Lettres à Anne : 1962-1995

Aimer c'est souffrir pour deux.

(...) et même le roman policier de Le Carré (L'espion qui venait du froid - c'est le premier policier que j'ouvre ! il paraît que ce bouquin dépasse le genre).

Je crois que rien ne se justifie si on ne consacre pas sa vie, si on ne la donne pas.

Je m'inquiète cependant de votre réflexion "c'est trop toujours pareil". Peut-être aurais-je dû veiller à modifier le rythme de nos itinéraires. Peut-être ai-je tort d'être sensible aux rites, qu'il ne faut pas confondre avec les habitudes : je trouve un goût délicieux à des symboles, lettre du lundi, Saint-Placide, les Blancs-Manteaux, le vendredi d'Ile-de-France, l'écharpe noire aux pois rouges.

Les groupes d'inspiration socialiste siègent en colloque pour discuter de leur éventuel rassemblement. Vous ne pouvez imaginer le verbalisme ésotérique de cette espèce politique profondément marquée par le souvenir des luttes ouvrières d'il y a trente et cinquante ans et qui se reconnaît beaucoup plus dans une certaine terminologie marxiste que dans la doctrine du même nom. Si vous n'employez pas avec eux et au moment voulu des formules comme celles-ci : pôles de domination économique, dimension européenne, planification socialiste, nouveaux centres de décision, mutation des pouvoirs, notion de contre-plan, appareil bureaucratique..., la "famille" socialiste fronce le sourcil et vous considère soit avec méfiance soit avec dédain !

Bonsoir vous qui dormez et qui ne savez pas que quelqu'un veille près de vous.
Lettre du dimanche 2 février 1964.

Je viens de trouver et d'ouvrir votre beau cadeau. Je suis revenu cette nuit à Paris exprès pour lui, exprès pour vous.
Je n'ai désiré créer avec vous autre chose que lumière et beauté.
Anne, votre vitrail veillera pour toujours là ou vivant, heureux, triste, tourmenté, pacifié, mort je dormirai.
Avant d'aller poster le message nocturne par un soleil clair d'hiver,
un soleil de vitrail.

Je t'attendrai ainsi qu'on attend les navires...

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Je les récupérerai lundi mais d'ici là me voici contraint de réfléchir plutôt que de lire et d'écrire ! Aubaine pour un sage, mais je ne suis pas (encore) un sage !

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Il pleut. Ça sent bon. J'aime ce temps fort.

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