- Les keufs ils fouillent pas la caisse d'un mec en cravate. C'est le détail qui fait que t'as l'air clean.
- Je vais ressembler à un bouffon de la RATP. (p.19)
Ce qui marche, c'est d'élever le mercure de la peur en nous stigmatisant. En faisant croire que chez nous, c'est western and Co, alors qu'on est juste une tribu à la dérive, un continent gangrené par les poubelles des autres. (p.17)
Un bleu ne porte pas plainte, il ferme sa gueule. C'est inscrit dans les règlements généraux. (p.11)
C'était le jour de mes quinze hivers, avec un bilan de vie qui ressemblait à la vessie d'un mec qui vient de se soulager. (p.4)
Le rap sera bientôt de la danse baroque. (p.3)
Elle doit sentir tout le vide qui me remplit, mon fric qui pue le neuf. Même quand je regarde ses fesses, j'y vois un sourire méprisant.
Elsa avait été une petite fille modèle et j'étais en train de l'aider à devenir une épave. Comme quoi dans la vie, les relations, c'est important.
On est là, on ne fait rien. On essaie de travailler dans le quartier. On guette, on vend, on fait tout. Si on peut voler, on vole. Tout ce qui peut rapporter de l’argent. On a les pieds sur terre, on paie notre loyer. On cotise pour la caisse de la cité. Quand un voisin est invité à l’hôpital, on raque sans passer par le DAB. C’est comme une mutuelle qui te rembourse les dépenses imprévues. La vie dans la cité est totalement sécurisée. Et ça, les gens, ils t’en sont reconnaissants. Ils t’aiment bien. Quand t’as envie de parler, tu tires la sonnette, tu es toujours bien reçu. Mais quand on flingue un môme, l’égrégore se grille. Un enfant couché au sol, ça fout la trouille aux vieux.
C’est quoi la tendance ? Aujourd’hui, tu flingues d’entrée, en gros, tu ne discutes pas. Avec du matos de Turquie, fusil à pompe ou Kalach, puis tu remontes dans ta Cayenne qui pue le neuf. Que demandent ceux qui vont mourir ? Rapidité et précision. C’est comme ça que ça se passe entre les gangs maintenant. Fascination de la préhistoire. Tu as des petits guns sympa qui tiennent dans une poche Armani. Pour aller au resto, en boîte, c’est bien, tu n’es pas seul. Si tu as un problème, tu n’es pas obligé d’appeler ton cousin. En même temps, tu peux aussi choisir de soudoyer des gosses en échec scolaire. Pour 50 euros et un calibre, tu es sûr que le travail sera fait dans la journée. Les gens ne se méfient pas assez des mômes. Ceux qui connaissent la rue dès l’âge de cinq ans, à douze, ils deviennent des tueurs. On apprend le métier sur le tas, comme les musiciens manouches.
C’est mort la cité pour le bizness. Tout le monde le sait mais personne ne veut comprendre. C’est plus là que ça se passe. Les mecs vivent sur les braises des années quatre-vingt-dix. À quoi reconnaît-on un cramé dans une cité ? À la capuche. L’épave embrigadée. Le naze profond qu’a pas muté. Dans les années quatre-vingt-dix, la capuche elle baisait ta mère, aujourd’hui elle fait marrer ton grand-père. Le rap sera bientôt de la danse baroque. Finie la révolte. Branches pourries. Décadence d’un mythe.