Citations sur L'ennui (38)
Mais toutes nos réflexions, même les plus rationnelles, naissent d’une donnée obscure du sentiment. Et il est moins facile de se libérer du sentiment que des idées : celles-ci vont et viennent mais les sentiments demeurent
Souvent, en la regardant étendue et les jambes écartées, je ne pouvais m'empêcher de comparer la fente horizontale de sa bouche et celle, verticale, du sexe, et de remarquer avec étonnements que la seconde était plus expressive que la première, de cette manière toute psychologique qui est propre à ces traits du visage révélateurs du caractère de la personne.
Il semblait maintenant que, parmi toutes les minutes de la journée , je choisissais toujours celles qui ne se déclenchaient jamais à la petite montre bracelet de Cécilia. Le temps de Cécilia et de son amant n'était pas le mien.. Le leur était le temps calme, assuré, régulier de l'amour, le mien ,le temps rageur et convulsif de la jalousie
Cécilia qui m'avait semblé si désirable tant que je l'avais suspecté de trahison était redevenue maintenant que j'étais convaincu du contraire, un objet insignifiant, présent peut être à la perception la plus superficielle de mes sens, mais non pour autant véritablement réelle.
La sensation de l'ennui nait en moi, je l'ai déjà dit de l'impression d'absurdité
d'une réalité insuffisante, c'est à dire incapable de me persuader de sa propre existence effective.
Je possédais un excellent tourne-disques, don de ma mère, sans compter une centaine de disques. Mais qui n'a jamais pu dire que la musique agit de toute façon, se fait écouter, pour ainsi dire de force, même par la personne la plus distraite ? Celui qui a dit cela a dit une chose inexacte. En réalité mes oreilles refusaient non seulement d'écouter mais d'entendre. Et puis, au moment de choisir un disque, cette pensée me paralysait : quelle est la musique qu'on peut écouter dans les moments d'ennui ? Alors je refermais le tourne-disques, je me jetais sur le divan et me mettais à penser à ce que j'allais pouvoir faire.
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Or, comme je l'ai dit, l'aspect principal de l'ennui était l'impossibilité pratique de rester en face de moi-même, seule personne au monde d'autre part, de laquelle je ne pouvais me défaire d'aucune façon.
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En réalité, pour espionner avec quelque efficacité, j'aurais dû avoir, je l'ai déjà dit, le froid détachement technique du policier, ou la curiosité de l'indiscret, qui trouve sa fin en elle-même. Au contraire, je surveillais Cecilia avec l'âme angoissée d'un amant, et peu importait que je fusse un amant qui ne voulait pas conserver la femme qu'il aimait, mais s'en libérer.
C'était l'argent, auquel j'avais renoncé sans réussir à m'en défaire, qui avait provoqué la crise de mon art, et, en général de ma vie.
Tu t'apercevras que ta mère n'est pas une dame quelconque à laquelle on rend visite par devoir de courtoisie...
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