Je me réveille doucement et m'aperçois que je suis seule dans
le lit. J'ai un moment de doute et me demande si c'était un
rêve ou si la soirée d'hier s'était réellement passée. Une
odeur agréable de pancake flotte dans l'air. J'ai toujours aimé
manger des bonnes choses le matin, comme à l'américaine.
J'enfile un grand tee shirt qui me passait sous la main, tire
mes cheveux de façon à en faire un chignon et me faufile
jusqu'à la cuisine. Il était là, à préparer le petit déjeuner vêtu
simplement d'un caleçon et de sa chemise restée ouverte
pour le plus grand plaisir de mes yeux. Sa peau un peu mate
et ses abdominaux bien dessinés ne pouvaient que me
décrocher un sourire. Ça n'était donc pas un rêve.
J'ai vraiment l'impression d'être
dans un mauvais rêve. Ça ne s'arrête pas, jamais. Je suis
fatiguée, j'en ai plein la tête de tout ça, de Léna, de toi ! Mais
à qui je peux faire confiance maintenant ! Criais-je les larmes
aux yeux.
Je me retrouve désormais seule, trahie par tous ainsi que par
l'homme que j'aime, celui que j'avais choisi parce que je le
pensais différent. Je n'ai plus personne sur qui me reposer,
me confier et me sentir mieux. Personne sur qui compter
pour me soutenir dans ce procès.
Je suis complètement seule
comme jamais je ne me suis sentie.
Quelle personne censée
reviendrait directement se jetter dans la gueule du loup
lorsqu'elle aurait eu l'occasion de pouvoir lui échapper ? Les
bleus sur ses bras se sont estompés et ont laissés la place à
une toute autre forme de bleus. De tous petits points comme
des aiguilles. Ils ont dû lui faire ça quand elle était à l'hôpital.
Elle a un peu moins de cernes aussi comme si elle avait pu
dormir sereinement pour la première fois depuis très
longtemps. Quel bien ça fait de la voir, de pouvoir la toucher
et de la serrer dans nos bras.
Depuis que je suis venue au monde, tu n'as cessé de me
protéger de tout et n'importe quoi. Un petit bobo devenait
pour toi une urgence vitale. A l'école, nous étions toujours
fourrés ensemble, à jouer dans la même équipe de foot, à être à côté en classe même si les instites n'en pouvaient plus
de nous entendre bavarder, ils n'ont jamais pu nous séparer.
Nous étions plus insupportables encore si ils osaient le faire.
Si les copines ou les copains se fâchaient contre moi, tu
n'hésitais pas à montrer les crocs. J'aimais cette sensation de
protection que tu me donnais. Je me sentais invincible,
intouchable. J'étais ton monde et tu étais le miens. Quand
nous sommes rentrés au collège, je maudissais tes petites
copines qui prenaient de la place dans ta vie, beaucoup trop à
mon goût. Et je les detestaient encore plus lorsqu'elle te
brisaient le coeur. Toi qui était si gentil, si attentionné. Tu aurais fait le bonheur de n'importe qu'elle fille à l'époque et aujourd'hui encore, si tu étais toujours là.
C'est fini, il ne pourra jamais plus m'atteindre, me
toucher, me faire du mal. Il n'existe plus. J'ai dû mal à réaliser
mon geste et en même temps je suis heureuse d'avoir pu en
venir à bout. C'est comme si toute ma peine et toute ma
douleur avaient plongé avec lui. J'attrape mon sac à dos où se
trouve mon arme et y met du poids à l'intérieur et le jette à
l'eau pour m'en débarrasser. Je n'en aurais plus jamais
besoin. Et je reprends la direction du port presque soulagée.