Je veille seul : il n'est pour moi ni nuit ni lève,
Et l'immortel vautour ne laisse pas de trêve
A mes flancs déchirés que nourrit la douleur;
Depuis quatre mille ans sa rage me dévore,
Mais les temps vont enfin s'accomplir, et l'amour
Doit éclairer les pas de mon libérateur.
Jadis, quand Zeus punit en moi le divin crime
Du feu sacré porté chez les êtres d'un jour,
Vaincu, je lui prédis qu'au fond du noir abîme
Les dieux, chassés du ciel, tomberaient à leur tour,
Cependant, enivrés de l'encens de la terre.
Ils s'endorment au fond de leur ciel solitaire;
Mais le matin verra mon oracle accompli :
Sous le bras d'Héraclès quand tomberont mes chaînes
Déshérités enfin des prières humaines.
Les cultes oppresseurs périront par l'oubli.
L’émission « Poètes oubliés, amis inconnus », par Philippe Soupault, diffusée le 19 juin 1960 sur Paris Inter.