C'était, semble-t-il, sa destinée d'avoir des ailes et d'être enchaîné à la terre. Dans son effort pour atteindre les plus lointaines étoiles, il ne fait que se retrouver barbotant dans la boue. En effet, plus il bat des ailes, plus il s'enterre. en lui, le feu et l'air combattent l'eau et la terre. C'et un aigle enchaîné sur un roc. Et ce sont les petits oiseaux qui lui dévorent le coeur.
Au lieu de perdre ma vie, je la gagnais ; ce fut une succession de miracles ; tout mal se changeait en bien? Rimbaud, bien qu'il fût l'hôte d'un royaume aux climats et aux paysages incroyables, d'un univers de fantaisie aussi étonnant et bizarre que ses poèmes, devint de plus en plus amer, taciturne, stérile et triste.
Nous vivons entièrement dans le passé, repus de pensées mortes, de croyances mortes, de sciences mortes. Et c'est le passé qui nous engloutit, pas l'avenir. L'avenir est et sera toujours au poète.
Rimbaud était un suicidé vivant. C'est ce que nous supportons le moins ! Il aurait été convenable qu'il en ait terminé à dix-neuf ans ; au contraire, il fit durer le plaisir, nous prit à témoin, tout le long d'une vie de folie et de gaspillage, de cette mort vivante dont nous nous punissons tous.
Plus que tout autre poète, il s'est fixé dans ce lieu vulnérable que l'on nomme le coeur.
Ce qui fait ta supériorité c'est que tu n'as pas de coeur. Pourquoi traîner dans la putréfaction de ces cadavres ambulants ?
Que savons-nous réellement de sa vie intérieure pendant ses dernières années ? Pratiquement rien. Il s'était muré. S'il sortait de sa torpeur, ce n'était que pour pousser un grognement, une plainte ou lâcher un juron.
Nul n'a mieux illustré que Rimbaud cette vérité que la liberté de l'individu solitaire est un mirage.
S'il était de la dynamite pure, j'avais encore à fabriquer ma première cartouche.
Voué à l'extase, le poète est semblable à un magnifique oiseau sans nom, enlisé dans les cendres de la pensée. S'il réussit se libérer, c'est pour, dans son essor, se sacrifier au soleil. Son rêve d'un monde rénové n'est que la réverbération des battements de son sang fiévreux. Il s'imagine qu'on va le suivre, mais il se retrouve tout seul en plein ciel. Seul, mais entouré de ses créations qui le soutiennent dans le suprême sacrifice.