… je prends une grande inspiration saccadée pour m’empêcher de pleurer. Et ce n’est pas uniquement parce que je ne pourrais plus jamais tenir Aoife dans mes bras. C’est à cause de tout : des régions entières qu’on a empoisonnées, des calottes glaciaires qu’on a laissées fondre, du Gulf Stream dont on a dévié le cours, des fleuves asséchés, des zones côtières inondées, des lacs asphyxiés par nos saletés, des mers qu’on a tuées, des espèces qu’on a fait disparaître, des pollinisateurs exterminés, du pétrole gaspillé, des médicaments devenus inefficaces, des menteurs qui nous caressaient dans le sens du poil et qu’on élu. Et tout ça pour ne pas avoir à modifier notre confortable mode de vie.
(Alto, p.698)
Mariângela dit que la meilleure façon de traiter la démence est de faire comme si la personne d’avant se trouvait toujours sous les décombres de celle du présent. Si vous vous trompez et que la personne que vous connaissiez est vraiment partie, personne ne s’en plaindra, mais, de ce fait, le niveau de qualité des soins restera élevé. Et si vous avez raison de croire que la personne est emmurée vive à l’intérieur d’elle-même, alors vous devenez un fil d’Ariane pour elle.
(Alto, p.159)
Le désir sexuel convoite, fait ce qu’il a à faire, puis retourne dans la forêt à pas de velours. L’amour a un appétit plus grand. L’amour vise à obtenir une attention de tous les instants ; une protection ; des alliances, des serments, un compte joint ; des bougies parfumées aux anniversaires ; une assurance vie. Des bébés. L’amour est un dictateur.
Bien que les riches ne soient pas davantage susceptibles de naître idiots que les pauvres, une éducation bourgeoise aggrave une idiotie innée tandis qu’une enfance misérable la dilue, ne serait-ce que pour des raisons darwiniennes. C’est pourquoi, par précaution, les élites doivent ériger des barrières en la forme d’écoles publiques merdiques, de peur que les gosses intelligents aux codes postaux prolétariens ne les délogent de l’Enclave du Privilège.
J’en pleurerais, cher lecteur, je te l’assure. Kingsley Amis [un auteur comme le narrateur] fanfaronnait quand il racontait qu’une mauvaise critique pouvait peut-être lui gâcher le petit-déjeuner, mais pas le déjeuner, nom d’un chien. C’est qu’il n’a pas connu l’ère de Twitter, lui qui vient d’une époque où les critiques littéraires lisaient vraiment les épreuves, et en toute indépendance d’esprit. De nos jours, ces derniers se contentent de se forger une opinion sur Google
Pourquoi un Dieu d'amour ne nous aiderait que si nous votons pour lui ? demande Molly
Que l'amour est à la foi sujet et objet. La différence qui oppose sa présence à son absence est la même qui oppose la vie à la mort.
Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore? Échoue encore. Échoue mieux.
(P438)
La civilisation c'est comme l'économie ou la fée Clochette : si les gens cessent d'y croire, elle meurt.
L’amour est peut-être aveugle, mais, une fois qu’on vit sous le même toit, c’est comme si on s’équipait d’un scanner ultra-sophistiqué