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Eva remonte le temps tout en méditant loin de l'agitation du quotidien. Elle regarde défiler les différents paysages. Elle traverse l'Italie du Nord au Sud, mille-trois-cent-quatre-vingt-dix-sept kilomètres. Elle se dirige à la rencontre d'un homme, Vito, qui a beaucoup compté dans son enfance ainsi que dans la vie de sa mère, Gerda. La vision bucolique de la diversité des régions tout comme les quelques étapes dans les gares, le bercement tranquille du train, loin du rythme du monde, tout concoure à lui faire revivre les remous et les combats qui se sont déroulés avant de parvenir à la constitution de la région autonome du Trentin-Haut-Adige.


J'apprécie beaucoup Francesca Melandri. Je suis une lectrice assidue de ses romans : « Plus haut que la mer » et « Tous sauf moi ». Elle fait partie de ces auteures qui savent relier le passé au présent, entre la vie politique d'hier et ses conséquences sur la vie d'aujourd'hui. Si « Eva dort » fut son premier roman, si je peux lui reprocher un manque de fluidité, c'est avec enthousiasme que j'ai dévoré ce récit tant il est prenant et riche d'une histoire dont nombre d'italiens ignore, encore aujourd'hui, les drames qui s'y sont joués.

« Eva dort » retrace, depuis les accords signés le 29 juin 1919 dans la Galerie des Glaces, l'histoire de cette partie du Tyrol Sud dont fut amputé l'Autriche pour devenir territoire italien, italianisé de force par Mussolini déclenchant ainsi un mouvement indépendantiste qui ne cessera d'amplifier pour atteindre son point culminant en 1960 avec le mouvement terroriste BAS. Territoire de langue allemande, bénéficiant de nombreux atouts qui se sont développés au fur et à mesure des années, cette région va connaître une importante immigration italienne du sud, rendant impossible l'administration de celle-ci, alimentant ainsi le mécontentement des germanophones.

Il rend aussi hommage à deux hommes politiques, Silvius Magnago, originaire de la région de Bolzano. Sa carrière débutera comme conseiller municipal de Bolzano pour devenir un des dirigeants du SVP (Südtiroler Volskpartei). Et Aldo Moro, Président du Conseil italien. Ces deux hommes après maints échanges, ont pu trouver un terrain d'entente avec intelligence pour parvenir à l'autonomie de cette région. J'ai revécu avec émotion l'enlèvement et l'assassinat d'Aldo Moro.

L'auteure s'appuie sur une saga familiale, pour toile de fond, dont l'origine a pour filiation Hermann Huber, le grand-père d'Eva. Un homme qui a tout perdu et qui en est devenu froid et acariâtre, rongé par la rancoeur. A partir de 1919, ce petit morceau de l'Autriche devient italien. Les perdants de la Grande Guerre doivent payer. Il faut imaginer cette minorité, soumise à l'humiliation, luttant désespérément pour survivre malgré Mussolini qui va chercher à l'italianiser de force entre 1922 et 1943. La langue allemande interdite, ne parlant pas un mot d'italien, l'injustice et l'incompréhension viennent envenimer la situation économique et le travail se fait rare pour les germanophones.

Le récit décrit l'évolution de la famille, les naissances, les us et coutumes, les vêtements, mais aussi les engagements politiques. Par le biais de la vie de cette famille, nous pouvons mesurer l'étendue de leur misère, la dureté du quotidien, mais aussi l'attachement à leur culture, leur identité, les discriminations et les luttes parfois violentes pour mieux nous faire intégrer toutes les étapes et toutes les révoltes auxquelles furent soumises cette minorité allemande.

L'histoire de la région prend largement le pas au détriment de celle de la famille. Malgré cela, le roman trace deux portraits de femmes : celui de Gerda, fille d'Hermann et celui d'Eva, fille de Gerda. Personnellement, c'est le portrait de Gerda qui a retenu toute mon attention. Mère célibataire dans une époque soumise à des principes moraux drastiques qui nous apparaissent totalement absurdes aujourd'hui, elle a dû lutter pour devenir chef-cuisinière et c'est ce portrait que j'ai aimé tout particulièrement.

Un autre passage très émouvant, sur le meilleur ami d'Eva, Ulli, homosexuel, est particulièrement éloquent sur les préjugés de l'époque.

Pour son premier roman, Francesca Mélandri dresse le portrait d'une région et d'une famille confrontée à une histoire bien particulière telle que celle du Haut-Adige. Malgré le manque de limpidité peut-être par trop de retours en arrière et de retours sur le présent, peut-être aussi à vouloir traiter deux portraits de femme, j'ai beaucoup aimé ce livre et je m'y suis plongée avec grand plaisir. A noter, j'ai appris beaucoup de mots allemands et qu'il existait une langue nommée le ladin!!! Cette particularité régionale, je l'ai découverte avec Marco Balzano « Je reste ici », encore un excellent roman sur cette exception italienne.

« Mon passeport est italien, ma langue c'est l'allemand, ma terre c'est la partie du sud du Tyrol dont les autres parties, le Tyrol du Nord et de l'Est, sont pourtant en Autriche. Nous l'appelons Tyrol du Sud mais en italien on dit Haut-Adige, puisque la différence dépend toujours du côté où on la regarde : d'en haut ou d'en bas. »


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Lu en V.O.
J'ai toujours été passionné par l'histoire, mais ce livre m'a fait réaliser que j'ai encore beaucoup de lacunes : j'ignorais tout de l'histoire, pourtant récente, du Haut Adige ou Tyrol du Sud, rattaché à l'Italie après le traité de Versailles bien que peuplé en majorité d'habitants de langue allemande.
Et pourtant, ce n'est pas un livre d'histoire mais un roman.
Tout part d'un colis adressé à Eva que sa mère, Gerda, fait renvoyer à l'expéditeur en expliquant au facteur qu'"Eva dort."
Lorsque Eva quelques années plus tard reçoit un message de Vito, un grand amour de sa mère et quelqu'un qu'elle-même a considéré presque comme le père qu'elle n'a jamais eu, lui annonçant qu'il est très malade et souhaiterait la revoir, elle entreprend un long voyage de 1.397 kilomètres à travers toute l'Italie, du Tyrol du Sud à la Sicile pour le revoir. Ses souvenirs remontent à la surface.
Le livre donne une vue chronologique, par l'histoire de sa famille, à travers les personnages de son grand-père Hermann, de sa mère Gerda - fille-mère, son frère Peter et tant d'autres attachants, mais également par l'histoire de sa région depuis son rattachement de force et sa colonisation par Mussolini, la résistance de ses habitants, leur attachement à leur culture, les attentats commis pour un rattachement à l'Autriche, pour enfin arriver à un compromis avec le gouvernement Italien lui octroyant une grande autonomie.
Chaque chapitre de cette chronologie est nommé par année.
A cette vision chronologique s'interbrique une vision géographique, celle du trajet qu'entreprend Eva vers Vito, ici les chapitres sont intitulés comme des bornes kilométriques. Les descriptions des lieux traversés et des divers personnages rencontrés durant ce voyage sont belles et sont entrecoupées par les souvenirs d'Eva.
C'est un livre extrêmement bien documenté et qui m'a beaucoup appris sur l'histoire de cette région, souvent lors de sa lecture, il m'a donné envie d'en savoir plus et m'a incité à ma documenter davantage sue les noms cités (notamment Andreas Hoffer, Silvius Magnago que je l'avoue, je ne connaissais pas...). J'ai vraiment eu l'impression de lire un livre d'histoire à ces moments-là.
Le livre fourmille de mots allemands ou plus exactement dialectaux tyroliens, désignant l'habitat, les vêtements et surtout la cuisine.
La partie plus romanesque ne m'a pas laissé indifférent non plus, et la fin du livre est très émouvante.

On sent de la part de l'auteure un véritable amour pour cette région. Elle m'a donné envie de la découvrir.
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Eva dort…Elle a dormi, mais pas moi - j'ai même beaucoup appris.

D'abord , l'histoire ethno-linguistique du Haut –Adige, depuis la première guerre où il quitta le giron de l'Autriche, son Heimat, en passant par l'italianisation forcée, à grands coups de saton fasciste, sous Mussolini, puis par son intégration insidieuse et aliénante dans la nouvelle république italienne… qui remit le feu aux poudres, jusqu'au « Kompromis » intelligemment mis en place par Silvio Magnago, leader politique du Sud-Tyrol, et Aldo Moro qui surent reconnaître la spécificité linguistique et culturelle du Haut-Adige tout en lui faisant partager l' italianité qui le liait aux autres régions de la Botte…

J'ai aussi fait une bonne révision géographique car cette fresque historique se déploie dans le temps en même temps que l'héroïne, Eva, se déplace dans l'espace, en train, du Nord au Sud de l'Italie et accomplit tout un périple destiné à retrouver in extremis celui qui fut son père de coeur : les chapitres sont autant d'étapes kilométriques et le paysage italien défile par les fenêtres (sauf quand un tunnel empêche le déploiement du regard et du prospectus touristique)…

J'ai aussi appris une foultitude de mots allemands, un peu de ladino, quelques expressions tirées des dialectes calabrais ou sicilien.

Et je crois que je saurais préparer sans problème, des Wiener schnitzel ou la petite salade au pourpier et au foie de volaille inventée par Gerda…

Mais les personnages, fades et peu consistants, et la trame romanesque trop vaste et sporadique, noyée par l'approche historique, ont souffert de cette volonté didactique et exhaustive - Francesca Melandri est documentaliste.

J'ajoute que « Eva dort » est un premier roman. Il en a les défauts et qualités : rien n'est laissé au hasard, le récit est extrêmement construit, très bien documenté, il est écrit dans une langue fluide, classique, sobre- mais sans grand caractère. Un peu comme les personnages : on ne fait pas deux héroïnes, de la mère et de la fille, en se contentant de les déclarer belles, désirables et libres…C'est un peu court…Les personnages masculins sont encore plus esquissés et réduits à un trait : le cousin Ulli est l'homosexuel malheureux et humilié, Hermann, le grand' père tyrannique et fasciste, Vito, le carabinier protecteur et altruiste…

J'aurais préféré que Francesca Melandri ne creuse qu'un sillon : la vie de Gerda dans son grand hôtel méritait à elle seule tout un livre, tandis que se développent les premières stations de ski et que s'émancipe, lentement, douloureusement l'autonomie de la femme, entre grossesse non désirée, abandon d'enfant ou opprobre public, travail chichement rémunéré et compétences difficilement reconnues, salaires rognés et congés volés – le syndicalisme est encore un très vilain mot !
Ou alors il fallait raconter le seul parcours tragique et violent de Hermann, l'homme au regard farouche auquel les mots font défaut. Mais Eva qui est le « fil rouge » de cette grande saga est malheureusement la plus inintéressante de tous…

J'ai été plus passionnée par l'Histoire que touchée par l'histoire…et je me suis même un peu ennuyée quand les péripéties romanesques tentaient de reprendre pied sur la toile de fond historique si prégnante- et intéressante !

A mon grand regret, je ne mets donc que trois étoiles à ce livre ambitieux, bien documenté et assez bien écrit, mais qui ne m'a ni attachée, ni bouleversée.

Qui trop embrasse…
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Un joyau dans la cuvée littéraire de l'année 2012 !
Eva dormait lorsqu'un petit paquet est arrivé pour elle et que sa maman l'a renvoyé à l'expéditeur : 1397km aller et pareil au retour, de la Calabre jusqu'au Sud-Tyrol ou Haut-Adige, c'est selon... 30 ans plus tard, Eva entreprend de faire ce voyage, les yeux grand ouverts sur son pays, pour retrouver l'expéditeur ; au fil des kilomètres qui la séparent de la Calabre, on découvre l'histoire du Haut-Adige, une région insolite et meurtrie de la frontière austro-italienne, détachée de l'Autriche pour être attribuée à l'Italie en dépit de ses habitants très majoritairement germanophones, italianisée par la force dans la violence et le déni des cultures, terreau de terrorisme... Histoire identitaire donc, histoire de l'Italie, oui mais c'est aussi un exceptionnel portrait de femme : celui de Gerda, bouleversante beauté nordique, mère célibataire dans une région pauvre et reculée dans l'Italie d'après-guerre, luttant pour conserver son emploi de cuisinière dans un grand hôtel, avec sa fille, Eva. Mais qu'on ne s'y trompe pas, aucune mièvrerie dans cette histoire là, il ne s'agit pas d'un roman à l'eau de rose et loin s'en faut. Avec une construction impeccable, un texte très maîtrisé restituant à merveille les particularismes régionaux, une écriture lumineuse et pleine d'humour, Francesca Melandri réussit là un magnifique premier roman empreint d'une émotion palpable, un roman qui envoûte de la première à la dernière ligne, Sans aucun doute, un des meilleurs romans de l'année, UNE VRAIE RÉUSSITE A NE PAS MANQUER !
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Excellent roman, qui, sur le thème de l'autonomie de la région du Haut Adige, aussi appelé Tyrol du Sud, entrelace un récit consacré à la figure de la mère de la narratrice, Gerda, et à son difficile parcours de mère célibataire ayant réussi à la force des poignets, avec des chapitres d'aujourd'hui où l'héroïne, Eva, traverse l'Italie en train pour retrouver son presque père, le calabrais Vito, le compagnon que Gerda n'a pas pu épouser et dont les jours sont désormais comptés par la maladie.
Travail de mémoire, ce livre est presque autant consacré à la solitude de Gerda, abandonnée par son père, un homme dur et insensible, qui la confie très jeune comme aide à la cuisine d'une grand hôtel, où elle se fera faire un enfant par un fils à papa irresponsable, qu'à la question de cette région germanophone qu'est le Haut Adige. Terre rattachée à l'Italie par une des nombreuses aberrations du Traité de Versailles, ce Tyrol du Sud totalement autrichien de coutumes et de langue, fut italianisé de force par le fascisme, sans grand résultat, si ce n'est l'appauvrissement et la perte de repère des paysans incapables de la moindre démarche officielle en italien. L'histoire de cette région fut particulièrement douloureuse pendant la seconde guerre mondiale, ceux qui refusaient les sirènes du nazisme étant rejetés de toutes parts. Même dans les années 60 de nombreux attentats séparatistes agitent la région... La famille de Gerda n'est pas à l'écart de ces déchirements car son père a choisi — mal lui en a pris — le Reich nazi, tandis que son frère est un terroriste indépendantiste qui le paiera de sa vie, mais surtout la division est dans les âmes, dans ce monde de tradition où tout se pense en allemand et où chacun peine à se sentir italien.
Le rapport entre Gerda, cette femme indépendante, belle et volontaire qui, sans instruction ni formation, se retrouve à la tête des cuisines du grand hôtel de Bolzano, et sa fillette Eva née hors mariage, est émouvant car elle doit laisser l'enfant à des voisins accueillants qui lui feront place au sein de leur grande famille... La petite Eva, toujours anxieuse de retrouver sa mère à la basse saison hôtelière, mène cependant une vie normale aux côtés de son cousin préféré Ulli et de sa famille adoptive. Pour elle s'ouvre une période de grand bonheur quand Gerda se lie avec le brigadier calabrais Vito, paternel et humain, qui ne peut cependant épouser celle qu'il aime, en partie en raison de l'éloignement et de la différence de leurs régions d'origine.
Cette Italie si longue à traverser et si diverse dans ses régions, ses coutumes ou ses dialectes, son nord prospère et son mezzogiorno si différent, est aussi la réalité à laquelle se réfère Eva dans son long voyage en train qui parcourt la botte italienne et lui permet de visualiser les facettes variées de son pays - qui n'est pas seulement son Heimat tyrolien natal.
Une très belle écriture, excellemment traduite par Danièle Valin, donne chair et épaisseur à ce voyage dans le temps et dans l'espace, de même que la composition habile qui laisse le lecteur haletant, allant de l'angoisse à la tendresse, de l'émotion à la réflexion. On pourrait peut-être noter quelques longueurs sur la question politique de l'autonomie du Haut Adige, mais elles sont rachetées par un final où les retrouvailles d'Eva et de Vito mourant sont évoquées avec pudeur et sensibilité. D'autres thèmes s'entrecroisent comme celui de la paternité, au coeur du livre, et celui de l'homosexualité, niée ou rejetée par cette société alpine traditionnelle. Cela ne fait qu'ajouter à la richesse de l'oeuvre, une véritable réussite.
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A peine ai-je fini Plus Haut que la mer , j'ai ouvert Eva dort . Ce n'est pas toujours un bon plan de lire plusieurs ouvrage d'un même auteur. le suivant fait parfois rengaine quand la musique originale est déjà connue. J'ai fait cette expérience avec Milena Agus : le mal de pierre n'avait déjà pas soulevé mon enthousiasme, je me suis franchement ennuyée avec Quand le Requin dort, de même les Donna Leone perdent de leur saveur au fil des lectures. Rien de tout cela avec Francesca Melandri! Plus haut que la mer et Eva dort sont deux livres bien différents : dépaysement : l'un est sur une île au bout de la Sardaigne, l'autre se situe le plus souvent en Haut Adige. Autre ton, autre style, autre époque. Plus haut que la mer est une sorte de conte poétique, Eva dort, une saga. J'aime les auteurs qui se renouvellent! Quelques points communs tout de fois : un intérêt pour le terrorisme et les poseurs de bombes qui questionnent la démocratie en Italie, l'attentat qui a coûté la vie à Aldo Moro est évoqué dans les deux opus. Un goût pour les voyages en train ou en bateau. Les héros parcourent l'Italie et nous convient au voyage....Une attention particulière pour l'histoire récente de l'Italie qui m'a bien intéressée.

Eva dort débute en 1919 quand l'Empire autrichien fut dépecé et que le Tyrol du sud échut à l'Italie. Province germanophone aux traditions alpines d'autant plus ancrées qu'il s'agit de vallées enclavées renfermées sur elles-mêmes. Italiénisation du Haut Adige par Mussolini heurtant la population locale et séduction des nazis pour retrouver la patrie perdue. Les Huber prirent le train pour l'Autriche pour revenir dans leur vallée à la fin de la seconde guerre mondiale et se retrouvèrent en minorité sur leurs terres. Certains prirent les armes et firent sauter pylônes et installations italiennes.

Dans ce contexte de rivalités ethniques, se déroule l'histoire de Gerda, la très belle fille, séduite par un fils de famille, fille-mère mais cuisinière de talent qui a su faire sa place dans un grand hôtel de montagne. On assiste aussi au développement des sports d'hiver qui donnent une nouvelle vie à la vallée. Gerda place sa fille Eva chez des paysans et ne la voit qu'à l'intersaison.

Gerda est une très belle femme. Elle est remarquée par les militaires italiens et noue une relation avec un carabinier calabrais Vito prêt à adopter Eva. Hélas les préjugés contre les mères célibataires empêchent leur union.

Trente ans plus tard Vito mourant appelle Eva qui traverse l'Italie pour le rejoindre. C'est pendant ce voyage qu'elle évoque les épisode de sa vie et de celle de sa mère. Occasion aussi de décrire les paysages traversés pendant 1397 km, toute l'Italie!

J'ai beaucoup aimé ces deux femmes de caractère. Les personnages secondaires sont aussi bien développés aucun ne tombe dans la caricature (facile avec les préjugés de chacun sur les Allemands, les Italiens du sud, les carabiniers....).

Eva dort. Drôle de titre alors qu'Eva paraît plutôt insomniaque, qu'elle enchaîne un vol transatlantique et la traversée de toute la Péninsule sans fermer l'oeil. Et pourtant, "Eva dort" revient à plusieurs reprises dans l'histoire. Quand le facteur apporte un paquet que sa mère refuse, quand sa mère reçoit un homme, quand Wesley la séduit avec le Paradis perdu de Milton :

"je sais pourquoi tu dors si peu, Eva, me dit-il. Tu ne veux pas rater les secrets que l'archange Michel confie à Adam".
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Quel beau livre !
Le drame - car c'en est un – se déroule dans le Haut-Adige, une région d'Italie en proie depuis des décennies à un conflit entre une population d'origine et de culture germanique et l'État central italien. La région subira une italienisation forcée du temps de Mussolini, et l'après guerre vit trop longtemps l'État refuser l'autonomie nécessaire. Dans ce contexte, Gerda Huber devra élever seule sa fille Eva, son amant l'ayant abandonnée.
Au delà du portrait d'une femme courageuse et aimant la vie, l'auteure nous fait connaître une région trop méconnue, ses paysages, sa langue et ses coutumes.
Mais c'est bien plus : c'est un drame terrible qui nous est conté là, celui de destinées individuelles percutées par les traditions, les conventions sociales et les conflits politiques, qui les privent du droit au bonheur.
A noter : l'excellente traduction de Danièle Valin
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Qu'ajouter aux commentaires précédents ? Rien. Et pourtant,je veux dire à quel point cette histoire sur trois générations est particulièrement bien transmise.
Tous les personnages,même très secondaires, ont une existence palpable.
J'ai découvert le désarroi du sud du Tyrol qui,en 1919,suite à le défaite de l'empire austro-hongrois ,s'est trouvé rattaché à l'Italie et à l'arrogance du régime de Mussolini.
Cette tranche d'histoire sanglante, que je ne connaissais pas ,démontre bien,s'il en est besoin, l'absurdité des découpages arbitraires des territoires ,après guerres ou après colonisation.
le talent de l'auteur est de mêler évènements réels à ceux de fiction.
Mon plaisir et mon intérêt n'ont pas faibli tout au long de cet excellent ouvrage.
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Vito l'a appelée! Il y a si longtemps , il veut la revoir avant qu'il ne soit trop tard. Mille trois cent quatre vingt dix sept kilomètres la sépare de celui qu'elle a toujours considéré comme son père adoptif ...c'est la distance qui sépare le Tyrol du Sud de la Calabre, c'est le temps qu'il faut à Eva pour faire resurgir ses souvenirs, les siens ceux de sa mère Gerda, ceux de son village, ceux de l'histoire mouvementée de ce Tyrol du Sud devenu italien à la suite de la première guerre mondiale...L'histoire petite ou grande s'écrit souvent avec des larmes et du sang.
Je referme ce roman avec le sentiment d'avoir beaucoup appris, j'ignorais tout de cette région et de son histoire, Francesca Milandri offre à son lecteur une fresque historique agréable à lire et très documentée. S'y ajoute le portrait d'une femme hors du commun qui a assumé ses choix et sa vie malgré le désaveu de la société de l'époque.
Un bien beau roman.
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Eva dort: cette petite phrase évocatrice de sérénité et qui s'avèrera lapidaire!
En voyage vers le sud de l'Italie pour répondre à l'appel d'un père d'adoption vieillissant, Eva retrace l'histoire de sa famille, originaire du Haut-Tyrol, province germanique, devenue italienne à la chute de l'empire austro-hongrois.
Petite et Grande Histoire se mêlent pour une découverte passionnante de la situation politique et géographique de cette région frontalière, germanophone, aux aspirations de partition et aux revendications d'autonomie, refusant la langue italienne et l'assimilation.
Avec une belle écriture, Francesca Melandri a imaginé une attachante histoire familiale, dans une région montagneuse aux hommes durs et silencieux et aux femmes délaissées, fortes et déterminées. le manque d'amour est patent, pas le temps pour cela. La rudesse de la survie économique, les engagements politiques et terroristes, la répression policière colorent d'ombre la belle photographie alpestre ensoleillée, avec costumes traditionnels, vaches aux grosses cloches et églises aux clochers à bulbes.
Dans cette région du Haut-Adige, si difficile à italianiser, la prospérité viendra, passant par l'essor touristique des sports d'hiver et par un statut d'autonomie chèrement acquis.
Mais le destin restera douloureux pour Eva, fait de rêves avortés et de regrets, mais aussi de pardon. Une belle histoire de vie et des personnages magnifiques de sensibilité et d'humanité.
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