Citations sur Le Cycle d'Elric, tome 8 : Stormbringer (11)
Une anarchie noire s'était abattue sur le monde. Ni les hommes, ni les dieux, ni ce qui les gouverne tous deux, ne pouvaient plus lire le destin futur de la Terre, et la puissance des Forces du Chaos augmentait grâce aux machinations de leurs créatures humaines.
Seuls les Léopards Blancs restèrent et se battirent jusqu'au dernier homme. Comme Yishana l'avait dit, ils ne savaient que tuer. Et aussi, apparemment, mourir.
Certains hommes passent des années à tisser une toile de pensées cohérentes, et d’autres, qui les laissent vagabonder au hasard, parviennent au même résultat. Et voilà pour la sagesse du philosophe !
La Cité qui rêve ne rêvait plus de sa splendeur. Les délicates tours d'Imrryr la Belle n'étaient plus que des coques noircies, lambeaux de maçonnerie se découpant, sinistres et noirs, sur le morne ciel. Il y avait longtemps déjà, la vengeance était venue porter le feu dans la cité, et le feu l'avait détruite.
Et il comprit, tandis que sa vie faiblissait et allait s'unir à la vie de son épée, qu'il avait de tout temps été destiné à mourir ainsi. Avec cette noire lame, il avait tué ses amis, il avait tué celles qu'il aimait, volant leur âme pour nourrir ses forces évanescentes. Et il lui semblait que l'épée s'était toujours servie de lui, et non le contraire, qu'en fait il n'avait été qu'une émanation de Stormbringer, et qu'il regagnait maintenant le corps de cette lame qui n'avait en réalité jamais été une épée. En expirant, il versa de nouvelles larmes, car il savait que l'âme de l'épée, dont il représentait une fraction, ne connaîtrait jamais le repos, étant condamnée à l'immortalité.
– Non, gémit-il. Oh non pas mon âme ! Non ! Ses yeux s’agrandirent et furent traversés d’un éclair de folie. Stormbringer repue, Elric la retira du cadavre. L’homme ne lui avait inspiré aucune sympathie.
-Ton âme était, de toute façon, destinée à l’enfer, dit-il d’un ton léger. Au moins aura-t-elle servi à quelque chose.
-Mais je vous dis ceci, Sepiriz ; si j'en ai la possibilité, je lui ferai regretter d'être revenu sur Terre, car il a fait la seule chose qui puisse réellement me mettre en colère...Et la colère d'Elric de Melniboné peut détruire le monde !
Sepiriz leva les sourcils.
-Et les Dieux ? Elric, peut-elle détruire des Dieux ?
-Ah,Elric,s’esclaffa le Dieu Mort,tu ne comprends pas que nous sommes tous ,dieux et hommes, que des pantins jouant avant que le rideau ne se lève vraiment.
- Mais quelle est la signification de tout cela ? demanda Elric. Voilà ce que je n'ai jamais vraiment compris.
- Qui peut le comprendre ? Qui connaît la raison de l'existence de l’Équilibre Cosmique, de celle du Destin et des Seigneurs d'En Haut ? L'espace, le temps, et les possibilités paraissent infinis. Peut-être y a-t-il un nombre infini d'êtres existant sur des plans de plus en plus élevés, conscient de leur but final, bien que dans l'infini il ne puisse pas y en avoir. Peut-être l'univers est-il cyclique et les mêmes événements se reproduisent-ils sans cesse jusqu'à l'usure d'un univers qui s'évanouira comme le monde que nous connaissons s'est évanoui. La signification, Elric ? Ne la cherchez pas, car c'est la voie de la folie.
- Pas de signification, pas de modèle, pas de but... Pourquoi alors ai-je vécu tant de souffrances ?
- Peut-être les dieux eux-mêmes sont-ils à la recherche de cette signification et de ce but, et ce que nous avons vécu n'est-il qu'une tentative pour les définir. (...) Les dieux font des expériences ; l’Équilibre Cosmique guide la destinée de la Terre ; les hommes luttent, et pensent que les dieux savent pourquoi ils luttent, mais les dieux le savent-ils vraiment ?
- Vous ne faites que me troubler davantage, soupira Elric.
- Donc... nous cesserons tous d'exister, bientôt ? Ce sera comme si nous n'avions jamais respiré, pensé, lutté ?
- C'est probable.
- Mais pourquoi ? Cela me paraît injuste.
- Qui vous a dit que le monde était juste ?
Elric baissa la tête.
- C'est donc ce que je craignais. Il n'y a pas de justice.
- Mais si, dit Sepiriz, il y a une certaine justice, une justice qu'il faut tailler dans le chaos de l'existence. L'homme n'est pas né dans un monde de justice, mais il peut créer un tel monde.
- Cela pourrait me convaincre, dit Elric, mais à quoi servent tous nos efforts si nous sommes condamnés à mourir, et nos actions avec nous ?
- Ce n'est pas absolument exact. Quelque chose nous survivra : ceux qui nous suivront hériteront de ce que nous avons créé.