ça bouillonnait, chez nous. Voilà la raison pour laquelle je fus obligée d'écrire : j'ai grandi dans une maison tellement bruyante, où tout le monde parlait en même temps, que le seul moyen de placer un mot était de l'écrire. A partir du moment où j'ai su le faire, j'ai écrit tous les jours dans mon journal intime.
(p. 63)
Exil 4
Etre loin de ses soeurs
Avec ma mère et mes deux soeurs, nous formions un clan. Elles sont mes racines. Quand je suis partie vivre en France, je me suis sentie hors sol.
Etre une fille n'est pas un exil en soi. c'est plutôt le fait d'hériter de la déception des parents. Le pire, c'était qu'ils n'avaient aucune ambition pour nous. j'étais exilée des grandioses espérances. On était de la chair à marier.
(p. 41)
On était tous sages, attentifs et obéissants. Qui aurait eu l'idée de ne
pas l'être ? Chaque matin, on se levait pour honorer le drapeau, main sur le coeur, et on jurait fidélité aux Etats-Unis d'Amérique de toutes nos forces.
J'y allais avec confiance, convaincue que c'était la meilleure école dans le meilleur pays du monde. (...)
Même si je n'étais qu'une fille, j'étais heureuse d'être là...je crois.
(p. 40.).
exil 13
Errer
J'avais une maison, un mari, une famille. Le mari n'étant plus, la maison n'était plus un abri. Je me suis exilée volontairement, en répondant positivement à toutes les invitations faites à l'écrivain que j'étais. (...)
Après la mort de Jacques, pour me perdre encore plus, pour m'évader de la maison vide, j'ai accepté toutes les invitations en bibliothèque ou dans des classes, les rencontres dans les lycées ou les Instituts français à l'étranger, les Alliances françaises, où que ce soit. Mais au lieu d'échapper à ma maison en deuil, j'ai multiplié les retours douloureux. (p. 212)
Qui est l'être heureux ? Celui qui se contente de ce qu'il a.
Le pouvoir magique d'Effie, mon autre soeur, mon aînée de cinq ans, était de faire rire : elle étalait la bonne humeur et le bonheur comme du beurre salé sur une tranche de pain toasté. On le savait : il fallait toujours avoir une culotte de rechange quand on traînait avec elle, tellement on pissait de rire en pleine rue.
Elle [soeur de l'auteure ] ne comprend pas l'élan, la passion, l'enthousiasme, l'excitation, l'autostimulation, souvent la torture et la fatigue accablante à la fin de la journée d'écriture. Son art à elle c'est la vie. ! (p. 129)
Est-ce que le but de la vie n'est pas de collectionner les regrets ?
Lire, un autre exil : il faut couper dans le déroulement de la vie pour se vautrer sur son île et se livrer à d'autres vies, d'autres personnages, d'autres histoires, d'autres terres et planètes, oui, s'exiler. S'extraire de la vie sociale et de la communication avec d'autres humains pour ces amis de papier.