Beaucoup pensent qu'écrire un thriller que l'on nomme les page-turner est une entreprise aisée mais il n'y a rien de plus faux. Il faut tout d'abord imaginer une bonne histoire, des personnages attachants, en somme des ingrédients communs à tout récit littéraire sauf qu'un auteur de thriller va devoir aussi composer avec un certain sens du rythme. Il s'agit même de l'ingrédient principal de ce genre de polar, réputé pour être addictif et captivant. le roman dont je vais vous parler aujourd'hui se revendique de ce genre sans pour autant se conformer à ses codes.
Il me faut avant tout relever que l'auteur fait preuve d'une plume inconstante, tantôt ampoulée et pompeuse comme lors du chapitre qui nous présente l'héroïne principale, Lynn Dunsday, puis plus proche de ce que l'on attend de ce genre d'oeuvre, comme nous le montre le chapitre qui nous introduit un personnage secondaire de manière plus direct et sans tentative de métaphores littéraires poussives. de manière générale l'auteur ne parviendra pas, ou alors lors de très rares fulgurances, à captiver l'attention du lecteur sur le personnage de cette jeune journaliste égoïste vibrante d'adrénaline, malgré tous les efforts qu'il déploiera au cours du récit. Sa narration se révèle beaucoup plus convaincante lorsqu'elle se focalise sur les autres personnages, plus concise et plus proche de l'idée que l'on se fait d'un thriller.
Ensuite il va falloir s'attarder sur l'intrigue et le propos de l'auteur. de mon point de vue, totalement subjectif, l'auteur s'est laissé dépasser par ce qu'il veut démontrer, la violence, le sordide et le gore exposé à la vue de tous sur internet. La première victime de cet exposé, qui ne pousse pas non plus très loin sa réflexion, c'est l'intrigue en elle-même qui souffre de longueur. L'enquête se retrouve réduite au strict minimum. On va passer rapidement sur la scène dans laquelle nos deux journalistes parviennent à pénétrer une scène de crime alors que celle-ci grouille de policiers, suspension d'incrédulité exigée. Les ultimes chapitres se rapprochent des codes du thriller pour offrir un final haletant. Sans doute la partie de l'intrigue la plus convaincante, dommage qu'elle arrive si tard.
Revenons pour finir sur cet exposé que nous déverse l'auteur tout au long des 400 pages qui constituent son thriller. J'ai parfois eu l'impression de lire une dissertation très scolaire sur les médias et leurs rapports à la violence et au gore. D'une part le discours se révèle creux, d'autre part son importance progressive phagocyte le récit et alourdit l'intrigue. On pourrait rajouter que le propos de l'auteur manque de pertinence puisqu'il délaisse un aspect majeur de son argumentation qui est le public. Si ses sites sont si consultés c'est parce qu'il y a un public qui y adhérent. Malheureusement l'auteur oublie de donner son point de vue sur ce que cela révèle de notre société, de la nature humaine et de nos mentalités et c'est un peu dommage je trouve.
Ce quatrième roman de
Michel Moatti vendu comme un thriller par l'éditeur souffre d'un style inégal, pataud dans les scènes introspectives qui échouent à accorder une âme à ses personnages mais efficaces dans ses trop rares scènes d'enquêtes et d'actions, mais également d'une réflexion intéressante au demeurant mais mal amené qui persuade qu'écriteau thriller efficace et captivant n'est décidément pas à la portée de tout le monde.
Lien :
https://culturevsnews.com/