À l'occasion du Forum des libraires 2023, Sophie Charnavel, Directrice générale, présente la rentrée littéraire de Robert Laffont - @edrobertlaffont
0:00 Introduction
0:31 *_La Reine aux yeux de lune_ de Wilfried N'Sondé*
0:47 *_La Danse des damnés_ de Kiran Millwood Hargrave*
1:05 *_Les Petits Farceurs_ de Louis-Henri de la Rochefoucauld*
1:30 *_Juliette_ d'Abd al Malik*
1:58 *_Proust, roman familial_ de Laure Murat*
2:41 *_Comment aimer sa fille_ de Hila Blum*
Un événement @livreshebdo_ en partenariat avec @babelio
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#rentréelittéraire #édition #livres #nouveautés
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Elle songe, en l'observant, que peut-être les prêtres se trompent : le contraire du mot « ordre » n'est pas « chaos ». « Liberté », plutôt.
Ils se regardent alors, et le monde tout entier se réduit à un point, à cet invisible rayon d'énergie brillant de lui à elle et d'elle à lui, un fil qu'elle voudrait par-dessus tout pouvoir embobiner pour être unie à lui à jamais. Ce sentiment qu'elle éprouve ne peut être de l'amour, elle le sait. Car l'amour est le fruit de toute une vie. Ce qui les relie à cet instant, cette communion, est pourtant tout aussi fort. Lisbet sait qu'Eren le ressent aussi.
- Crois-tu au destin ?
- Oui. Non. Peut-être...
- Réponds-moi, petit.
- Mon père dit que c'est un mot utilisé par ceux qui ne veulent pas assumer la responsabilité de leur propre existence.
Il ne reste plus alors que la douleur, la douleur dans son ventre, dans son dos, dans son cœur et dans sa tête, une douleur insoutenable. Ulf décrit toujours des cercles désespérés au milieu de la cour, et les abeilles au-dessus d'eux se massent en un essaim plus gros encore, tandis que deux petites mains fraîches l'attrapent, la tirent à l'abri des arbres, et l'obscurité se referme sur elle en même temps que leur frondaison pour ne plus lui laisser voir que les éclairs noir doré de son agonie.
Lisbet sent la musique s'étirer en une courbe au-dessus de leurs têtes, devenir presque visible, dorée, brillante dans les derniers rayons du crépuscule, dans les derniers au revoir du jour. Les notes s'enlacent autour des branches, s'entremêlent aux rubans de ses bébés, effacent les souvenirs d'airs passés, fait tomber sur leurs épaules tout le poids de la disparition et de l'oubli. Il joue jusqu'à les plonger dans le noir, jusqu'à ce que brillent les étoiles à travers les feuilles. Il joue jusqu'à ce que le calme la gagne, jusqu'à ce que toute la forêt soit bercée par lui. Lisbet pleure, ses larmes sont chaudes sur ses joues, et les yeux d'Eren sont luisants eux aussi.
Il est rouge, couvert de sang, magnifique. Ses paupières papillonnent : elle aperçoit deux pupilles noires, et un blanc d'une pureté absolue. La voit-il ? La connaît-il comme elle le connaît ? Sait-il qu'ils s'appartiennent l'un à l'autre ? Qu'elle a traversé le feu et tant, tant de deuils pour finalement arriver à lui, à lui seul ?
Toutes les parties de son cœur se gonflent, s'inondent. Elle sent le brûlé et le sang, entend le cordon qui les reliait se dissoudre sous le feu. La bouche de son fils trouve son sein et la douleur est vive, mais juste.
Enfin, les bras de Lisbet restent pleins.
Les sœurs appelaient ces femmes « les abandonnées » - quant à savoir si elles s'abandonnaient à Dieu ou au Diable, cela dépendait des points de vue et de l'opinion qu'elles avaient de vous. Elles portaient des jugements comme on jette des pierres, sans réfléchir et sans viser.
(p.83)
Le chemin familier qui serpente entre les maisons est désert. Maren sait que rares sont les gens qui, comme elle, préfèrent les longues nuits aux mois où le soleil ne se couche jamais. Ces heures interminables entre chien et loup l'ont toujours dérangée. cette lumière lui rappelle la couleur des éclats et des corps verdâtres des hommes noyés. Ici, au milieu de ce noir d'encre, Maren se sent en sécurité.
Ils se regardent alors, et le monde tout entier se réduit à un point, à cet invisible rayon d'énergie brillant de lui à elle et d'elle à lui, un fil qu'elle voudrait par-dessus tout pouvoir embobiner pour être unie à lui à jamais. Ce sentiment qu'elle éprouve ne peut être de l'amour, elle le sait. Car l'amour est le fruit de toute une vie. Ce qui les relie à cet instant, cette communion, est pourtant tout aussi fort.
(p.315)
Finalement, les douces ondulations des collines firent place à la plaine quadrillée de champs. Nous devions approcher d'un lieu de vie, et un grand. La terre noire était labourée de sillons bien droits aussi loin que portait le regard : des lieues et des lieues de terre fouettée, fauchée et battue jusqu'à la soumission.