rouge.
Elle caresse et rit
Au milieu de la nuit
Je suis morte.

Une ombre d’un arbre
Rôde sur la lune
Comme un fantôme.
On la voit à peine.
Un arbre.
Un
Arbre,
Une vie
Peut faire de l’ombre
A la lune.

Une
Vie.
Un tas après l’autre
Ils meurent.
Ne se relèvent jamais.
Jamais
Et
Jamais.
(7 juillet 1941)
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Chant de désir
Doucement, tu entonnes dans ton chant une musique
Et tu as l’impression qu’il manque quelque chose.
Et confusément tu cherches auprès de chaque note
Si par hasard elle pourrait te dire
Où l’on peut la trouver, où, quand, comment…
Mais la première est bien trop blême
Et trop voluptueuse la seconde,
Trop pleine de lointain la troisième…
Bien trop profonde.

Longtemps tu cherches : bémol, dièse, bémol
Deviennent vivants sous les doigts de tes mains.
Et alors… tu frappes une touche, soudain,
Mais aucune tonalité n’en sort.
Et le silence est comme un sarcasme sourd,
Car tout d’un coup tu t’en rends compte :
C’est cette note qui te manquait.
Et si tes doigts la trouvaient,
Le sort de ta chanson s’évanouirait,
Et la fin ne serait plus si vide, si sombre.

Et tu frappes alors, frappes encore la touche,
Tu te demandes bien d’où vient ce coup de frein,
Et tu cherches si ce n’est pas la moiteur de tes mains.
Tes yeux mendient, pleins de désir.
Aucune note ne vient, seule la solitude s’invite
Dans la chanson, qui a si bien mûri et te semble si lourde.
À cause de cette note non jouée tu auras éternellement peur,
Car il ne t’a qu’à peine touché, le bonheur
Dans les nuits douces, lorsque la lune te berce
Et que le silence ne comprend pas tes larmes.
(9 janvier 1941)
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Le bonheur
Je veux dormir
Le vent me berce et la langueur
Chante afin que je me calme.
Je veux gémir.
Déjà à elles seules les fleurs
Me chuchotent des larmes.

Regarde les feuilles :
Elles scintillent dans le vent
Et me font miroiter des rêves.
Oui, et plus tard,
On entendra rire un enfant,
Et quelque part un fou qui espère.

Je me languis
Peut-être du bonheur ?
Oui du bonheur.
J’aimerais savoir :
Quand reviendra ?
Jamais ne reviendra.
(18 août 1941
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Ô toi, sais-tu…
Ô toi, sais-tu comment crie un corbeau ?
Et comment la nuit, blême, effrayée,
Ne sait plus par où s’enfuir ?
Sais-tu comment, anxieuse, elle ne sait plus
Si c’est son règne ou si ce n’est plus son règne,
Si elle appartient au vent ou si c’est lui qui lui appartient,
Et les loups, avec leur voracité,
Ne sont-ils pas prêts à nous déchirer ?

Ô toi, sais-tu comment le vent hurle aujourd’hui
Et comment la forêt, blême, effrayée,
Ne sait plus par où s’enfuir ?
Sais-tu comment, anxieux, il ne sait plus
Si c’est son règne ou si ce n’est pas son règne,
S’il appartient à la pluie ou à la nuit ?
Et la mort, qui rit lugubrement,
N’est-elle pas son maître suprême ?

Ô toi, sais-tu comment pleure la pluie ?
Et comment je m’en vais, blême, effrayée,
Sans savoir par où m’enfuir ?
Et sais-tu comment, anxieuse, je ne sais plus
Si c’est mon règne ou si ce n’est pas mon règne,
Si la nuit m’appartient ou si c’est moi qui lui appartiens ?
Et n’est-ce pas ma lèvre, si pâle, si confuse,
Celle qui vraiment pleure ?
(4 mars 1941)
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Rêves

Mes nuits sont tressées de rêves
Doux comme le vin nouveau :
Du haut des arbres tombent sur la grève
Des fleurs qui forment un manteau.

Et toutes ces fleurs deviennent des baisers
Plus brûlants que le vin vermeil
Et plus tristes que des papillons, destinés
A s’éteindre au coucher du soleil.

Mes nuits sont tressées de rêves
Lourds comme le sable fatigué.
J’ai rêvé que, des arbres perdant leur sève,
Les feuilles dans ma main sont tombées.

Et toutes ces feuilles étaient des mains caressantes
Plus douces qu’un sable fait d’ondes mouvantes
Et plus fatiguées que de nocturnes papillons,
Qui finiront avant le premier rayon.

Mes nuits sont tressées de rêves
Bleus comme un désir sans trêve.
J’ai rêvé que de tous les arbres tombaient
Des flocons de neige qui tintinnabulaient,

Et tous ces flocons devenaient des larmes
Que j’ai pleurées chaudement –
Comprends mes rêves, mon amant,
Ils sont tous emplis du désir de tes charmes.
(8 novembre 1941)
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