Je vous dis donc, chère Anne, que la perspective de vous voir vaut bien tous les souvenirs que, déjà, je vous dois.
Mais je n’ai pas besoin de Camus, chère Anne, pour me souvenir, après trois semaines chargées de travail et de voyages du projet ébauché d’une balade dans nos vieux quartiers - en votre compagnie!
Je viens de te quitter. J'ai regardé, avant de t'écrire, ton vitrail et l'alouette de Van Gogh. Je suis brisé. Pardonne-moi d'abord, mon Anne, de ne pas t'avoir donné la journée que je voulais t'offrir. J'étais aujourd'hui (hier aussi) comme un instrument de musique aux cordes trop tendues. Un mot, un mouvement de ton visage, une intonation et quelque chose en moi se cassait. Ô Anne, cette douleur ! Pour rien ? Non. Pas pour rien. Crois-tu que m'échappait ta propre tension ? L'amour est pour toi l'approche de l'absolu. Dès lors que tu transiges tu penses ou bien que tu n'aimes pas ou bien que tu aimes mal. Et c'est vrai que tu transiges. Pas tellement avec moi car ce qui te lie à moi est assez inanalysable. Mais tu transiges avec le reste par rapport à moi. Et tu t'en veux.
Ô Anne, ma petite Anne, j'ai tant besoin de vous. En écrivant j'ai retrouvé votre ambiance, votre climat. J'espère. Je baise votre main. Je ferme les yeux. La fatigue m'étreint. Peu m'importe. Ni sommeil ni repos ne me visiteront tant que vous ne me rendrez pas et tendresse et confiance. Je ne les mérite pas. Je ne mérite rien. Je vous les demande quand même.
La tristesse qui m'étreint est immense. Elle est une douleur. J'en souffre plus que je ne saurais le dire. Reste cependant un point lumineux, éclatant, admirable au milieu de ma nuit : je ne suis coupable que d'aimer absolument.
La nuit n'a été qu'une longue attente désespérée. J'ai perdu tous les courages à la fois. Je vous aime cependant et j'ai tant à vous dire.
Ce matin je ne peux pas
Rassurez-vous, il n'y a pas d'impôt de la tendresse. Ce que je vous écris là n'engage que moi, ne touche en rien, en rien du tout à votre liberté à mon égard.
J'appelle injustice ce qui nous sépare et paix ce qui nous réunit. La Sagesse est-ce refuser de vivre ? Il me semble alors n'avoir pas commencé le chemin qui conduit à elle.
Je voulais vous dire bonsoir. Rien ne change en moi, Anne, dès qu'il s'agit de vous. Une semaine encore à gravir. Vous me manquez
Qu'y a-t-il de plus vrai, de plus envoutant qu'un symbole ? Anne qui va, qui vient, qui sourit, qui fronce le nez, qui tourne la tête, qui ne répond pas, qui fredonne n'importe quoi et n'importe comment, qui se donne aux arbres, aux ciels, aux livres, aux formes, aux signes, qui se querelle avec elle-même, Anne du Vendredi, vous avez su demeurer deux mois durant Anne-symbole, telle qu'au premier jour, j'ai souhaité me faire devin, pareille, exactement pareille à l'espérance que je n'osais pas espérer.