Citations sur La Storia, tome 2 (21)
Toutes les règles de l’école : la claustration, le banc, la discipline semblaient pour lui des épreuves insoutenables ; et le spectacle des écoliers assis en rang devait lui paraître un phénomène incroyable, car il ne faisait que déranger ses camarades, bavardant avec eux à haute voix, leur sautant au cou ou les frappant à petits coups de poing comme pour les réveiller d’une léthargie.
« Pour moi », déclara soudain David, « paradis ou enfer, c’est du pareil au même. Moi, je désire que Dieu N’ n’existe PAS. Je désire qu’au-delà il n’y ait plus rien, un point c’est tout. S’il y avait n’importe quoi, cela me ferait souffrir. Toutes les choses qu’il y a, que ce soit ici-bas ou au-delà, me font souffrir : tout ce que je suis, tout ce que sont les autres… Moi, je désire n’être plus. »
« les races, les classes, les citoyennetés sont des blagues : des spectacles d’illusionnisme montés par le Pouvoir. C’est le Pouvoir qui a besoin de la Colonne infâme du Pilori : « celui-là est juif, il est nègre, il est ouvrier, il est esclave… il est différent… c’est lui l’Ennemi !», tout ça, c’est des trucs pour masquer le véritable ennemi qui est lui, le Pouvoir !
« Quand on tue un autre, c’est toujours un enfant qu’on tue! »
Le silence, en réalité, était parlant ! et, même, il était fait de voix, qui, au début, parvinrent plutôt confuses, se mélangeant au tremblement des couleurs et des ombres, jusqu’au moment où cette double sensation devint une seule : et alors, on comprit que ces lumières tremblantes, elles aussi, étaient toutes, en réalité, des voix du silence. C’était vraiment le silence, et pas autre chose, qui faisait trembler l’espace, serpentant comme une racine plus profondément que le centre embrasé de la terre et montant dans une tempête énorme plus loin que le bleu du ciel.
Le vin n’avait jamais été pour lui un vice, mais un plaisir. En plus de sa saveur et du prétexte que cela constituait pour lui de se trouver en compagnie, le vin lui avait procuré de véritables satisfactions d’amour-propre, le rendant vif, bavard et, même, éloquent ; et en lui donnant en outre la fierté de la résistance, car il pouvait en boire beaucoup sans être ivre.
David avait l'impression, dans son exacerbation, d'être le centre exact d'un scandale universel, ni plus ni moins que si on l'avait lapidé. Il chancelait et une sueur de fièvre lui coulait du front. Alors, serrant les poings, il reprit le fil de sa harangue: "La nature appartient à tous les vivants", tâcha-t-il de nouveau d'expliquer d'une voix enrouée, "elle était née libre, ouverte, et EUX, ils l'ont comprimée et ankylosée pour la faire entrer dans leurs poches. Ils ont transformé le travail des autres en titres de bourse, et le champs de la terre en rentes, et toutes le vraies valeurs de la vie humaine, l'art, l'amour, l'amitié en marchandises à acheter et à empocher. Leurs Etats sont des banques d'usure, qui investissent le prix du travail et de la conscience d'autrui dans leurs sales affaires: fabriques d'armes et d'immondices, louches manigances, vols, guerres homicides! Leurs fabriques de biens de consommation sont d'affreux Lager d'esclaves, au service de leurs profits... Et les Autres... Mais peut-on encore croire en d'autres à opposer à EUX?
"les races, les classes, les citoyennetés sont des blagues: des spectacles d'illusionnisme montés par le Pouvoir. C'est le Pouvoir qui a besoin de la Colonne infâme du Pilori: "celui-là est juif, il est nègre, il est ouvrier, il est esclave... il est différent... c'est lui l'Ennemi!", tout ça, c'est des trucs pour masquer le véritable ennemi qui est lui, le Pouvoir! C'est lui, la pestilence qui plonge le monde dans le délire... On naît juif par hasard, et nègre et blanc par hasard..."
Et cette gêne quotidienne, avec les années, se développa peu à peu pour lui plus clairement et finit par devenir son grand refus fondamental, lequel, d'autre part, s'avérait pour lui incommunicable aux siens, tel un code de l'autre monde. De fait, ils vivaient, eux, nourris, dans chacun de leurs actes, de la conviction d'être honnêtes et normaux; alors que, dans chacun de leurs gestes ou de leurs paroles, il découvrait toujours un nouveau symptôme dégradant de cette plus grande perversion qui infectait le monde; et qui s'appelait bourgeoisie.
[…]il commença, s’exprimant dans un langage si appliqué et si précis qu’on eût dit qu’il lisait les phrases d’un bréviaire :
1o Le mot fascisme est de frappe récente, mais il correspond à un système social de décrépitude préhistorique, absolument rudimentaire et, même, moins évolué que celui en usage chez les anthropoïdes (comme peut le confirmer quiconque a des notions de zoologie) ; 2o Ce système est fondé, en effet, sur la domination par la violence de ceux qui sont sans défense (peuples, classes ou individus) par ceux qui disposent des moyens d’exercer la violence ; 3o En réalité, depuis les origines primitives, universellement et tout au long de l’Histoire de l’humanité, il ne subsiste pas d’autre système que celui-ci. Récemment, on a donné le nom de fascisme ou de nazisme à certaines de ses manifestations extrêmes d’ignominie, de démence et d’imbécillité, propres à la dégénérescence bourgeoise : mais le système en tant que tel est en activité toujours et partout (sous des apparences et des noms différents, voire contradictoires…), toujours et partout depuis le début de l’Histoire de l’humanité…