Citations sur Train de nuit dans la voie lactée (11)
Si vous imaginez que cette rivière du ciel est une vraie rivière, chacune des petites étoiles correspondra aux grains de sable ou aux graviers de ses fonds. Ou bien, si vous imaginez que c’est un grand flot de lait, cela ressemblera encore plus à la rivière du ciel. En effet, toutes ces étoiles seraient analogues aux fines gouttes de graisse qui flottent à l’intérieur du lait. Et si l’on veut nommer ce qui correspond à l’eau de cette rivière, c’est le vide, c’est-à-dire ce qui transmet la lumière à une certaine vitesse, le soleil et la terre flottant également. Nous aussi, nous vivons dans l’eau de la rivière du ciel.
La rivière, dans toute son étendue, vers l'aval, reflétait immensément la Voie lactée et l'on aurait pu dire que c'était comme si l'eau avait disparu, qu'il n'y avait plus que le ciel. Campanella ne pouvait se trouver que là-bas, tout au bout de la Voie lactée...
« Gare de la Voie lactée ! Gare de la Voie lactée ! » et brusquement devant lui le paysage devint très clair comme si, d’un seul coup, on avait pétrifié le feu de mille milliards de seiches phosphorescentes et qu’on l’avait immergé au milieu du ciel, ou bien comme si quelqu’un avait soudain renversé tous les diamants que, afin que les prix ne soient pas trop bas, on ne montre pas, délibérément, dans certaines entreprises où l’on place les pierres en des endroits cachés, et qu’on les avait tous éparpillés ; tout étincelait devant Giovanni ébloui qui se frotta les yeux plusieurs fois.
« Voilà que même les oiseaux viennent ici ! Qu’est-ce que tu veux, toi ? demanda Gauche.
— C’est que je désirerais apprendre la musique », dit le coucou avec un air étudié.
Gauche, en riant, dit :
« Allons, bon ! La musique ! Mais dans ta chanson, tu fais seulement : “Coucou ! Coucou !” non ? »
Alors le coucou, avec le plus grand sérieux :
« Oui, c’est bien ma chanson. Et justement, c’est très difficile, n’est-ce pas ?
— Difficile ? Chanter longtemps, c’est peut-être fatigant pour vous autres, mais la façon de chanter n’a pas grande importance, non ?
— Mais si, c’est très important ! Par exemple, quand je chante “Coucou !” comme ceci, puis “Coucou !” comme cela, on entend beaucoup de différence, n’est-ce pas ?
— Pour moi pas du tout.
— C’est que vous, vous n’entendez pas. Pour mes camarades et moi, nous pouvons chanter jusqu’à dix mille “Coucou !” et chacun d’eux sera différent. »
En se dirigeant vers le talus du côté opposé, il (Saburo) passa devant la salle des professeurs.
A ce moment, un grand vent se leva et les herbes des talus devinrent des vagues bruissantes ; en plein milieu du terrain de sport de la poussière se souleva brusquement ; devant le hall d'entrée, elle s'enroula en un tourbillon jaune dont la forme ressemblait à une bouteille renversée qui s'éleva plus haut que le toit.
Alors Kasuke dit soudain à voix haute:
"C'est bien ça ! C'est sûr ! Le nouveau, c'est Matasaburo ! Chaque fois qu'il fait quelque chose, à coup sûr, le vent se met à souffler."
Quand le vent soufflait, les plumets des roseaux étendaient leurs innombrables mains légères et les agitaient sans trêve.
Les deux enfants débouchèrent devant la gare sur une petite place entourée de ginkgos qui semblaient façonnés dans du cristal. De là, une large avenue conduisait tout droit vers la lumière bleue de la Voie lactée.
Teuf-teuf-teuf le joli petit train avançait joyeusement au milieu des roseaux du ciel étirés par le vent, parmi l’eau de la rivière céleste et les lueurs blanchâtres des signaux triangulaires, toujours plus loin.
Dans le ciel, des nuages d’un gris menaçant brillaient, ils filaient vite, très vite, entraînés par le vent dans la direction du nord. Au loin le bois, comme une mer déchaînée, mugissait, grondait, et faisait entendre un bruit de ressac… Alors il eut l’impression que dans sa poitrine, des vagues murmurantes se formaient. Mais quand, de nouveau, il regarda le vent qui bondissait en hurlant et en mugissant, il entendit cette fois sa poitrine battre à grands coups.
Peu après, lorsque Kosuke passa sous un châtaignier, en voulant aller vers un autre buisson de vigne, une pluie d egouttes l'aspergea et son dos et ses épaules furent trempés comme s'il était rentré dans l'eau. De surprise, Kosuke ouvrit la bouche, regarda en l'air et vit Matasaburo qui était monté sur l'arbre on ne sait trop quand, et qui, avec de petits rires, s'essuyait le visage à ses poignets.