Je ne suis guère féru de course au large néanmoins, tous les quatre ans, le Vendée Globe et ses fous de mer et de vent me passionnent.
Le milieu a ses stars plus ou moins historiques comme nous les chantait Renaud :
Tabarly, Pajot
Kersauson et Riguidel
Naviguent pas sur des cageots
Ni sur des poubelles.
Moitessier c'est autre chose, c'est une légende.
Très jeune, j'ai eu connaissance de son mythique changement de cap bien avant de connaitre son nom.
Qui était ce type qui renonçait à une victoire dans la première course autour du monde en solitaire et sans escale, pour suivre on ne sait quelle lubie.
Après plus de 40 années de procrastination j'ai finalement trouvé quelques réponses à cette question en lisant "
La longue route".
D'abord,
Moitessier est honnête, il affirme que sa victoire n'était pas certaine et même qu'il ne la méritait pas, au prétexte que son bateau était plus performent que celui de son principal rival.
L'aspect course est d'ailleurs très peu évoqué, il cherche souvent à connaitre la position de ses concurrents, non pas dans un soucis de compétition, mais pour calmer son inquiétude quant à leurs situations.
Je mentirais en disant que le texte m'a passionné de bout en bout.
Il s'agit d'une sorte de journal de bord avec énumérations lancinantes des distances parcourues, de l'orientation des vents ainsi que des manoeuvres nautiques.
Le tout dans une langue absconse, on met la barre dessous, on choque le tourmentin, on affale, on ferle, on prend des ris, on lofe, on empanne.
Du serbo-croate pour moi !
Heureusement
Moitessier ne se limite pas à un rapport technique de sa navigation, il partage ses expériences, ses sensations, ses souvenirs d'enfance, son état d'esprit, sa fatigue, sa cuisine, les couleurs de la mer, des nuages, les oiseaux et les dauphins qui l'accompagnent. le ton est poétique voire parfois lyrique.
On peut sourire de certaines postures utopiques fleurant le Flower Power et la philosophie soixante-huitarde mais
Moitessier n'était pas naïf, nous vivons à présent dans ce monde qu'il pressentait et qu'il a voulu fuir.
Et puis il y a ce fameux volte-face dans l'Atlantique, quand il quitte la course et repart pour un tour.