Je vis de bonne soupe, et non de beau langage.
Le mépris est une pilule qu’on peut avaler mais qu’on ne peut mâcher.
Et quand tu vois ce beau carrosse
Où tant d’or se relève en bosse
[…] Ne dis plus qu’il est amarante :
Dis plutôt qu’il est de ma rente.
PHILAMINTE
Car enfin je me sens d’un étrange dépit
Du tort que l’on nous fait du côté de l’esprit,
Et je veux nous venger toutes autant que nous sommes,
De cette indigne classe où nous rangent les hommes,
De borner nos talents à des futilités,
Et nous fermer la porte aux sublimes clartés.
HENRIETTE :
Un amant fait sa cour où s'attache son coeur,
Il veut de tout le monde y gagner la faveur;
Et, pour n'avoir personne à sa flamme contraire,
Jusqu'au chien du logis il s'efforce de plaire.
Philaminte.
Pour les abstractions, j’aime le platonisme.
Armande.
Épicure me plaît, et ses dogmes sont forts.
Bélise.
Je m’accommode assez, pour moi, des petits corps ;
Mais le vide à souffrir me semble difficile,
Et je goûte bien mieux la matière subtile.
Trissotin.
Descartes, pour l’aimant, donne fort dans mon sens.
Armande.
J’aime ses tourbillons.
Philaminte.
Moi, ses mondes tombants.
Armande.
Il me tarde de voir notre assemblée ouverte,
Et de nous signaler par quelque découverte.
Trissotin.
On en attend beaucoup de vos vives clartés ;
Et pour vous la nature a peu d’obscurités.
Gens qui de leur savoir paraissent toujours ivres;
- Riches, pour tout mérite, en babil importun;
- Inhabiles à tout, vides de sens commun.
Qui veut noyer son chien, l'accuse de la rage.
Et, dans ce vain savoir qu'on va chercher si loin,
On ne sait comme va mon pot, dont j'ai besoin.
TRISSOTIN
Il [VADIUS] a des vieux auteurs la pleine intelligence,
Et sait du grec, madame, autant qu’homme de France.
PHILAMINTE, à BELISE
Du grec, ô Ciel ! du grec ! Il sait du grec, ma sœur !
BELISE, à ARMANDE
Ah ! ma nièce, du grec !
ARMANDE
Du grec ! quelle douceur !
PHILAMINTE
Quoi ! monsieur sait du grec ? Ah ! permettez, de grâce,
Que, pour l’amour du grec, monsieur, on vous embrasse.
(VADIUS embrasse aussi BELISE et ARMANDE)
HENRIETTE, à VADIUS, qui veut aussi l’embrasser.
Excusez-moi, Monsieur, je n’entends pas le grec.
- Acte III -