- La perquisition a été fructueuse, Plusieurs volumes de Proust et de Kafka, des reproductions de Modigliani et de Soutine, quelques photographies de Charlie Chaplin, d'Eric Von Stroheim et de Groucho Marx dans les bagages de ce monsieur.
- Décidemment, lui dit le dénommé Elias Bloch, votre cas devient de plus en plus grave ! Emmenez-le !
Ils le poussèrent hors de la cabine. Les menottes lui brûlaient les poignets. Sur le quai il fit un faux pas et s'écroula. L'un des policiers profita de l'occasion pour lui donner quelques coups de pied dans les côtes, puis le releva en tirant sur la chaîne des menottes. Ils traversèrent les docks déserts. Un panier à salade, semblable à ceux que la police française utilisa pour la première grande rafle des 16-17 juillet 42, était arrêté au coin d'une rue. Elias Bloch prit place à côté du chauffeur. Il monta derrière, suivi des trois policiers.
Doriot ne me plaît pas beaucoup à cause de son passé communiste et de ses bretelles.
page 209. Il faut à tout prix que vous compreniez ceci : LE JUIF N'EXISTE PAS, comme le dit très pertinemment Schweitzer de la Sarthe. VOUS N'ETES PAS JUIF, vous êtes un homme parmi d'autres hommes, voilà tout. Vous n'êtes pas juif, je vous le répète, vous avez simplement des délires hallucinatoires, des fantasmes, rien de plus, une très légère paranoïa.. Personne ne vous veut du mal, mon petit;
Ainsi, il ne se défendait pas. Il rusait avec le malheur, il tentait de l'apprivoiser. L'habitude des pogroms, sans doute. Mon père s'épongeait le front avec sa cravate de daim rose. Comment pouvait-il croire que j'allais l'abandonner, le laisser seul, désarmé, dans cette ville de haute tradition, dans cette nuit distinguée qui sentait le vieux vin et le tabac anglais? Je l'ai pris par le bras. C'était un chien malheureux.
Scott Fitzgerald a parlé mieux que je ne saurais le faire de ces "parties" où le crépuscule est trop tendre, trop vifs les éclats de rire et le scintillement des lumières pour présager rien de bon.
Je regrettai amèrement le départ de mon père. Pour moi commençait l'âge adulte. Sur le ring, il ne restait qu'un seul boxeur. Il s'envoyait des directs à lui-même. Bientôt il s'écroulerait. En attendant, aurais-je la chance de capter - ne fût-ce qu'une minute - l'attention du public ?
... j'entre toujours par effraction dans la vie des gens.
[...] il suffit sans doute de sauter à cinq ans sur les genoux d'un vieux monsieur pour qu'il vous institue son légataire universel.
C'était le temps où je dissipais mon héritage vénézuélien. Certains ne parlaient plus que de ma belle jeunesse et de mes boucles noires, d'autres m'abreuvaient d'injures. Je relis une dernière fois l'article que me consacra Léon Rabatête, dans un numéro spécial d'Ici la France : "... Jusqu'à quand ce juif promènera-t-il impunément ses névroses et ses épilepsies, du Touquet au Cap d'Antibes, de La Baule à Aix-les-Bains? Je pose une dernière fois la question : jusqu'à quand les métèques de son espèce insulteront-ils les fils de France? Jusqu'à quand faudra-t-il se laver perpétuellement les mains, à cause de la poisse juive?...
Quand j'entrai dans son bureau, le commissaire, un S.S. cultivé, qui avait lu les poètes français, me demanda :
- Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse?