J'avais de moi-même une assez haute opinion, tout au plus teintée d'une sorte de pitié, comme pour un homme peu chanceux, que le sort n'avait pas favorisé autant qu'il le méritait, mais qui n'avait rien que d'estimable. Et voici que cette phrase d'Emilia venait bouleverser cette conception ; pour la première fois je me demandais si je me connaissais et me jugeais tel que j'étais, sans fausse complaisance envers moi-même.
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A l'instar de quiconque s'aperçoit subitement qu'il est suspendu au-dessus d'un abîme, j'éprouvais une sorte de nausée douloureuse à la pensée que notre intimité était devenue sans raison éloignement, absence, séparation.
J'ai remarqué que plus on est envahi par le doute, plus on s'attache à une fausse lucidité d'esprit avec l'espoir d'éclaircir par le raisonnement ce que le sentiment à rendu trouble et obscur.
Et tout à coup je me sentis envahi par cette même douleur que j’avais ressentie à Rome lorsque pour la première fois elle m’avait clamé son aversion. –Emilia –m’écriai-je- mais pourquoi tout ceci ? Pourquoi sommes-nous ainsi dressés l’un contre l’autre ?
Elle avait ouvert un battant de l’armoire et se regardait dans la glace. Distraitement, elle laisse tomber : -Que veux-tu ? C’est la vie…
Ce fut après avoir signé mon contrat pour un second scénario, non cette fois avec Battista, mais avec un autre producteur, que brusquement le courage et la volonté m’abandonnèrent et que je commençais à ressentir avec une irritation et un dégoût croissants tous les inconvénients que je viens d’énumérer. La journée m’apparaissait dès mon lever telle un désert aride sans l’ombre agréable de la contemplation et du loisir, mais sous le soleil importun de l’inspiration forcée. J’étais à peine entré chez le metteur en scène qu’il m’accueillait dans son studio par une de ces phrases rituelles : – Alors, qu’ont donné tes réflexions de la nuit ?…Tu as trouvé une solution ? Ensuite, au cours du travail, tout m’impatientait et me dégoûtait : les digressions de tout genre par lesquelles le metteur en scène et les scénaristes cherchaient à alléger les longues heures de discussion, l’incompréhension, le manque de subtilité ou même les simples divergences d’opinion de mes collaborateurs à mesure que s’écrivait le manuscrit… jusqu’aux louanges du metteur en scène pour chacune de mes trouvailles ou de mes idées, louanges qui avaient pour moi un arrière-goût amer parce qu’ainsi que je l’ai dit il me semblait donner le meilleur de moi-même pour une chose qui au fond ne me regardait pas et à laquelle je participais contre mon gré. C’est même ce dernier inconvénient, qui à ce moment, me paru le plus insupportable. Et chaque fois que le metteur en scène, dans son langage populaire et familier propre à beaucoup d’entre eux, sautait sur sa chaise en s’exclamant : – Bravo ! Tu es un chef ! – je ne pouvais m’empêcher de penser : « Dire que j’aurais pu m’en servir pour un drame, une comédie à moi! ». Pourtant, par une singulière et amère contradiction malgré mes répugnances je ne parvenais pas à me soustraire à ma tâche de scénariste. La mise sur pied de ces scénarios ressemblait un peu à ces vieux attelages à quatre, où certains des chevaux, plus forts et plus courageux, tiraient et où les autres faisaient semblant de tirer mais en réalité se laissaient traîner par leurs compagnons. Et bien ! malgré mon impatience et mon aversion, je m’aperçus très vite que j’étais toujours le cheval qui tirait ; les deux autres, le metteur en scène et mon collègue, attendaient toujours en face des difficultés que j’arrive avec ma solution. (p 60)
Non mi voltai né mi mossi; ma mi domandai ad un tratto se fosse stato sempre così, nei nostri rapporti.
Dans la chambre à coucher, dans une lumière qui parut éblouissante, j'aperçus Emilie assise pieds nus sur le lit défait, en train de téléphoner. L'expression perplexe et déçue de son visage me frappa.
A vingt-sept ans, on a généralement un idéal... le mien est d'écrire pour le théâtre... pourquoi ne puis-je le suivre? Parce que le monde d'aujourd'hui est fait de telle manière que personne ne peut choisir la voie qu'il désire et doit faire au contraire ce que veulent les autres... pourquoi l'argent tient-il une telle place, dans ce que nous faisons, ce que nous sommes, ce que nous voulons devenir, dans notre métier, nos meilleures aspirations et jusque dans nos rapports avec ceux que nous aimons?
Sans me l'avouer, j'étais déjà sur le terrain glissant où la froideur de la veille devient le lendemain amour brûlant grâce aux sophismes et à la bonne volonté de l'âme avide d'illusions.
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Ce baiser, en réalité, marquait le point culminant de l'équivoque dans laquelle se débattait ma vie, tant au point de vue conjugal que de mon métier.