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sur 965 notes

°°° rentrée littéraire 2020 #20 °°°

Immersion immédiate dans la rugosité arctique de l'île de Vardø, dans le Finnmark, aux confins de la Norvège en 1617. Les premières pages, saisissantes et inquiétantes, laissent planer un malaise qui ne se dissipera jamais : le rêve prophétique d'une jeune fille, elle s'accroche à une baleine échouée sur une plage pendant que l'animal, encore vivant, est dépecé, son oeil plongé dans celui de Maren.

L'intrigue, inspirée d'une histoire vraie, est excellente et l'auteur exploite parfaitement son potentiel romanesque. Une tempête phénoménale éclate pendant que les hommes de Vardø sont partis pêcher, décrite au plus près des corps et des sensations. Aucun n'y survivra. Les femmes doivent gérer seules la pêche et la construction en plus des travaux domestiques habituels ... jusqu'à ce que le roi Christian II introduise en Norvège des lois contre la sorcellerie visant particulièrement le peuple autochtone des Samis, jusqu'à ce que débarque à Vardø un délégué du gouverneur envoyé pour remettre de l'ordre, dans cette société de femmes, accompagné de sa jeune épouse.

Le casting de personnages est puissant et complet : on a Maren, la jeune fille intelligente et ouverte, l'émancipée presque féministe ( si ce n'était anachronique ) prête à braver les interdits de la société patriarcale, la jeune étrangère bourgeoise complètement décalée dans cette société austère et pauvre, la bruyante dévote malintentionnée, la Sami qui nourrit les préjugés, et bien sûr le terrifiant délégué, un chasseur de sorcières expérimenté. C'est assez manichéen, il manque sans doute quelques nuances de gris dans ces personnages, mais le procédé est tellement efficace et emporte tellement l'empathie que le lecteur marche à fond !

En fait, tous les ingrédients sont là pour que cette lecture soit captivante : des personnages forts, des décors spectaculairement rudes, une atmosphère historique tendue très bien rendue, une grande richesse de détails pour décrire la vie quotidienne dans cette région isolée du cercle arctique, une écriture soignée et précise. Et un engagement féministe en faveur de l'émancipation des femmes qu'on ne peut qu'applaudir.

Le récit, très clair, tient en haleine. le souffle romanesque est bien là, porté par des passages vraiment remarquables, surtout lorsque le point de vue passe à Ursa, la jeune épouse du délégué. C'est le personnage le plus intéressant car le moins linéaire, celui dont les lignes bougent au contact de l'autre héroïne, Maren. le récit de sa nuit de noces qui sonne le glas de ses rêves de jeune fille est juste admirable dans sa façon de restituer le chamboulement douloureux de sa psyché tout comme les sensations du corps meurtri.

Mon seul bémol se porte sur la tournure que prend la relation entre Maren et Ursa, pas nécessaire tant le récit a suffisamment de caractère et de vie pour ne pas le surcharger d'une émotion supplémentaire qui brouille quelque peu sa remarquable âpreté. Mais peu importe, Les Graciées est une excellente fiction historique, très opportune, qui résonne de façon très contemporaine en dénonçant le danger d'être emporté dans un tourbillon de démagogie, à connotation religieuse ou pas. J'ai souvent songé au travail de Tracy Chevalier - en plus musclé – avec ces personnages féminins emportés dans une quête de liberté.

A noter que l'île de Vardø abrite la dernière oeuvre de la grande Louise Bourgeois, un mémorial réalisé avec l'architecte Peter Zumthor pour rappeler la chasse aux sorcières qui s'est abattue ici au XVIIIème siècle.
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"Les Graciées", c'est l'histoire d'une chasse aux sorcières, au sens propre du terme, inspirée de faits réels qui se sont déroulés vers 1620 dans l'île de Vardø, à l'extrême nord-est de la Norvège, au-delà du cercle polaire.
Dans ces contrées lointaines au climat et aux conditions de vie très rudes, une violente tempête vient de causer la mort de 40 pêcheurs, soit la quasi-totalité des hommes du village. Les femmes doivent donc tout prendre en charge pour survivre, à commencer par la pêche. Des femmes qui prennent leur vie en mains, voilà qui semble suspect aux yeux des plus bigotes et des hommes des villages voisins...
A la même époque, le roi Christian IV de Norvège promulgue des lois contre la sorcellerie, inspirées de celles prises par le roi Jacques Stuart d'Écosse et de son traité de démonologie. Son but était d'affirmer l'emprise de l'Église luthérienne et de "christianiser" les Samis, peuple nomade aux traditions chamaniques, connu pour parler aux esprits et commander aux vents. Une population qui n'a que faire de l'autorité du pouvoir central ou de Dieu, voilà qui semble hautement blâmable aux yeux du gouvernement et du clergé...
C'est dans ce contexte de répression qu'Absalom Cornet débarque à Vardø. Cet Écossais fanatique, expert chasseur, est chargé de purifier la région de ces forces maléfiques. Une charge qu'il conçoit comme un sacerdoce, convaincu jusqu'à la moelle que tout ce qui n'est pas conforme à la religion est nécessairement l'oeuvre du diable et doit donc être éradiqué. Il ne faudra pas longtemps après l'arrivée de Cornet pour que les femmes de Vardø se divisent en deux clans, les féroces grenouilles de bénitier et les autres, ouvertement rebelles ou résistantes silencieuses. Entre les deux, Ursa, jeune femme norvégienne que Cornet a épousé à la faveur d'un mariage arrangé juste avant d'embarquer pour Vardø, doit s'adapter (ou pas) à sa nouvelle vie d'épouse soumise et à des conditions de vie auxquelles son relatif confort bourgeois de Bergen ne l'avait pas préparée. Au contact de la jeune Maren, elle prend conscience qu'il existe un chemin vers l'émancipation.

Récit d'une tragédie annoncée, "Les Graciées" est un roman captivant et très fluide. Avec sa narration linéaire et une intrigue sans vraie surprise, il (re)met en lumière un épisode historique dans lequel les hommes (avec l'aide de certaines femmes), sous couvert de religion, ont cherché à imposer leur domination sur les femmes et sur un peuple ayant l'audace de vivre différemment, à la marge de la "civilisation". Un exemple parfait d'obscurantisme, de fanatisme et de stupidité au service du Pouvoir, ce but ultime. Même si les personnages sont un peu stéréotypés et même si la ligne entre les gentils et les méchants est beaucoup trop claire, ce roman d'émancipation et de (in)tolérance, qui fait froid dans le dos, est un texte puissant et nécessaire, tant il résonne encore à l'heure actuelle.

En partenariat avec les Editions Robert Laffont via Netgalley.
#LesGraciées #NetGalleyFrance
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Au Nord-Est de la Norvège non loin du cercle polaire, le petit village de Vardo au bord de l'Océan. Nous sommes à la veille de Noël, en 1617, une terrible tempête, subite se produit et emporte les pêcheurs partis en mer. Quarante hommes vont disparaître dont le père et le frère de Maren, la jeune héroïne que nous suivrons tout au long du roman.
Les femmes vont devoir se débrouiller sans l'aide des hommes.
Sans végétaux, il n'est pas étonnant de voir quelle importance ont les baleines et les phoques dans leur nourriture et leur habillement.
On parlerait bien du 17ème siècle mais là, j'ai l'impression que nous sommes bien avant dans L Histoire.
Un point commun avec nos régions se retrouve dans la chasse aux hérétiques, aux sorcières, la volonté des autorités d'installer une religion unique.
Le représentant du seigneur et sa femme Ursa débarquent dans l'île. le mari, un Ecossais ne supporte pas ce territoire éloigné et ses habitants.
Sa femme, Ursa, se lie d'amitié avec Maren.
L'analphabétisme et l'intolérance sont de réels freins pour l'évolution.
Dans les faits, il est vrai que la chasse aux sorcières dans ces régions dépassait toute logique, partout d'ailleurs quand on y pense. Pour que des représentants du roi accusent des femmes d'avoir déclenché une tempête, il faut déjà être loin dans la croyance en la sorcellerie et dans la bêtise.
Même si le livre est très intéressant, je l'ai entrecoupé de lectures plus légères car l'ambiance est parfois pesante, cruelle même, surtout la fin. Maren âgée d'à peine 20 ans et Ursa, la femme de l'envoyé du seigneur se montrent très vraies, très combatives et se lient d'une amitié profonde, désespérée dans leur attachement l'une à l'autre. Ursa est dégoûtée par les agissements de son mari.
Kiran Millwood Hargrave, l'auteure, a 30 ans, vit près de Londres .
"Les graciées" , sur fond historique réel , est son premier roman pour les adultes.


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Voilà encore un livre paru lors de la déferlante de cette rentrée littéraire. Pourtant, doté de très nombreuses qualités, il mériterait d'être mis plus en lumière. Alors que son résumé m'avait laissé un peu dubitative quant à mon appréciation ou non de l'histoire, j'ai été happée et envoûtée dès les premières pages.

Inspirée d'un fait réel, cette histoire a été fabuleusement bien écrite par Kiran Millwood Hargrave, âgée d'à peine 30 ans. le pan historique est bien présent où on apprend beaucoup sur la vie au XVIIème siècle, à l'extrême nord de l'Europe et notamment, sur le peuple des samis, très peu connu.

L'auteure s'est basée sur une tragédie historique, cette terrible tempête qui eut lieu à quelques jours de Noël 1617, emportant et causant la mort de près de 40 hommes. Ces pêcheurs composaient le village de Vardø, près du cercle polaire. La perte d'un si grand nombre des hommes impose aux femmes de ce village de prendre leur destin en main.

Kiran Millwood Hargrave parvient en quelques mots à faire ressentir la rigueur et la rudesse de cette vie à l'extrême nord de notre continent. Alors que la vie au cours du XVII ème siècle était déjà loin d'être facile, au vu de la carence de toutes les commodités que nous connaissons actuellement, le froid glacial, l'absence de la plupart des végétaux et animaux font de Vardø un endroit austère où la vie s'égrenait lentement, encore plus lors des très longues nuits hivernales.

Un autre thème abordé est celui de la prédominance de la religion à cette époque, où toute autre croyance était considérée comme impie et pouvait mener rapidement au bûcher, après un procès fantoche. C'est ainsi que j'ai appris que les Lapons étaient alors considérés comme des hérétiques par le pouvoir et dont, de nombreux furent brûlés vifs après maintes tortures pour faits de sorcellerie. Aujourd'hui, où des guerres de religions sont encore malheureusement actuelles, le parallèle peut être aisément fait et notamment, par cette volonté d'instaurer une croyance unique par n'importe quel moyen.

La manière immersive dont l'auteure décrit à la fois le quotidien mais aussi la brutalité de la météo fait que j'ai eu moi-même l'impression de me retrouver dans cet endroit boueux, éloigné de tout. Les protagonistes sont forts, tous comme les sentiments qui y sont partagés et développés. La tension est palpable et monte crescendo.

Je pourrais vainement essayer de trouver des éléments qui m'auraient moins plus dans ce livre, mais je n'en ai aucune envie. Selon moi, ce livre est une pépite comme on n'en lit pas tous les jours. Une fois terminé, c'est un vrai coup de blues qui m'a parcouru de devoir y laisser ses paysages, ses personnages, cette vie éprouvante mais si vraie.

Je ne peux que vous conseiller cette lecture, enrichissante par les découvertes que vous y ferez sûrement comme moi mais aussi pour la beauté du récit et le talent de cette jeune auteure à tenir à l'oeil.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs de L'Actu Littéraire 2020.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Un titre qui sonne ironiquement quand on referme le livre, car la miséricorde divine ou terrestre laisse à désirer dans ce récit très prenant.

Des personnages mûrement calculés pour nous permettre de glisser sur le toboggan de l'identification sans rechigner. Il est plaisant de se fondre tour à tour dans les 2 narratrices principales, composant avec des valeurs seyantes et qui donnent le teint rose: empathie, fraîcheur existentielle, sens de l'équité, loyauté.

Inutile de dire que cet équipement moral trouvera du répondant dans la face obscure de leurs concitoyens.
Le récit est habilement mené, on a l'impression d'être du coin depuis 30 ans et d'avoir parcouru le village 1000 fois, être devenu expert en confection de galettes de pain sur cheminée, pouvoir décrypter les ragots à distance. le rouleau compresseur de la connerie est facilement anticipable aussi et on sait rapidement que rien ne pourra l'arrêter.


Le fait que ce soit inspiré de faits réels ne surprend pas mais peine plus encore. Dans les années 1620, Christian IV, roi du territoire Danemark-Norvège, veut faire parler de lui. Partisan d'un luthéranisme strict, il délègue son excellent ami Cunningham au nord du pays pour répandre la bonne parole et remettre dans le droit chemin les Samis, population indigène aux pratiques par trop païennes. le bon pasteur fera exécuter une centaine de personnes pour sorcellerie (pour la plupart, des femmes et une bonne partie de Norvégiennes).


La pression morale qui monte insidieusement mais sûrement est très bien amenée, obligeant servilement toute la population à la bigoterie sous peine de s'afficher comme réfractaire et de moeurs douteuses. Les jalousies personnelles y trouveront aussi un formidable exutoire; comme il est doux et simple d'accuser sa voisine de sorcellerie, les preuves abondent soudainement.
Est bien rendue également la facilité avec laquelle la religion peut servir de tremplin à des personnalités en mal de reconnaissance et de pouvoir personnel, exaltant un ego aux dimensions de fat boy.


Donc un bon livre sur les névroses sociales, l'adhésion grégaire, la religion comme moyen de sujétion de masse, l'idéologie comme expression d'une mégalomanie personnelle.

L'histoire amoureuse ballonne par contre un petit peu, le rythme n'étant pas raccord avec le reste du récit, on piétine en sabots sur les belles peaux de renne.


Il nous reste en mémoire de très belles personnalités et des paysages envahissants de réalisme, un fameux voyage !
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Inutile de faire un long commentaire : tout a été dit déjà.

Très beau livre qui nous plonge au coeur de la froideur glacée, rugueuse , ô combien , du comté de Finmark, Nord- est de la Norvège, en 1617.

Nous sommes pris aux tripes dés le début du récit , angoissant, saisissant tellement que l'on le relit, —- une jeune fille de vingt ans , Maren, avait rêvé , la veille de la fameuse tempête arrivée en un «  claquement de doigts » , qu'elle s'accrochait à une baleine immobilisée sur une plage: «  Que le goût de de la graisse animale imprégnait sa langue, un goût persistant , impossible à effacer » .....
L'intrigue passionnante , de bout en bout , entre odeurs âcres, rudes travaux , doigts calleux, poils dressés, cris et vibrations , décors rudes, détails intéressants de la vie quotidienne, village froid et boueux, nous conte cette sombre page de l'histoire du royaume , le poids écrasant , bouleversant d'une religion , régentant avec force les consciences ....

Suite à l'extrême violence de la tempête , le 24 décembre 1617, causant la mort de quarante pêcheurs , soit la presque totalité des hommes du village les femmes, dans cette contrée déjà dépeuplée et isolée, devront prendre tout en charge même la pêche.
Inspiré de faits réels , chasse aux sorcières en toile de fond, nous vivons en immersion le chassé croisé de deux femmes : des écorchées vives, Ursa la courageuse, a été arrachée à sa vie citadine et envoyée dans ces terres glacées avec son mari, le représentant du seigneur, Maren la taciturne comme anesthésiée par les pertes de son père , son frère et son fiancé .

Toutes deux aspireront à la liberté de croire, d'aimer et de penser .

Modernes très tôt , préfigureront- elles déjà le siècle des lumières ?

Âpre , fort, puissant , intéressant , instructif , racontant les gens et la manière dont ils ont vécu , très belle écriture !
«  Tandis qu'elle avance d'un pas , l'image d'Ursa emplit ses pensées , Ursa, la première et unique personne à avoir compris qui elle était. Et cela lui suffit » ...
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1617. La Norvège aux confins du cercle polaire arctique.
Un village de pêcheurs. Une tempête. Une tempête suffisamment imprévue et monstrueuse pour tuer tous les hommes du village. Restent les femmes, les enfants et les vieillards. Pas le choix si elles veulent survivre, elles doivent prendre en main leur destinée.
1620. La Norvège envoie un délégué pour s'assurer de la christianisation des provinces éloignées du royaume. Dans le viseur, population autochtone (les Samis) et les sorcières... Alors des femmes qui survivent sans hommes, vous imaginez !

Un roman tiré de faits tristement réels.
En "vrai" (j'ai l'impression de parler comme mes ados de filles !) 8 femmes seront accusées d'avoir provoquer la tempête afin de tuer leurs maris. 8 femmes torturées puis brûlées vives.
On sent la menace durant tout le roman, l'oppression qui arrive avec cet homme intégriste, fou...

Un bémol : j'ai moins apprécié les pages concernant l'épouse de ce représentant version jeune fille chez ses parents, dans le sud de la Norvège. L'intérêt m'a quelque peu échappé.

Un bon roman intéressant.
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Quitter sa soeur chérie, quitter son père, quitter sa ville, Bergen, et suivre un homme inconnu et qui pourtant est devenu votre mari. Endurer chaque nuit les assauts de cet homme froid et qui s'avérera cruel et inhumain. le suivre tout au nord, dans une île inhospitalière, à Ardø où ne vivent quasi que des femmes, veuves, orphelines, à la suite de la grande tempête.
Trouver l'amitié sur cette île mais aussi l'intolérance religieuse, la bêtise, la méchanceté.
Nous sommes dans les années 1617-1620, et c'est de faits réels que s'inspire l'auteure (grande tempête et procès en sorcellerie déclenchés par le seigneur Cunningham) pour nous faire vivre au plus près du quotidien de ces gens.

J'ai beaucoup aimé cette histoire mêlant différents points de vue féminins : après tout, c'est toujours les hommes qui ont écrit l'Histoire, et ici, on touche vraiment la sensibilité féminine. Comment les femmes de l'île ont dû survivre après la tempête, seules, en se raccrochant aux plus fortes, celles qui ont osé prendre la mer pour pêcher, celles qui ont pris des décisions ; comment elles ont accueilli un pasteur ; comment elles ont dû aussi accepter le « délégué » du seigneur et sa jeune épouse. Et puis aussi comment cette jeune épouse a dû s'adapter à son maitre (c'est le seul mot qui me vient à l'esprit) et à ces femmes toutes différentes.

Histoire d'amitié, de liens profonds, histoire de religions, de coutumes que la religion chrétienne veut bafouer, histoire des Samis, histoire de la Norvège, histoire de femmes toujours soumises, histoire de femmes indépendantes et par là-même harcelées…et graciées ?
Glacial et magnifique.
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Coup de coeur pour ce roman de tragédies sur une île à l'extrémité nord-est de la Norvège du 17e siècle.

Une toute petite bourgade qui vit frugalement de pêche et de rennes d'élevage, aux confins du pays Sami. Une tempête soudaine emporte les pêcheurs, les pères, les maris ou les fiancés. Les femmes sont graciées, épargnées par les éléments. Mais encore faut-il survivre à l'hiver, se nourrir, sans pouvoir compter sur les ressources de leurs hommes.

Si le malheur oblige à se serrer les coudes et apporte une solidarité entre les femmes, il n'efface pas les inimitiés et les jalousies. Et dans la douleur extrême, les coeurs à vifs peuvent perdre toute raison et dresser les unes contre les autres.

Le village sera encore frappé par le destin lorsqu'un « délégué » du roi viendra y habiter avec pour mission d'y trouver des sorcières. L'épouse qu'il s'est procurée à Bergen découvrira avec stupeur cette île lointaine et nouera des liens avec les femmes , mais ne pourra pas changer les ambitions de son mari.

Un roman bouleversant, où grâce à la magie de l'écriture de l'auteure, les personnages prennent vie devant nos yeux et partagent leurs tourments. le contexte historique rappelle qu'il n'y a pas que les catholiques qui ont eu leur Inquisition, les tortures de la folie religieuse ont existé ailleurs. Et la persécution se double ici d'une tentative de génocide du peuple Sami.

(Et pour faire un lien avec le présent, face à la pandémie, on n'élève pas de bûcher pour châtier les coupables, on a juste des réseaux sociaux qui cherchent des complots ou s'enflamment pour pourfendre les voyageurs imprudents…)

Une bien belle lecture, mais douloureuse, car il n'est pas facile de vivre tous ces deuils.
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Roman historique immergé dans la Norvège rude et glaciale du 17ème siècle…quand des événements tragiques offrent un potentiel romanesque prodigieux : Kiran Millwood Hargrave, jeune autrice âgée de 30 ans, s'empare à merveille de faits historiques dramatiques pour dessiner une fiction sensorielle, intelligente et engagée.

C'est dans l'horreur du massacre de femmes innocentes, accusées à tort de sorcellerie au nom d'un Dieu omniscient, que nous sommes transporté·es sur l'île de Vardø entre 1617 et 1620. Nous suivons les habitantes de cette île, quasiment dépourvue d'hommes alors emportés par une terrible tempête survenue en décembre 1617, plus particulièrement Miren, femme impénétrable et morose qui rencontrera Ursa tout juste débarquée sur l'île aux côtés de son époux, représentant d'une chrétienté absolue et répressive. Par l'insidieuse montée de l'effroi, nous découvrons une plume visuelle et captivante qui dépeint l'histoire de femmes indépendantes s'efforçant de survivre mais dont l'émancipation paraît suspecte et impure aux yeux de l'autorité religieuse et masculine.

L'autrice fait la description sensible et précise d'une rupture entre femmes, traditions animistes Samis et hommes despotiques qui imposent un dogme religieux unique bannissant ces rites ancestraux introduits soi-disant par le Diable. Sous des allures d'un roman âpre, Kiran Millwood Hargrave inquiète, informe mais surtout passionne son lectorat grâce à une exigence documentaire historique qui pourtant sonne comme un écho désagréable avec notre société. Au fond, ce récit est une réflexion sur le basculement préoccupant vers une ferveur religieuse proche du fanatisme, la soumission des femmes et l'intolérance des hommes. Enfin, la vigilance constante et la sororité indispensable, qui oscille toujours entre désir de préservation et émancipation individuelle et la crainte du glissement dangereux vers une dévotion exclusive jusqu'à la perte de son identité, son corps.
Lien : https://bib-bazar.blog/2021/..
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