J'ai découvert «
Le Bourgeois gentilhomme » au collège et je continue toujours à apprécier cette pièce que je pense être l'une des plus populaires de
Molière.
Présentée à la Cour à Chambord le 14 octobre 1670, le Bourgeois est avant tout une comédie ballet, ancêtre de nos comédies musicales, genre spécifique à
Molière et qui joue sur la forme de la pièce ; il s'agit clairement d'un divertissement au plein sens du terme. Danse, chant et musique ponctuent et encadrent les actes, tout converge à la réjouissance du public. L'émerveillement ici ne réside non pas dans la machinerie théâtrale mais sur la festivité permanente qui anime la scène.
La fête fantaisiste et fantastique est magnifiée avec la cérémonie turque du dernier acte ; les personnages enturbannés semblent directement sortis d'un conte des Milles et Une Nuits. Les turqueries de l'oeuvre de
Molière font d'ailleurs échos à l'actualité royale puisque le 5 novembre 1669 un envoyé du Sultan de l'Empire ottoman avait été reçu à la Cour. Littérature et musique alimentent le goût de l'exotisme et de l'orientalisme en présentant une image fantaisiste de l'Orient.
Outre la musique de Lully et les danses scéniques, la réjouissance de la pièce est aussi liée à son caractère comique et ici
Molière multiplie les genres : comique visuel, comique de mot, comique de situation, comique de moeurs et comique de caractère. L'intrigue paraît presque secondaire, prétexte à la fête et au rire.
L'intrigue est cocasse, burlesque ; les personnages principaux sont bourgeois, repoussoir naturel pour la noblesse d'épée méprisant la noblesse de robe et la bourgeoisie montante du XVIIe siècle.
Monsieur Jourdain, sans éducation et naissance cherche à se rapprocher de la noblesse, à la côtoyer et se met à la singer par ses moeurs et ses costumes. On rit de ce bourgeois qui veut apprendre à danser, l'orthographe et à croiser le fer ; la Cour singeant
Louis XIV, la bourgeoisie de province singeant Paris lisent-elles la moquerie implicite de la pièce ?
La question de la naissance, de la situation sociale font échos aux préoccupations de la société de
Louis XIV. Financiers, marchands, fermiers généraux à qui la Fortune a souri aspirent désormais à renforcer leur position dans la société et à obtenir un titre de noblesse qui pourraient les soustraire de l'impôt roturier. Pour Monsieur Jourdain, la motivation première est la vanité et le prestige que lui apporterait un titre de noblesse et qui effacerait tout ses défauts. Il tend ainsi à oublier ses origines et rejette violemment les propos de sa femme qui les lui rappelle. Alors que
Louis XIV multiplie les enquêtes et demande à la Cour de prouver sa noblesse,
Molière dénonce ainsi via Monsieur Jourdain les prétendants à la noblesse aux naissances obscures, d'où la réaction de Cléonte qui refuse de passer pour gentilhomme.
Pour Monsieur Jourdain l'accès à la noblesse tient à l'éducation, aux moeurs de Cour (danse, musique, arme, philosophie) qui pour lui définissent extérieurement la noblesse. Outre son argent utilisé à son insu par un noble courtisan, le mariage est une arme politique pour le Bourgeois dans sa quête de qualité. Son amour à la marquise Dorimène n'est plus évoqué une fois qu'il a goûté aux turqueries, son mariage bourgeois est rejeté à la fin de la pièce et surtout ce fou est prêt à sacrifier sa fille au premier noble venu pour paraître gentilhomme !
La critique de la noblesse on le voit paraît en filigrane et il ne faut pas réduire «
Le Bourgeois gentilhomme » a une dénonciation de la bourgeoisie aspirant à la noblesse par l'argent. Monsieur Jourdain ridiculise les moeurs et apparence de la noblesse. le personnage de Dorante est d'ailleurs très critiquable : il fait la cour auprès d'un Bourgeois pour son argent ! Intriguant, sans scrupule, à l'honnêteté discutable, Dorante l'aristocrate semble oublié les vertus et valeurs nobles.
Jourdain le bourgeois prétendant à la noblesse, Dorante le noble courtisan dévoyé, aucun des deux personnages ne trouve grâce aux yeux de
Molière.