Je voyagerais à nouveau, plus comme avant, mais brûlant toutes les stations ou à peu près, m'arrêtant le temps de demander du feu et encore pas toujours, simplement pour voir des gestes, tandis que moi je resterais muet, mais regardant, regardant intensément, et réfléchissant, et regardant. Ça me suffirait, non, ça ne me suffirait pas, mais le dégoût que j'ai à communiquer, à chercher à entrer dans ce qu'on me communique, à être pris dans le piège des communications, m'empêcherait de descendre.
Voilà comme elle est : rejetant les pères, dominée par les chiens, perdant des pierres, traînant des râteaux.
Non, voilà comme elle est : renversant les temples, cassant les amphores, faisant des bilans, portant des sacs, mare où ont bu des buffles et des bubales.
Non, voilà comme elle est : éparpillant des stocks, élevant des rideaux, traversant l'éléphant, butant sur la puce, triant des fumées.
Non, voilà comme elle est : emplissant de tentures, emplissant de tortures, renarde tenant un oiseau renversé.
Non, voilà comme elle est : matin, Moise sur l'eau, misaine qui avance, qui toujours recommence.
Non, voilà comme elle est : le haut comme le bas, le Roi comme le rat, le gros comme le plat, le blé comme un chameau, mais plus lent, n'arrivant plus à la bouche de l'homme et la joie comme la croix, la foule comme un groin, le blanc comme le noir, la victoire comme les suites d'un désastre profond.
Non, voilà comme elle est : l'amour comme la tourbe, la fête comme la glèbe, la joie comme une trappe, comme un buffet d'entre les mains des déménageurs, dégringolant l'escalier avec vacarme.
Non, voilà comme elle est : le sien comme le rien, la terre comme l'usine, la mort comme un chiffre, comme comptabilité, comme une erreur d'ascenseur.
Non, voilà comme elle est : une seule clameur, le progrès comme la déchéance, comme un autre moyen âge et la beauté, pneu crevé.
Non, voilà comme elle est : roulant des roues, portant des hauteurs, témoins aux yeux perdus, chevaux aux pattes brisées, chemins décollés du ciel.
Tu la vois et tu ne la connais pas.
TRANCHES DE SAVOIR
Il me semble que je vis dans une cheminée d'ombre, des inconnus en grand nombre fournissant le charbon, moi la charbonneuse fumée.
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TRANCHES DE SAVOIR
Muet, gardé par deux sourds, attend un signe.
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TRANCHES DE SAVOIR
Qui n'a plus d'épaules monte aux étoiles.
p.58
TRANCHES DE SAVOIR
Mendiant, mais gouverneur d'une gamelle.
p.53
TRANCHES DE SAVOIR
C'est dans les œufs qu'on aimerait le mieux découvrir des articulations.
p.70
TRANCHES DE SAVOIR
Le fou entend un autre tic-tac.
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III - TRANCHES DE SAVOIR
Vie en commun : perte de soi, mais diminution des rébus.
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DEMAIN N'EST PAS ENCORE…
Roule, roule, sort à deux têtes,
roule, houle profonde,
sortie des planètes de nos corps retrouvés.
Soleils pour les retards,
sommeil d'ébène,
sein de mon fruit d'or.
Étendus,
nous embrassons l'orage,
nous embrassons l'espace,
nous embrassons le flot, le ciel, les mondes,
tout avec nous aujourd'hui tenons em-
brassé,
faisant l'amour sur l'échafaud
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